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Souvenirs de Cinéma #23 : Cyril Rolland

Aujourd’hui c’est Cyril Rolland, rédacteur pour la chaine YouTube d’analyses cinématographiques Le Ciné-Club de M. Bobine de Julien Pavageau, qui revient sur son parcours lié au 7ème art. D’une enfance bercée par les VHS, jusqu’à sa passion jamais démentie pour l’écriture et la joie de transmettre son amour du cinéma à ses enfants. 

Avant d’être un cinéphile, j’ai d’abord été un cinéphage, et cela dès ma plus tendre enfance. Je suis né en 1980, le mois de la sortie de Shining et de Lempire contre-attaque (qui dit mieux ?). Mes parents ayant eu la bonne idée de s’abonner à Canal + dès sa création en 1984, j’ai eu accès très jeune à un catalogue de films plus vaste et plus récent que celui proposé par les autres chaînes. De toute évidence ça ne suffisait pas puisque j’ai  également pris assez vite mes habitudes dans le vidéo-club du quartier. Comme beaucoup de gosses de ma génération, j’ai été passablement traumatisé par les jaquettes bien graphiques du rayon Horreur : House (celui de Steve Miner, pas celui de Ōbayashi, désolé Yoan…), Street Trash, Ratman, Evil Dead 2, Bad Taste, Vampire vous avez dit vampire, From Beyond aux portes de lau-delà, etc. Mon papa étant assez coulant sur la question de la violence, j’ai réussi à en voir certains avant mes 10 ans (sans pour autant développer – à priori – de tendances psychopathes). À l’époque, mes goûts me portaient vers des choses un peu plus mainstream mais souvent placées sous le sceau du fantastique : les Star Wars, les Indiana Jones, les productions Amblin, S.O.S fantômes, Jack Burton, Aliens, Predator, Robocop, The Monster Squad, Golden Child lenfant sacré du Tibet (oui bon). Les films hollywoodiens avaient tendance à écraser toute concurrence. Le cinéma français se résumait pour moi aux comédies de Louis De Funès et aux films de Bébél en mode Toc Toc Badaboum. Du côté de l’Asie, impossible de me décider si j’étais plutôt #TeamJackieChan ou #TeamBruceLee. Et puis Jean-Claude Van-Damme est arrivé et la question était réglée. Ma période “yakayo” a duré quelques années, au moins jusqu’à Universal Soldier (de loin ma plus grosse attente de 1992).

Tous ces films, je les ai vus et revus au point d’en user les VHS. Au début, il y a avait le plaisir de revivre les mêmes émotions, de remater les mêmes plans qui claquent, d’apprendre par coeur des répliques pour les ressortir aux copains à la récré (je suis toujours capable de réciter la tirade de Rick Moranis sur Gozer le Gozerien). Mais au bout d’un moment est venu s’ajouter l’envie de comprendre un peu le processus de fabrication. En cette période pré-internet et pré-dvd, j’avais bien du mal à étancher ma soif d’informations. Le journal du cinéma d’Isabelle Giordano sur Canal + durait 5 minutes à tout casser et les revues disponibles à la médiathèque du coin privilégiaient un peu trop l’actualité salles et les comédiens à mon goût. Je me suis donc principalement auto-formé en étudiant de près les génériques de fin, me transformant peu à peu en une espèce de proto-imdb. Certains noms sont vite devenus synonymes de qualité et, sans avoir la moindre idée de ce que pouvait bien être la Politique des Auteurs, j’ai commencé à percevoir de plus en plus nettement une “signature”. À cette époque, Steven Spielberg trônait déjà au centre de mon petit panthéon personnel, mais on pouvait aussi y trouver des compositeurs, des directeurs de la photo ou encore des spécialistes du maquillage et des effets spéciaux. 

Vers 13 ans, le JFK d’Oliver Stone, en plus d’ajouter quelques noms à la liste de mes idoles, a littéralement fait voler en éclats tout ce que je pensais avoir compris sur l’art cinématographique et ses règles. C’est très probablement là que j’ai passé le point de non-retour. Bientôt, la boulimie d’enregistrements et la lecture des Première, Studio et compagnie n’ont plus suffi. Il fallait impérativement que je passe à la pratique. En ces temps reculés, il n’y avait pas cinquante moyens pour y arriver. À 15 ans, j’ai donc intégré le seul lycée du Grand Ouest qui proposait une option Cinéma audiovisuel. Comme j’aurais dû m’en douter dès le départ, la formation était essentiellement tournée vers la théorie, et j’ai dû attendre la fin de l’année scolaire pour enfin avoir le droit de toucher une caméra. Logiquement, ça a été une période de découverte des grands classiques et d’ouverture à des cinématographies plus exotiques puisque mon prof était aussi le créateur du Festival des 3 Continents de Nantes. À l’époque, le centre-ville comptait plusieurs cinémas, avec une programmation assez large et même, à l’occasion, le choix de la version originale. Mon lycée étant situé au beau milieu de tout ça, j’étais régulièrement fourré dans l’une ou l’autre des salles. Au premier trimestre 1996, il y a très exactement 25 ans, je me souviens d’être pris une suite quasi ininterrompue de baffes sur grand écran : Se7en, Strange Days, Heat, Babe, Larmée des douze singes, Casino, Toy Story… Autour de moi, ça ne causait que de Par-delà les nuages ou Noublie pas que tu vas mourir. Le cinoche américain moderne n’était clairement pas bien vu. Trop commercial, trop violent, trop tonitruant, trop beauf. Entre mes goûts jugés puérils, mon intérêt pour la technique pure et la façon dont le cinéma pouvait conditionner mon rapport à la réalité, je suis passé assez vite pour un extra-terrestre auprès de mes camarades. Bien plus tard, j’ai découvert que les anglo-saxons avaient un terme plus précis pour décrire les énergumènes dans mon genre.

Le Monde perdu : Jurassic Park

C’est à peu près à ce moment-là que j’ai fait connaissance avec le magazine qui allait devenir ma référence absolue pendant les 10 années suivantes : Mad Movies. C’était à l’occasion du n°100 qui avait attiré mon regard avec sa couverture consacrée à la série X-Files (j’étais à fond dedans à l’époque). Mais à l’intérieur, j’y ai découvert une liste des « 100 meilleurs films fantastiques », dont un certain nombre complètement inconnus au bataillon. Quelques numéros plus tard, je me souviens avoir été assez marqué par un article, pourtant très court, sur la B.O. du Monde perdu de Spielberg. Son auteur – une nouvelle recrue du nom de Rafik Djoumi –  y soutenait l’idée qu’il n’avait rien de mal à vénérer des types comme John Williams, bien au contraire. Après deux passés à me faire gentiment chambrer par mes camarades parce que j’attendais plus Titanic que le prochain Rohmer, ce petit sentiment de légitimité m’avait fait un bien fou. 

Après le lycée, j’ai passé quelque temps sur les bancs de la fac. Le cinéma n’était plus vraiment au programme, mais ça ne m’a pas empêché de consacrer mon mémoire de maîtrise à la saga Star Wars et ses influences. Le naturel revenant au galop, j’ai bouclé mes études supérieures par deux années dans une école privée de formation aux métiers de l’audiovisuel. Par chance, je n’étais pas le seul geek de la promo cette fois. Un de mes camarades s’est d’ailleurs illustré plus tard en créant une chaîne YouTube d’analyse ciné avec une bobine qui parle. Même si j’ai été ravi de tâter enfin du montage numérique (parce que bon le tourné-monté et les vieux bancs U-matic, ça va 5 minutes), il est devenu assez évident pour moi que je n’avais pas l’âme d’un technicien, en encore moins d’un réalisateur. Si j’avais un point fort, c’était plutôt l’écriture. C’est donc la voie que j’ai privilégiée une fois mon diplôme en poche.

Je m’attendais bien évidemment à galérer et ça n’a pas manqué. Au départ, il y a quand même eu de vrais signes d’espoir. J’ai écrit le scénario d’un court-métrage fantastique qui a bien marché en festivals et m’a même valu un prix. J’ai travaillé un petit temps comme lecteur de scénarios pour une boîte assez connue. J’ai développé un projet de survival en haute montagne pour une autre société qui voulait se lancer dans la production de films de genre dans le sillage des Bee Movies de Fidélité et des French Frayeurs de Canal +. Le projet sera stoppé net avant que j’arrive à l’étape de la continuité dialoguée et seuls deux films seront finalisés (aucun ne franchira la barre des 100 000 spectateurs). 

Comme Sabrina B. Karine l’a très bien exprimé dans ses propres souvenirs de cinéma, être scénariste en France, c’est compliqué, surtout quand on a une petite prédilection pour le cinéma de genre. Pour faire vite, disons que je n’ai pas eu sa persévérance et que j’ai fini par me ranger des voitures, mis à part quelques petites commandes ici ou là pas vraiment destinées au grand écran. Est-ce que j’ai vécu cette reconversion plus ou moins forcée comme un échec ou un déchirement ? Pas vraiment. Dans le récent Soul de Pete Docter, il y a une très jolie scène située dans un barber shop qui résume parfaitement comment j’ai vécu les choses. Ce qui a joué, je pense, c’est que je n’ai pas abandonné l’écriture, loin de là. Elle est au coeur de mon activité professionnelle depuis une bonne décennie, même s’il ne s’agit pas du tout de fiction. Et, à défaut de faire du cinéma, j’en cause et c’est déjà pas si mal. Au fil des années je me suis essayé à divers supports et formats, mais c’est très clairement avec Le Ciné-Club de M. Bobine que je m’épanouis le plus. Pas besoin de tout expliciter laborieusement quand il suffit juste d’employer le bon extrait au bon moment. “Show, dont tell” comme disait l’autre. Et puis voir ses mots illustrés par la musique de John Williams, c’est quand même plutôt cool, non ?

L’un de mes grands drames actuels, c’est que je ne vois pas assez de films. J’ai clairement atteint mon pic dans les années 2000, quand je faisais chauffer la carte Gaumont Pathé pour tout et n’importe quoi, y compris la pire des bessonneries. Maintenant, avec le combo CDI + vie de famille, je n’ai pas d’autre choix que de faire des choix. C’est tout simplement impossible de maintenir l’équilibre entre les nouveaux contenus qui débarquent chaque semaine, mes terribles lacunes à combler en termes de vieux classiques, le besoin de revoir régulièrement mes films de chevet et les cycles en tous genres que je m’impose pour ne pas faire dire trop de bêtises à M. Bobine. La bonne nouvelle, c’est que mes enfants grandissent et qu’ils semblent aimer le cinéma autant que moi à leur âge. Mon aîné de 7 ans et demi s’est pris de passion pour les effets spéciaux après avoir découvert coup sur coup Jurassic Park, la trilogie des Sinbad récemment rééditée en blu-ray et les versions de King Kong de 1933 et 2005. Il me donne souvent l’impression d’avoir affaire à un mini-moi (en version nettement améliorée parce qu’à son âge, j’aurais été bien infoutu de vous dire qui sont Ray Harryhausen et Willis O’Brien). Le petit frère  n’est pas en reste puisqu’il appelle désormais ses histoires à base de Lego et de Playmobil des « films ». Ensemble, nous avons tourné ce mois-ci notre premier court-métrage, Les explorateurs et les dinosaures. Bon, je ne vous cache pas que c’est assez sommaire en termes de dramaturgie et de mise en scène. Mais, s’ils continuent sur cette voie, je ne doute pas que, bientôt, ce sont eux qui m’apprendront des choses sur le cinéma. Bon sang que j’ai hâte !

Cyril Rolland

Propos recueillis par Yoan Orszulik, vous pouvez retrouver Cyril Rolland sur la chaine YouTube du Ciné-club de M. Bobine.

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