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Souvenirs de Cinéma #25 : Amel Lacombe

Aujourd’hui c’est Amel Lacombe fondatrice de la société de distribution indépendante Eurozoom, ayant permis la découverte en salles de nombreuses pépites : La traversée du temps, Patéma et le monde inversé, Your Name, Creepy, Belladonna, Promare, Les enfants de la mer… . d’évoquer ses souvenirs cinématographiques, de son enfance à Tunis jusqu’à la joie procurée par son métier et les rencontres qui en découlent.  

En cette triste période de fermeture des salles,  le cinéma n’est plus qu’un souvenir, pour tous, de plus en plus lointain. Quoi de plus opportun que de répondre alors à l’invitation de Furyosa : souvenirs de cinéma.

Il parait qu’on ne demande pas à une femme son âge… mais si elle vous dit que son 1er souvenir de cinéma c’est Le livre de la jungle, on sait déjà qu’elle en a vu des films et connu des vagues.

Les yeux de Kaa le serpent, la douce voix de Bagheera, la joie de vivre communicative de Baloo ont fait de ma première expérience du grand écran un souvenir d’une chaleur incomparable. Je m’en souviens encore de cette 1ère fois : on m’avait mis ma belle robe du dimanche et je serrais très fort les mains de mes parents en passant dans le noir la porte du cinéma le Colisée à Tunis. Une salle immense de près de 2000 fauteuils, ou je me sentais à la fois perdue et fière d’être comme les grands, angoissée par l’obscurité et rassurée par la présence de cette foule comme hypnotisée par le grand écran.

Ce fut un grand moment.

Celui des Disney de l’enfance.

Le Palmarium, un des grands cinema art déco de Tunis.

Puis plus rien ou presque, tout au long d’une adolescence tunisienne privée de cinéma. À cette époque, en Tunisie, peu de films sortaient en salles en dehors des films « familiaux » américains  et une fois passe l’âge, il n’y avait plus rien a se mettre sous une dent de cinéphile.

Mais si je n’allais plus au cinéma, le cinéma vint a moi, grâce à la Rai, la TV publique italienne que l’on captait en Tunisie et qui permettait d’éviter la censure de la TV Tunisienne qui charcutait allègrement les films au moindre baiser ou à la moindre « incartade morale». 

Je me souviens d’avoir vu La Banquière de Francis Girod dans une version tellement expurgée pour cacher l’homosexualité du personnage de Romy, qu’on ne comprenait plus rien a l’histoire. Mais sur la Rai, point de censure, des baisers à gogo et aussi des films néoréalistes italiens, des comédies douces amères, des classiques américains, et pour moi, très assidue face à ce petit écran qui comblait les manques du grand, un double apprentissage : celui de la langue italienne  (pas de sous titres, il fallait bien que je me débrouille pour comprendre) et de la grammaire du cinéma.

Mon Duolingo à moi c’était le film du soir de la Rai ! Et j’ai vu tellement de classiques du cinéma américain en version doublée italienne que la 1ère fois que j’ai revu Deux sur la route, Citizen Kane ou Le faucon maltais en VO (l’été au Max Linder, un autre grand souvenir de cinéma) j’ai eu l’impression d’un sacrilège. 

Cette période Rai a été fondatrice dans ma vision du cinéma : Miracle à Milan, Largent de la vieille, Un bourgeois tout petit, petit, Nous nous sommes tant aimés, La terrasse, Antonioni, les 1ers Fellini… . Autant de films qui m’ont profondément marquée par leur humanité, la justesse des sentiments et des dialogues, la maestria des acteurs de Gassmann à Manfredi, de Mastroianni  à Sandrelli et puis bien sur, Monica Vitti.

Puis j’ai passé mon bac, et grâce a une bourse, j’ai débarqué à Paris. 

La ville cinéma !

Le Pariscope et ses pages de films qui n’en finissaient pas !

Des films de tous genres, de tous pays, tous les jours, dans tous les quartiers de Paris ! Un truc impensable quand tu as passe ta jeunesse dans un désert de cinéma.

Mais ça, vous, vous connaissez. 

Les soirées cinéma au quartier latin, les salles immenses des champs Élysées, les étés du Max Linder, l’UGC Forum aux halles, (tu entendais le métro dans la salle, derrière l’écran)  puis après le multiplexe UGC des Halles, avec chaque année de nouvelles salles en plus.

Le cinéma m’a toujours accompagnée et quand j’ai perdu mon père suite à une longue maladie, j’ai plaqué mon boulot en me disant que la vie est trop courte pour ne pas faire ce qu’on aime. J’aimais le cinéma certes, mais le cinéma français n’en avait pas grand-chose a faire, du coup de galère en galère, j’ai fini par décider de me démerder toute seule et j’ai créé ma boite de distribution de films.

Les débuts furent difficiles, décourageants, je ne faisais pas partie du club… mais telle une arapède, je me suis accrochée à mon petit rocher et je suis toujours la !

J’ai sorti en salles des centaines de films, et je les ai tous aimés (ou presque, on fait parfois des compromis) mais ce que j’ai aimé plus que tout c’est de travailler avec les gens qui sont le cinéma : que ce soit un réalisateur d’animation japonais présentant son film à Annecy, un documentariste iraquien qui participe à un débat au Reflets Médicis, un projectionniste qui vient à la fin du film te dire combien il a aimé,  une ado du public qui te remercie de lui faire découvrir un film sur le grand écran, un vieux monsieur qui vient t’avouer que le débat lui a tiré les larmes des yeux…

C’est bateau de dire que le plus important c’est les rencontres, mais pourtant pour moi le cinéma c’est ça. Et c’est pour cela que, même si j’ai fait mes classes devant la télé italienne, je ne me résoudrai pas à la mort du cinéma sur grand écran. Mon meilleur souvenir de cinéma c’est celui qui viendra quand les salles vont rouvrir !

À très vite.

Amel Lacombe, 

distributrice de films depuis plus de 20 ans.

Propos recueillis par Yoan Orszulik, vous pouvez retrouver le travail d’Amel Lacombe via le site officiel Eurozoom, ainsi que sur Facebook, Twitter et YouTube.

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