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Tony Scott – le style et la substance : entretien avec Stéphane Moïssakis

Aujourd’hui entretien avec Stéphane Moïssakis, rédacteur en chef de Capture Mag, à l’occasion de la sortie de Tony Scott – Le Style et la substance, le nouveau numéro de la revue dédié au regretté cinéaste du Dernier Samaritain et de Man on Fire. L’occasion de revenir sur la conception du numéro le plus ambitieux de l’équipe, et d’évoquer le travail d’un réalisateur encore aujourd’hui mésestimé. 

Comment est née lidée de consacrer ce nouveau numéro de la revue Capture Mag à Tony Scott ? 

Ça fait partie des réalisateurs auxquels je voulais consacrer un numéro. On a structuré celui-ci d’une autre manière, étant donné que Tony Scott nous a quittés en 2012. Comme j’aime bien faire des interviews avec des professionnels issus de tous les corps de métier du cinéma, je me suis dit que, si on le faisait, il fallait passer par tous les collaborateurs de Tony Scott. Tout a commencé avec un ami journaliste suisse, Christophe Pinol, qui m’a dit qu’il avait un très bon contact : Martin Schaer, l’un des cameramen de Tony Scott, qui a longuement travaillé avec lui. Il l’a contacté, et Schaer a répondu positivement, car nous lui avons passé notre numéro sur Oliver Stone, qu’il avait trouvé plutôt réussi. C’est comme ça que les choses se sont débloquées, puisque Schaer nous a ensuite transmis plusieurs de ses contacts. C’est ainsi qu’on a pu interviewer autant de personnes.

Plus dune vingtaine dentretiens, soit le double du numéro précédent dédié à John Woo ! Sachant que les interviewés sont particulièrement actifs à Hollywood, avec des emplois du temps surchargés, lorganisation a dû être un vrai casse-tête, non ? 

À l’exception d’une seule personne — Bill Marsilii, le scénariste de Déjà Vu, très critique à son égard —, tous ceux qui ont répondu positivement à l’appel considéraient Tony Scott comme le meilleur réalisateur avec lequel ils aient travaillé, ou l’un des meilleurs. C’était quelqu’un d’adoré par son équipe et d’une grande fidélité envers celle-ci. Parmi les personnes que j’ai interviewées, Dan Mindel a travaillé à ses côtés pendant quinze ans avant de devenir son chef opérateur. Scott voulait déjà qu’il le soit sur Le Fan. Mindel était très intimidé, il avait pris peur, mais il a finalement accepté d’être son directeur de la photographie sur le film suivant, encore plus imposant : Ennemi d’État. Le reste des intervenants était très dithyrambique sur le travail, la méthode, et le caractère de Tony Scott. L’une de ses grandes qualités était sa capacité à fédérer ses équipes. Il est cependant arrivé que l’on doive s’adapter à l’emploi du temps de certains. Par exemple, Janice Polley, qui était sa location manager, travaillait sur LOdyssée de Christopher Nolan, le plus gros projet cinématographique de l’année prochaine, tourné aux quatre coins du monde. Il fallait trouver un moment où elle soit disponible : cela s’est fait un dimanche à 19 heures. Ce n’est pas grave du tout — quand on veut interviewer des gens, on s’adapte à leurs plannings. Au départ, j’étais parti pour interviewer sept ou huit personnes issues de métiers différents. Je m’étais dit que cela couvrirait déjà l’ensemble du spectre du travail de Tony Scott. Mais le fait que d’autres interviews se soient ajoutées a pris plus de temps. À la base, j’avais prévu un troisième numéro pour 2025, mais l’effet boule de neige a fait que l’on s’est concentrés exclusivement sur celui-ci, pour bien le faire. On verra pour le prochain.

Le panorama des invités conviés à ce numéro permet de prendre conscience que Tony Scott faisait partie de ces cinéastes pour qui la notion de « famille de cinéma » était particulièrement importante. 

Je vais donner un exemple spécifique. J’ai eu de nombreux coups de fil avec Martin Schaer et James W. Skotchdopole, son premier assistant sur Jours de tonnerre, qui a gravi les échelons aux côtés de Tony Scott. Il est ensuite devenu producteur associé sur True Romance, puis producteur exécutif sur Ennemi d’État, etc. C’est quelqu’un qui a clairement grandi dans le milieu hollywoodien avec Tony Scott, au point de devenir le producteur d’Alejandro G. Iñárritu, avec lequel il a remporté deux Oscars pour Birdman et The Revenant. Il a également produit le dernier film de Shane Black. Nous avons eu des conversations régulières avec ces deux personnes, ainsi qu’avec Donna Scott, la femme de Tony, pour m’orienter : « Ce serait bien que tu parles avec telle ou telle personne, car c’étaient des collaborateurs réguliers de Tony Scott, ils travaillaient beaucoup avec lui. » L’une d’entre elles — et ça ne s’invente pas — s’appelle John T. Connor. C’était le caméraman B de Tony Scott. Il possédait des archives de photos de tournage, plus de 300 ou 400, stockées sur son disque dur… et il nous a tout donné. Avec ce numéro, nous avons donc eu accès à tout cela. Ce n’est pas simplement que les gens répondent à l’appel et nous livrent plein d’infos de tournage : ils nous ont aussi transmis de la matière personnelle et exclusive. Très vite, cela a rendu le numéro très personnel, assez intimiste.

Parmi les intervenants, on trouve Dan Mindel, qui a assisté Tony Scott depuis ses débuts sur Les Prédateurs, jusqu’à devenir lun de ses directeurs de la photographie récurrents à partir dEnnemi d’État. Mindel explique que Tony Scott fut un véritable mentor pour lui. Or, cette relation de maître à élève est une thématique récurrente de son cinéma. 

Il y a de ça quand tu parles avec certaines personnes. Ce que j’ai compris de Tony Scott c’était qu’il aimait se remettre en question très régulièrement. Il avait un style et est parti dans l’évolution de ce dernier au fil de sa carrière. Ce n’était pas tant le fait de changer de chef opérateur qui lui permettait de se renouveler, mais les découvertes et les expérimentations. Il a formé pas mal de monde de cette manière-là, mais tout était au service de son cinéma. Il avait une vision très forte. J’ai posé la question à James W. Skotchdopole sur Spy Game : en revoyant le film j’ai l’impression d’y voir la relation entre Tony et Ridley Scott. Skotchdopole me l’a confirmé. Dans les bureaux de Scott Free, il y avait notamment un projet sur Pancho Villa : Il y avait forcément de la tension quand chacun développait un film sur le même sujet, alors qu’ils étaient frères et travaillaient ensemble dans la même boite. Ce qui est ressorti de ses entretiens c’est l’aspect beaucoup plus personnel de ses films qu’on ne le pense généralement. Par exemple Revenge est un film qui évoque en filigrane la relation qu’a eue Tony Scott avec Brigitte Nielsen, alors qu’elle était en couple avec Sylvester Stallone. C’est l’histoire d’un amour interdit, qu’il faut cacher à un homme de pouvoir très puissant. Des gens m’ont confirmé que même si Tony Scott n’en parlait pas à l’époque, il y a forcément mis des choses dedans, et que Stallone s’est montré particulièrement intimidant à son égard. Je pense qu’il existe un rapport bien plus personnel qu’on ne le croit à l’œuvre dans son cinéma. 

Chris Lebenzon, qui fut son monteur régulier, explique avoir vu ce dernier évoluer dans son approche cinématographique. À ses débuts, Scott se focalisait sur limage impactante, puis sest progressivement recentré sur la narration. Il y a dans ses propos une clairvoyance quant au travail de Scott, qui fait écho à celle que vous avez mise en exergue dans vos analyses de son œuvre au fil des années. 

C’est ce qu’on disait dans le podcast que l’on a consacré à Ennemi d’État. Personnellement, j’ai commencé par ne pas du tout aimer le cinéma de Tony Scott. Je n’ai jamais aimé Top Gun, et c’est un film que je n’apprécie toujours pas. Je lui reconnais des qualités graphiques que personne d’autre n’aurait su reproduire — à plus forte raison quand on regarde Top Gun: Maverick, où l’on voit bien que les gars l’ont siphonné. C’est, à mon sens, un film extrêmement creux. Le fait que Tony Scott ait eu une réputation de « pubard » était quelque chose de très négatif quand je grandissais, à l’époque de certains journaux. Il n’était pas de bon ton d’aimer le cinéma de Tony Scott. J’ai mis un peu de temps à reconnaître que si j’aimais Le Dernier Samaritain et True Romance, c’était aussi — et surtout — grâce à Tony Scott, pas uniquement parce qu’il y avait Shane Black et Quentin Tarantino aux scénarios. C’est l’une des leçons qui m’ont appris à vraiment forger ma propre opinion. Le moment où cela s’est révélé pour moi, c’est vraiment avec Ennemi d’État. C’est là que je me suis dit qu’il avait une technicité formidable — ce qui ne se résume pas à emballer de beaux plans ou à soutenir le rythme, mais à raconter une histoire avec tous les outils du cinéma qu’il avait sous la main. Pour ma part, l’évolution était évidente : il fallait arrêter de considérer que Tony Scott était juste un bon faiseur. Je pense que cela se voit aujourd’hui, car les « faiseurs » contemporains ne font pas ce que faisait Tony Scott. Tous les grands cinéastes ont évolué. Mon film préféré de John McTiernan reste Die Hard, mais si tu regardes Thomas Crown, c’est un film mieux réalisé dans son travail d’épure. La façon dont il met en place ses séquences est plus aboutie : il y a moins d’inserts ou d’éléments qui reposent sur des effets de montage. C’est l’aboutissement de la forme qu’il a commencé à expérimenter dans Die Hard. Il y a donc une distinction entre le film qu’on préfère et le film le mieux réalisé. Ça dépend de la façon dont tu regardes les films. Concernant Tony Scott, mon film de cœur, c’est True Romance, parce que je l’ai vu à 17 ans et qu’il m’a tout de suite parlé. Mais son meilleur film, à mes yeux, c’est Man on Fire. Ce qui est passionnant quand tu écoutes tous les gens qui en parlent, c’est le travail qui a été fourni pour rendre ses films organiques, et qu’il a affiné au fil du temps. Tout le travail de recherche qu’il menait, le besoin qu’il avait de baser ses personnages sur des gens qui existent vraiment, était son point de référence pour raconter une histoire. Qu’il s’agisse de Domino ou même de Connie dans Unstoppable, qui est inspirée d’un vrai personnage, tous ses protagonistes nourrissant le fond des films et, par extension, l’immersion pour le spectateur. C’est pour cela que le numéro s’appelle « Le style et la substance ». J’avais interviewé Tony Scott une fois, à l’époque de Déjà Vu. Il était énervé par le fait que les critiques disaient de ses films qu’ils étaient all style, no substance. Il répondait : « Ce n’est pas vrai. » Et il avait raison.

La production du Dernier Samaritain fut particulièrement houleuse, mais Shane Black dit garder un bon souvenir de sa collaboration avec Tony Scott, qui était très attentif au processus d’écriture. 

Shane Black a eu de bonnes relations avec Scott, mais il s’est désintéressé du tournage. Quand il a vu que cela ne se passait pas très bien, il a pris la tangente. Cependant, Skotchdopole explique davantage les conflits entre Bruce Willis, Tony Scott et Joel Silver. Skotchdopole, qui était le 1er assistant de Tony Scott, servait de tampon. J’adore le film, mais il faut reconnaître que c’est de moins en moins cohérent vers la fin. Par contre, cela soutient complètement le cinéma d’action de cette époque. En le voyant, on ne croit pas qu’il y ait eu des problèmes d’égos monstrueux. Cependant, là où j’ai le moins d’informations — et cela m’embête un peu — c’est sur le montage. Il faudrait interviewer Stuart Baird, qui a supervisé le montage à la fin pour Joel Silver. Le résultat final est le montage du producteur. Dans l’interview avec Shane Black, on décortique surtout la première version de son script ; même lui ne se souvenait plus de tout ce qu’il avait écrit dans cette version. Il ne l’avait pas relu depuis 30 ans.

Patricia Arquette raconte que Tony Scott avait pour modèle, pour le personnage dAlabama, un portrait spécifique de Drew Barrymore, ce qui témoigne de limportance quaccordait le cinéaste à la création de personnages visuellement très graphiques.

À l’origine, Tony Scott voulait Drew Barrymore pour le rôle d’Alabama. Cela rejoint son idée d’aller chercher quelqu’un qui « existe vraiment ». Mais je suis content qu’il ait choisi Patricia Arquette, que je trouve formidable dans le rôle. Dans l’interview, elle explique tout son processus d’interprétation du personnage — ce qui est assez rare. C’est très conscientisé et remarquablement décrit de sa part. C’est d’ailleurs l’interview la plus courte que j’ai eue pour ce numéro, mais elle m’a répondu de manière très complète. Apparemment, la muse derrière Alabama, c’était Donna Scott. Cette dernière a même fini par dire à Tony Scott : « Je vois bien que tu es en train de forger le personnage sur ma personnalité. » Je ne sais pas à quel point c’était conscient de la part de Tony Scott. C’est l’un des problèmes quand on travaille sur un numéro de ce type : Tony Scott n’est plus là pour le confirmer. Mais cela paraît évident, car Donna Scott vient de Caroline du Nord, un État du Sud des États-Unis. Quand elle le veut, elle peut avoir un petit accent d’Alabama, et son physique rappelle celui du personnage.

Lattribution des films à chroniquer sest-elle faite en fonction des sensibilités de chaque membre de l’équipe vis-à-vis de l’œuvre de Tony Scott ? 

Oui, ça dépend des numéros et des cinéastes, mais j’essaie de faire revenir tout le monde à chaque fois. C’est toujours mieux d’écrire sur les films qu’on apprécie. Rafik Djoumi adore Spy Game. Julien Charpentier m’a proposé un diptyque sur Lattaque du métro 123 et Unstoppable, avec six pages d’analyses sur la manière dont les films se répondent et diffèrent. À la base, je devais m’occuper de True Romance, mais j’en ai discuté avec Arnaud Bordas, car j’étais très occupé ; il s’est donc chargé du film. Julien Dupuy n’est pas un grand fan de Tony Scott, mais il avait envie d’écrire sur Les Prédateurs. Son texte est superbe, car il remet en question le raisonnement sur le fait que Scott n’a jamais refait de film fantastique après ce long métrage, ce qui est dommage. Il faut savoir qu’avec ce genre de bouquins, quand tu te retrouves avec beaucoup d’interviews exclusives, il ne reste très vite plus beaucoup de place pour l’analyse critique. Personnellement, j’en suis arrivé à un stade où je préfère laisser parler les gens qui font le cinéma plutôt que nous. On est toutes les semaines sur les ondes, il faut donc que ce soit différent.

Votre revue rejoint le livre de Charlotte Largeron (Tony Scott : On Fire) ainsi que celui dAubry Salmon (Tony Scott : Le Dernier Samaritain), qui tentent de réhabiliter l’œuvre dun cinéaste encore aujourdhui mésestimé. Peut-on espérer que la reconnaissance quil mérite finira par arriver ? 

C’est difficile à dire. J’ai tendance à penser que les grands cinéastes sont mis sur un piédestal lorsqu’ils meurent. Quand Stanley Kubrick est décédé, il n’y a plus eu de débats sur les qualités de son cinéma. Aucun de ses films n’a ensuite été remis en question, alors que ce n’était pas le cas lors de leurs sorties. Shining avait même été nommé aux Razzie Awards. Quand un cinéaste disparaît, c’est souvent à ce moment-là que son œuvre échappe au contexte de sa sortie, à l’air du temps, et qu’elle est réellement réévaluée. On part de loin avec Tony Scott, parce qu’il représentait, pour beaucoup de critiques, quelque chose de « détestable » à Hollywood. À cela s’ajoute l’ombre de son frère Ridley, perçu comme un auteur, à l’inverse de Tony, vu comme un simple faiseur. Assez consciemment, je n’ai pas cherché à contacter Ridley Scott, car j’ai grandi dans une cinéphilie qui n’arrêtait pas de les comparer — alors que ça n’a pas lieu d’être à mon sens. On ne compare pas Antoine Fuqua à Tony Scott, ni Joe Carnahan à Ridley Scott : ce sont des cinéastes différents. Pour en revenir à ta question, que ce soit Charlotte, Aubry ou nous, notre travail consiste à montrer qu’il y a des choses intéressantes à explorer dans son cinéma. Nous sommes actuellement en pleine campagne Tipeee, et nous recevons parfois des messages de gens qui nous disent : « Je n’aime pas son cinéma, mais j’ai commandé ce numéro, car je vais apprendre des choses. » Ça, ça fait plaisir. On se dit que si une personne fait la démarche d’acheter ce numéro, de payer une certaine somme, c’est déjà un vote de confiance envers notre équipe. Et personnellement, je me dis : peut-être qu’elle découvrira des aspects qu’elle n’avait pas remarqués dans le cinéma de Tony Scott, et qu’elle lui redonnera une chance. Ce serait la meilleure chose qui puisse arriver. Mais il faut rester modeste : ce sont de petits tirages. Tout ce que l’on veut, c’est discuter avec des gens dont on admire le travail, et leur offrir une tribune pour qu’ils soient reconnus. William Friedkin, Oliver Stone ou John Woo n’ont pas besoin de cela — mais Tony Scott, un peu plus.

Quel bilan tirez-vous de cet hommage à Tony Scott, ainsi que des précédents numéros ? 

Je n’ai pas encore le numéro entre les mains, car on l’a bouclé très peu de temps avant le lancement de la campagne de  précommandes. Avec le numéro anniversaire, c’est sans doute celui qui a été le plus difficile à finaliser, car je devais revenir sur certaines interviews pour éviter les répétitions, afin que les lecteurs puissent apprendre de nouvelles choses à chaque entretien. Certaines interviews ont été réalisées entre avril et mai, et j’ai dû les retranscrire en septembre. Le tri était un peu compliqué : on avait vraiment la tête dans le guidon. Je t’avoue que la veille du bouclage, quand j’ai enfin tout relu en PDF, j’ai ressenti un petit sentiment de fierté personnelle. On est un média modeste, mais on a réussi à réunir toutes ces personnes pour ce numéro, et à le rendre le plus complet possible. L’autre chose importante, c’est que quand tu travailles en profondeur sur des figures publiques, il y a toujours une appréhension : celle d’apprendre des choses négatives sur elles, de découvrir que ce n’étaient pas forcément des gens bien. Or, dans le cas de Tony Scott, c’était exactement l’inverse. Pour tous les défauts qu’il pouvait éventuellement avoir dans sa manière de vivre sa passion, et certains intervenants en parlent, ce sont surtout ses qualités qui ressortent. C’est probablement le numéro le plus intimiste qu’on ait fait.

Dernière question. Dans votre entretien avec Dan Mindel, ce dernier raconte que, pour le tournage de la scène du lap dance de Domino, Tony Scott avait engagé de véritables membres dun gang. Peut-on dire quil mûrissait déjà son remake des Guerriers de la nuit, qui ne verra jamais le jour ? 

C’est vraiment le seul domaine sur lequel je n’ai pas réussi à faire quelque chose. J’avais contacté tous les scénaristes qui avaient travaillé sur ce remake, dont Terence Winter. Aucun ne m’a répondu. Je voulais écrire un article sur ce qu’auraient été Les Guerriers de la nuit par Tony Scott. Quand j’avais interviewé Tony Scott à l’époque de Déjà Vu, je lui avais demandé ce que l’on pouvait attendre de ce remake. Il m’avait répondu qu’il était allé à la rencontre des Bloods et des Crips, et leur avait demandé la possibilité de faire une trêve sur un pont pour la scène d’ouverture. J’en ai reparlé une fois avec Joe Carnahan. Il m’a dit que le scénario n’était pas bon — c’est pour cette raison que le film ne s’est pas fait selon lui. Le problème, c’est que cette histoire ne pouvait pas se dérouler en une seule nuit à Los Angeles. Tu ne peux pas aller d’un point A à un point B dans cette ville : il est impossible de parcourir plus de 80 kilomètres à pied en une nuit. Ce n’était pas crédible. Le scénario n’était pas abouti, et plus de quatre scénaristes sont passés dessus. Cela me fait penser qu’il y a quelque chose que je n’ai pas pu faire : il existe énormément de projets sur lesquels Tony Scott a travaillé et qui n’ont jamais vu le jour. Par exemple, il avait un projet avec le scénariste Brian Helgeland sur Sonny Barger le chef des Hell’s Angels — ils étaient même allés à sa rencontre. Il y avait aussi Narco Sub, Potsdamer Platz, et plein d’autres projets. Quand j’ai interviewé Chris Seagers, son chef décorateur — qui travaillait alors à Rome sur le dernier Ridley Scott — il m’a dit qu’il avait conçu plein d’ébauches de décors pour divers films. Le problème, c’est qu’il faut pouvoir y avoir accès. J’ai d’ailleurs une photo de Tony Scott en train de travailler dans l’un des décors de Unstoppable : il se tient devant un mur sur lequel est tagué The Warriors. J’aurais pu m’en servir pour illustrer cet article. Concernant Domino, sa directrice de casting m’a dit que Scott l’avait poussée hors de sa zone de confort, en lui demandant d’aller chercher de véritables gangs ou d’anciens braqueurs — comme ce sera le cas pour LAttaque du métro 123. Il avait une démarche cohérente et évolutive, et son approche vis-à-vis des gangs en faisait partie. C’était le même processus sur Man on Fire, où il était allé rencontrer d’anciens kidnappeurs en prison. Pour lui, tout cela représentait une matière précieuse pour nourrir son cinéma.

Propos recueillis par Yoan Orszulik. 

Vous pouvez retrouver la campagne de financement participative pour Tony Scott – Le Style et la substance sur Tipeee, ainsi que Stéphane Moïssakis et l’équipe de Capture Mag sur leur site internet, Youtube, Spotify, Facebook, XBluesky, et Instagram.

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