Aujourd’hui c’est Julie Lecat, touche-à-tout, ayant travaillé dans le domaine de la restauration de films au laboratoire La Camera Ottica à Gorizia en Italie ainsi qu’au laboratoire Eclair à Epinay sur Seine et au CNC patrimoine à Bry sur Marne. Elle a poursuivi son parcours au sein du CEAC de l’université de Lille et a travaillé avec les fonds de la Cinémathèque française à des fins de recherche historique et scientifique. Elle revient sur sa passion pour le cinéma qui trouve ses origines dans de nombreux souvenirs familiaux marquants.
Le cinéma a accompagné mon enfance et le reste de ma vie. Il a toujours été une source d’inspiration, d’évasion, de détente, de divertissement et de ressourcement. Et plus tard, j’ai compris que c’était une véritable passion. C’est une passion commune et familiale. Ma famille a toujours considéré cela comme une passion et non un métier. Cependant, certains de mes ancêtres en ont fait leur métier : ma grand-mère était sculptrice, peintre et figurante à ses heures perdues, et le grand-père de mon parrain était écrivain, dessinateur et réalisateur. Le récit de la vie de ces personnalités m’a fait rêver puis m’a donné l’envie de faire un parcours dans le domaine artistique. À ma majorité, j’ai décidé de poursuivre des études dans le cinéma. Mes proches pouvaient être sceptiques mais je considérais que l’on pouvait allier sa passion à son travail.
Enfant je regardais la première partie de film avec ma famille mais je manquais très souvent la fin car il était l’heure d’aller dormir. Il y avait les films avec Jean Gabin, Jean-Paul Belmondo, Alain Delon, Philippe Noiret, Lino Ventura, les films populaires français. Plus tard, je me suis renseigné un peu plus sur le nom de réalisateurs comme Jean-Pierre Melville, Jean-Paul Rappeneau, Bertrand Tavernier, Pierre Garnier-Deferre, les scénaristes et dialoguistes comme Michel Audiard. À la maison, on reconnaissait un film plutôt par les vedettes que par le titre du film. Idem pour les longs-métrages anglophones avec Marlon Brando, Peter O’toole, Robert Redford, Cary Grant, Garce Kelly, Natalie Wood, Audrey Hepburn et Charlton Heston. On regardait des films diffusés sur les chaînes principales que l’on pouvait voir et revoir grâce aux cassettes enregistrées. C’était des films historiques, les westerns, les péplums, les films d’action comme James Bond et toutes les générations d’acteurs et de James Bond girls.
Un jour, j’ai hérité d’une télévision et le soir je la rallumais pour regarder le programme de milieu de soirée, tout en guettant le bruit des pas provenant de l’escalier du couloir. Adolescente, je composais aussi des programmes de 3-4 heures grâce à mon magnétoscope personnel. Les enregistrements continuaient souvent et moi j’allais dormir. Mes parents m’emmenaient souvent au cinéma. Je me souviens du Titanic, de Gladiator, de La plage, Seul au monde, de Marie-Antoinette de Spy Game, du Peuple migrateur, de Babel, de Neverland, et du Pianiste. En ce qui concerne le cinéma français, la Bûche, les Choristes, un long dimanche de fiançailles, les Astérix et Obélix, La Môme et les Taxi. Entre amis, on allait voir la trilogie du Seigneur des anneaux, les Star Wars. Et l’on était de la même génération que les acteurs d’Harry Potter. On a suivi le club Dorothée, les sitcoms, les séries américaines où certains acteurs on pu quitter le petit écran pour faire une carrière au cinéma.
Je me souviens des premiers films dans ma bibliothèque comme Sixième Sens, Bruce Tout-Puissant, Will Hunting, les Miyazaki et les oeuvres citées précédemment. À cette époque, on disait que c’était important de ne pas télécharger et on nous enseignait la notion des droits d’auteurs. Permettre aux professionnels du cinéma de vivre de leurs métiers fut finalement évoqué à toutes les générations. L’optimisme et la persévérance reste malgré que les problématiques perdurent, que ce soit pour les métiers du film récent ou du patrimoine cinématographique.
Généralement, les films marquants que j’ai vu au cinéma à partir des années 2000 ce sont retrouvés dans ma bibliothèque. Puis, cette passion pour les oeuvres anciennes et restaurées s’est agrandie avec le cinéma italien. J’ai ajouté à ma collection des films franco-italiens comme Mamma Roma, Il Postino, Rocco et ses frères et les longs métrages du réalisateur Pietro Germi comme Divorce à l’italienne. J’ai restauré aussi des films amateurs slovènes et italiens. Pour le festival Film Forum un long métrage indien bengali de Satyajit Ray diffusé en 35 mm. Lors de sa diffusion, j’ai été touchée par cet univers et certains de ses films comme la trilogie du monde d’Apu ont rejoint ma collection. C’est ainsi, que j’ai pris conscience que l’expression du langage cinématographique s’étendait bien au-delà de nos frontières. Mon intérêt pour les cinémas a continué. Le bémol c’est qu’ils sont encore peu représentés dans les salles de notre hexagone.

Je ne me souviens pas de mon premier film au cinéma. Mais j’ai des bribes de souvenirs c’est-à-dire l’atmosphère, l’odeur, la texture ou la couleur des salles. J’ai été très souvent dans les cinémas de quartier en Savoie ainsi que dans les grandes salles situées près des zones industrielles de la ville. Cependant, j’ai une appréciation particulière pour les petites salles. C’est peut-être par ce que le film Cinema Paradiso m’a marquée. Il y a mon acteur fétiche qui a très souvent joué dans des films franco-italiens : Philippe Noiret. J’apprécie plutôt les petites salles car ce sont mes sorties entre amis pendant l’adolescence, ce sont mes souvenirs de festival dans les cinémas de quartier à Challes-les-Eaux, Briançon, St-Etienne, Clermont-Ferrand et dans la région de Lyon. Ce sont aussi mes souvenirs de débats et de soirées au ciné le France, le Méliès à St-Etienne (ils ont fermé). Dans la région de Lyon, le cinéma le Zola à Villeurbanne, les Amphis à Vaulx-en-Velin, et les festivals de films documentaires, de courts-métrages, dans la région de Lyon et à Clermont-Ferrand. Ce sont ces souvenirs de mes études à aujourd’hui qui m’ont permis d’avoir ces connaissances cinématographiques. J’ai eu la possibilité d’assister à des rencontres où il y avait des échanges de points de vue, de savoir-faire, de créations artistiques, qui perdurent grâce à ce genre de rencontres et d’évènements. Le cinéma de quartier souvent associatif comme près de chez moi à Paris permet de participer à des ateliers cinéma et audiovisuel aussi. Des évènements culturels auxquels j’ai participé, m’ont donné la chance de rencontrer et d’échanger avec des professionnels et des passionnés. Des évènements organisés par des institutions, des laboratoires et des universités avec des professionnels et des passionnés par le cinéma, m’ont permis de participer aux festivals : le Film Forum à Udine et Gorizia dans le Frioul en Italie, Il cinema ritrovato qui présente des films restaurés à Bologne, mais aussi celui du cinéma muet de Pordenone en Vénétie en Italie. Tout ceci m’a permis de faire des belles rencontres et a forgé des amitiés.
Le cinéma c’est aussi une histoire sensorielle. Ce sont mes souvenirs en famille dans le salon, sur le canapé en cuir, de mes parents, où parfois je m’endormais. Durant l’enfance je m’endormais souvent devant le petit écran mais à partir de la préadolescence, même fatiguée mon attention restait intacte devant un film quel que soit le style. Ma soif de connaissances et d’évasion cinématographique est née. C’est presque une nourriture. Adolescente, la télé fonctionnait en permanence. : quand je rentrais de l’école, le soir et même parfois pendant que quand je faisais mes devoirs ce qui avait le don d’agacer mes parents.
Cette passion ne m’a plus quittée. Tout juste diplômée du baccalauréat, on m’a demandé quelle filière je souhaitais emprunter. Pour moi il était évident que je ne pouvais pas faire autre chose qu’un métier en lien avec le 7ème art. La réalisation était mon objectif. L’école de cinéma n’étant pas possible, je me suis donc inscrite à l’université d’arts du spectacle en spécialité cinéma. Chaque soir, je regardais au minimum un film différent. Ce n’était pas de la perte de temps, c’était une passion, une nourriture. Cependant, ça été une lutte de rendre légitime mon choix auprès de mes proches. Après, un parcours universitaire en cinéma j’ai cherché à faire autre chose. J’ai finalement considéré que pour créer des longs-métrages il fallait une connaissance du cinéma, de son histoire, de sa complexité. Travailler dans le culturel, c’est-à-dire créer une œuvre cinématographique, ce n’est pas créer une stratégie commerciale de comment on va vendre un produit, mais c’est la transmission d’un art, d’un savoir, d’une histoire, d’une émotion. Le culturel et le cinéma doivent perdurer afin de continuer à nous raconter nos histoires de vie, nos points de vue, nos émotions, notre humanité. C’est aussi nous divertir, nous émouvoir, nous informer, nous faire rêver, nous évader. Les métiers liés à la culture et au cinéma peuvent être une passion pour une majorité. Pourtant, le loisir, la passion sont des éléments nécessaires, limite, vitaux au bien-être des sociétés, du peuple, des possédants et des minorités, se divertir le soir, le week-end, pendant les vacances permet de mieux être concentré, épanoui, attentif et consciencieux la semaine. Le cinéma restera toujours dans ma vie, la semaine, le soir et le week-end. C’est un besoin, c’est mon énergie et comme je l’ai déjà dit ma nourriture. Par mon métier, je souhaite contribuer à faire, s’évader les autres durant quelques minutes, quelques heures. Passionnés, professionnels continuons à contribuer à la création artistique et cinématographique !
Julie Lecat
Propos recueillis par Yoan Orszulik, vous pouvez retrouvez Julie Lecat sur Facebook, LinkedIn, Instagram et Twitter.