Aujourd’hui c’est David Tredler, chef programmateur du Festival du Film Coréen à Paris, dont le succès ne s’est jamais démenti depuis 15 ans, qui nous fait l’honneur de revenir sur son parcours où sa passion d’enfant a fini par devenir un métier à part entière, grâce à son affection grandissante pour le 7ème art en provenance du pays du matin calme.
Je me souviens d’une impatience. Celle d’une époque où, sans Internet, je dévorais les magazines de cinéma à la recherche de la moindre photo des films que j’attendais. D’une attente irrésistible à combler devant ce calendrier des sorties que je vérifiais inlassablement, dans chaque revue, espérant que cela rapprocherait lesdites sorties, alors que cela ne faisait qu’étirer le temps. J’en ai gardé une capacité extraterrestre à me souvenir des dates de sorties de films sortis entre le milieu des années 90 et le début des années 2000, parfois au jour près.
Je me souviens que cette ferveur était née de mon enfance, des sorties au ciné régulières avec mes parents pour aller voir Gorilles dans la brume, Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, Danse avec les loups, ou La gloire de mon père, que ce soit au défunt Colisée de Villeparisis, au Tati de Tremblay-en-France, au Concorde de Mitry Mory, au Ciné 104 de Pantin, à l’Artel de Rosny-sous-bois ou, à Noël, au Grand Rex. Même si parfois, le salon suffisait à faire office de salle de cinéma pour voir, revoir, re-revoir un film sur VHS, tous les jours, à n’importe quelle heure.
Je me souviens que l’envie permanente de voir des films s’est accompagnée un jour d’un désir d’écrire sur eux. Coucher sur papier ces émotions que me faisaient vivre ces visionnages. Sur des carnets, ou plus tard en ligne. Écrire sur ce qui se passait à l’écran, mais aussi dans les salles. Mon amour n’a jamais été réservé aux films eux-mêmes, mais aussi, peut-être parfois surtout, au plaisir d’aller au cinéma, de découvrir ces films sur grand écran, de l’atmosphère d’une salle obscure, des gens que l’on y croise, des discussions qui y naissent.
Je me souviens qu’à l’été 2006, le cinéma m’a donné plus que jamais envie de traverser l’écran, pour voir si la soif de découverte pouvait être aussi grisante dans la vraie vie au bout du monde. Depuis quelques années, le cinéma coréen m’avait tapé dans l’œil, surtout depuis cette année 2004 qui avait vu sortir coup sur coup les désormais classiques Deux Soeurs, Memories of Murder et Old Boy. Et en 2006, à la faveur d’un festival Paris Cinéma spécialement dédié à lui, il est définitivement entré dans mon cœur pour ne plus en ressortir. Cet été-là, j’ai décidé d’apprendre le coréen et d’aller voyager en Corée du Sud.

Je me souviens qu’après ce premier voyage au pays du matin calme, j’ai écrit de plus en plus souvent sur le cinéma coréen, jusqu’au jour où quelqu’un m’a proposé : « Ça te dirait pas de devenir programmateur au Festival du Film Coréen à Paris ?” Je me souviens de centaines de films coréens visionnés, adorés, débattus, sélectionnés, projetés sur grand écran, partagés avec le public. Je me souviens de cinéastes, d’actrices, d’acteurs, de producteurs avec qui j’ai eu des échanges passionnants au fil des années. Je me souviens de l’enthousiasme du public quand le Festival du Film Coréen à Paris arrive et leur permet de découvrir sur grand écran des films coréens qu’ils ne pourraient pas voir autrement au cinéma en France.
Je me souviens qu’à une époque j’étais un vrai maniaque dans une salle de cinéma. Que je m’asseyais toujours au 5ème rang. Devenir programmateur a guéri ma maniaquerie. Je découvre tant de films sur un écran d’ordinateur pour choisir ceux que nous projetterons au festival que désormais, où que je m’asseye dans la salle, je suis plongé dans le film. Et pendant le festival, quand l’emploi du temps me le permet, j’aime me glisser dans la salle et profiter quelques instants de celle-ci, plongée dans le noir. Me laisser envahir par ce grand écran qui projette l’un de ces films dont je suis tombé amoureux sur un écran beaucoup plus petit. Et en découvrir quelques minutes sur ce grand écran qui m’émerveille depuis que je suis enfant.
Car je me souviens qu’enfant, je pouvais voir et revoir mes films préférés à la télé, inlassablement, mais dès que j’entrais dans une salle de cinéma, et que je m’asseyais dans l’un de ces fauteuils, que la lumière s’éteignait, que le rideau s’ouvrait (parfois) et que le film commençait, le sentiment était incomparable. Aujourd’hui, je regarde beaucoup de films sur petit écran. Mais la magie du grand écran, elle, demeure inégalable.
David Tredler
Propos recueillis par Yoan Orszulik, vous pouvez retrouver David Tredler chaque année au Festival du Film Coréen à Paris que l’on vous invite vivement à découvrir si vous en avez l’occasion.