Parmi les invités de l’édition 2024 de la Japan Expo, et pour fêter les 70 ans de Godzilla, on retrouvait le grand illustrateur Yuji Kaida, le « peintre des kaijus ». Entre ses conférences et séances de dédicaces, nous avons pu le rencontrer un court moment afin d’évoquer Godzilla et les gros monstres en général.
Dans votre carrière, comment en êtes-vous venu à dessiner des kaijus ?
Quand j’étais étudiant, j’aimais toujours les kaijus qui m’avaient marqué pendant mon enfance, et j’ai commencé à participer à un club, un « cercle » consacré aux kaijus. On y faisait beaucoup de recherches, et on construisait un fanzine où on écrivait des articles. Ma spécialité c’était de dessiner donc j’y dessinais les kaijus. Ensuite, quand nous avons terminé nos études, beaucoup de personnes de ce cercle sont parties travailler dans le cinéma, et évidemment dans le domaine du Tokusatsu. Souvent, ils se retrouvaient dans des situations où ils manquaient d’illustrateurs et avaient besoin de quelqu’un qui savait dessiner. Comme ils me connaissaient, ils faisaient appel à moi et c’est ainsi que j’ai commencé cette activité.
Est-ce que vous avez un kaiju favori ?
Je ne peux pas en choisir un seul, c’est très compliqué. Il y en a beaucoup que j’aime énormément. Mais pour répondre, je dirais que j’aime un kaiju quand il est dans un bon film de kaijus.
Et est-ce qu’il y en a un que vous préférez dessiner ?
En fait si je fais ce métier là c’est vraiment que j’aime plus que tout dessiner ou peindre des kaijus. Donc je n’ai jamais vraiment de moment ou je suis embêté d’en dessiner un. Après j’avoue que j’adore Godzilla donc dès que l’occasion se présente de travailler sur ce personnage j’en suis ravi. C’est vraiment un monstre incroyable pour lequel je ne pense pas encore avoir atteint ma limite quant à comment le représenter.
Et concernant Godzilla, sachant que c’est une créature qui a énormément évolué au fil du temps, est-ce qu’un de ses designs vous touche plus que les autres ?
Alors j’ai énormément de mal à dessiner un Godzilla quand je ne comprends pas où voulait en venir le réalisateur du film par exemple. A l’inverse, quand je comprends et que j’adore le projet du réalisateur, ce Godzilla sera vraiment facile à dessiner pour moi. Mon rapport aux différentes itérations de Godzilla se résume à la vision du réalisateur, plutôt qu’à un design en particulier.
Si vous deviez créer votre propre kaiju, à quoi ressemblerait-il ?
Le problème est que je considère Godzilla comme la forme la plus pure du kaiju, donc je crois que si je devais en créer un, je partirais dans tous les cas de Godzilla.
Que vous inspire le succès à l’international de Godzilla Minus One ?
J’avoue que j’ai été complètement pris de court par le succès de Godzilla Minus One aux Etats-Unis. Et je crois que le réalisateur Monsieur Yamazaki également. J’étais persuadé qu’il n’y aurait que des japonais qui pourraient comprendre la psychologie des personnages après la défait de la Seconde Guerre Mondiale. Et c’est quelque chose qui est assez unique dans ce film. J’ai beaucoup réfléchi à ça et je pense qu’en fait, il y a quelque chose d’assez universel dans les tourments que traversent les personnages, notamment celui du personnage principal qui a tué des gens, les a laissés mourir tout en ayant survécu. Et qui souffre donc du syndrome du survivant. A posteriori, je pense que c’est ce qui a touché les gens. Je ne pensais pas que ça marcherait, mais le résultat est que le film a réussi à dépeindre un sentiment dans un contexte incompréhensible pour l’étranger, et a parlé à tout le monde. C’est vraiment la force et la leçon à retenir de ce film : ne pas nécessairement être à fond sur un contexte ou au niveau du design, mais se concentrer sur l’émotion humaine qui rassemblera tout le monde.
Propos recueillis par Nicolas Gilli.
Merci à toute l’équipe de la Japan Expo, et en particulier à Aurélie Lebrun, ainsi qu’au camarade Yoan Orszulik pour son aide.