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Souvenirs de Cinéma #31 : Manon Franken

Aujourd’hui c’est Manon Franken touche-à-tout, fondatrice de la chaine YouTube Franken’s lab et membre du podcast, également revue, Sorociné de Pauline Mallet, qui revient sur sa passion de longue date pour le 7ème art. Une passion trouvant son origine dans le fantastique gothique moderne avant de devenir une véritable aventure professionnelle. 

Enfant, j’adorais lire et je n’étais pas particulièrement fan de cinéma. J’estimais que cet art nous imposait des images, là où la lecture suggérait et poussait le lecteur à créer les siennes. Je voyais le cinéma comme un amas de blockbusters ou de films pour adultes très sérieux et très ennuyeux. Je n’aimais que deux catégories de films : les œuvres de Charlie Chaplin que je regardais chez ma grand-mère (j’adorais The Kid) et les films animaliers que mes parents nous amenaient voir au cinéma. Ces derniers ne disposaient pas de moyens assez conséquents pour payer des séances régulières à leurs trois enfants, je n’ai donc découvert que Deux frères, La marche de lempereur et Le dernier trappeur en leur compagnie. 

En bonne fan de Harry Potter, je prônais haut et fort que les livres étaient meilleurs que les films, je me souviens pourtant de ma projection du Prisonnier dAzkaban, de mon admiration pour Emma Watson et de mon délice à me plonger dans l’univers visuel un peu gothique. Je me laissais doucement entraîner par ce qui est bien vite devenu mon film préféré. Il y a aussi eu Marie Antoinette de Sofia Coppola, vu avec mes cousines et qui m’a appris l’identification à un type d’héroïne que je ne connaissais alors pas sur grand écran. La scène dans laquelle Marie Antoinette devait se séparer de ses petits chiens avant d’arriver à Versailles m’avait brisé le cœur.  

L’œuvre qui a cependant déclenché ma cinéphilie est sans aucun doute Edward aux mains dargent, découvert chez mes cousines (encore elles !). Je me souviens du lit de mon oncle et ma tante sur lequel nous nous étions installées et de la télévision cathodique. Je me souviens de la pause que nous avions dû prendre au milieu du film pour manger avec la plus jeune d’entre elles qui n’était pas autorisée à le visionner. Je me souviens de la partie de La bonne paye que nous avions effectué ce jour-là, à cette date à priori ordinaire de septembre. Je me souviens du court-métrage Vincent, inclus avant le film, qui m’avait beaucoup effrayé et un peu fascinée. Je me souviens de mon émerveillement devant les décors, devant le jeu de Johnny Depp, je me souviens de ma rage face au personnage de Jim et des morceaux de mon petit cœur brisé à la fin.  

Edward aux mains dargent n’était pas le premier film de Tim Burton que je découvrais (j’avais déjà vu et apprécié Charlie et la chocolaterie) mais c’était celui qui m’ouvrait la voie vers le cinéma d’un auteur qui me donnait la sensation de s’adresser directement à moi. Ma passion de la lecture m’avait permis d’acquérir très tôt un bon niveau en français et comme je me débrouillais bien dans les autres matières, l’enfant de décembre que j’étais avait sauté une classe. Timide et introvertie, j’avais du mal à me faire des amis et j’étais considérée comme la freak qui arrivait, à seulement 8 ans, en classe de CM2. De nature plutôt curieuse et faisant, pour la première fois de ma vie, face à la notion d’auteur au cinéma, j’avais décidé que je devais en savoir plus sur ce fameux Burton. Je dessinais des visages de Mr. Jack un peu partout et j’estimais que j’avais trouvé, en sa personne, une vraie idole, un modèle qui me guidait dans la vie. D’abord peureuse et effrayée par le gore, je bravais mes craintes pour découvrir Sleepy Hollow, La légende du cavalier sans tête et Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street. Je ne le savais pas encore mais c’était le début de mon intérêt pour le cinéma de genre. 

Arrivée au lycée, je choisissais, en fin de seconde, de suivre l’option facultative cinéma audiovisuel. La plupart des élèves étaient là pour les points supplémentaires au bac et j’osais à peine avouer que j’avais choisi de m’enfermer dans une salle de classe tous les mercredi après-midi par pur intérêt pour le cinéma. Je n’avais cependant aucune culture : je n’avais jamais été guidée dans ma passion, je ne connaissais rien aux films dit “cultes” et aux grands classiques du cinéma. Je découvrais alors Easy Rider, La balade sauvage… Mes parents n’avaient qu’un accès instable et limité à internet et refusaient de me payer un ordinateur. N’ayant que très peu de moyens de découvrir des films, je me nourrissais de ces mercredis. Je bénissais également Arte, grâce à qui je pouvais être fascinée par Paris, Texas, Le voyage de Chihiro ou Il était une fois en Amérique. Avide de cinéphilie, j’en venais à chercher des films disponibles sur Youtube, pour les regarder via mon téléphone.  

Paradoxalement, cette méthode alternative ne m’a permis que d’apprécier encore plus le pouvoir du grand écran – duquel je suis aujourd’hui une grande défenseuse. Aller au cinéma, même dans une petite salle de province inconfortable, me procurait des frissons, j’aimais quand la lumière s’éteignait et j’aimais cligner mes yeux lorsqu’elle revenait, sortant progressivement de la torpeur dans laquelle j’avais été plongée pendant une ou deux heures. Je savais que j’avais beaucoup aimé un film lorsque je ressentais, à sa fin, une vague de chaleur dans tout le corps.  

Au moment de choisir ce que je ferai après le bac, j’hésitais beaucoup. Je prenais rendez-vous avec plusieurs conseillères d’orientation avant que l’une d’entre elle me signale que si je voulais faire du cinéma, je n’avais qu’à en faire. Revenir sur mon parcours scolaire et professionnel serait trop long mais je peux raconter les découvertes issues de cet entretien. Ce fut le début d’un long voyage, avec la découverte progressive d’un milieu parfois très difficile, l’adrénaline du festival de Cannes, etc. Je me noyais dans un tourbillon de nouvelles œuvres, je découvrais Wong Kar-waiHirokazu Koreeda, Gaspar Noé, Dario Argento et plus encore. Je m’abreuvais de nouvelles connaissances et postulais un jour, très timidement, pour écrire sur un blog. La suite a été une promenade entre plusieurs sites, avec des rendez-vous plus ou moins réguliers sur plusieurs podcasts. Je craignais, à mes débuts, d’affirmer un “faux avis”, quelque chose qui pourrait être moqué. Il m’a fallu du temps pour que j’apprenne à oser développer un argumentaire et m’améliorer, sur mes analyses mais surtout sur mes critiques. 

Il y a aussi eu des bas : un échec à la Fémis après avoir atteint la si convoitée deuxième étape, des critiques peu constructives sur ce que la jeune fille naïve que j’étais écrivait… . Mais l’envie de partager un peu de septième art me démangeait toujours. Je m’acharnais à rédiger sur des blogs et je participais régulièrement au podcast Sorociné, aiguisant au passage ma volonté de mettre en parallèle les questions de société avec le cinéma et nourrissant mes réflexions sur le regard. La jeune adolescente effrayée par le gore a bien vite laissé place à une jeune femme à l’esprit tout terrain, n’hésitant pas à plonger dans des œuvres qui titillent la morale et montrent la cruauté.  

Avide de création, j’ai aussi, moi, écrit des scénarios, entraîné mes cousins ou mes copains de lycée dans des tournages bancals, avec un téléphone ou un mauvais appareil en guise de caméra. Je me souviens du son incompréhensible, des lumières vives au milieu des images, des grandes conversations pour convaincre des gens de jouer pour moi… . J’ai aussi aidé les autres sur leurs projets, jusqu’à réaliser un court-métrage semi-professionnel pendant mes études. J’ai également nourri un rêve inatteignable : celui d’adapter un jour La couronne verte de Laura Kasischke au cinéma. 

Aujourd’hui, en période de pandémie, je regarde surtout des séries et je tente de renouer avec mon premier amour qui fut la lecture, mais le cinéma est toujours dans mon cœur et dans mon esprit. Regarder, écrire, créer, sont toujours des maîtres mots dans ma vie : regarder pour apprendre ou s’émerveiller, écrire pour réfléchir, créer pour oser faire naître son propre regard. C’est à travers le cinéma que j’ai appris à relier mes passions, l’écriture, la création, le partage. J’ai effleuré le journalisme (métier que je convoitais adolescente) et j’ai participé à la naissance de films. J’ai rencontré des gens, j’ai beaucoup appris. 

Merci le cinéma.

Manon Franken

Propos recueillis par Yoan Orszulik, vous pouvez retrouver Manon sur sa chaine YouTube Franken’s lab, ainsi que sur le podcast Sorociné et Twitter

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