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Dans les bureaux de The Office : entretien avec Marie Casabonne

Aujourd’hui, nouvel entretien avec Marie Casabonne. Responsable éditoriale chez UniversCiné, chroniqueuse pour Capture Mag, créatrice de l’émission Monster Squad, et co-programmatrice des séances Panic! Cinéma, Marie Casabonne évoque son nouveau livre Dans les bureaux de The Office – L’humain derrière l’humour édité chez Third Éditions. Un ouvrage dans lequel elle revient sur les dessous d’une série dont le culte perdure et ne cesse de grandir. 

Comment est né ce livre ? 

Début 2022, Mehdi El Kanafi, co-fondateur de Third Editions, m’a contactée pour me dire qu’il appréciait mon travail chez Capture Mag et me proposer de me signer chez Third. On a discuté de possibles sujets de livres et The Office est arrivé en premier dans ma liste. J’avais déjà lu le livre très factuel d’Andy Greene, The Office: The Untold Story of the Greatest Sitcom of the 2000s: An Oral History, faute de sources en français sur le sujet. Du coup, j’ai proposé d’écrire le livre que j’aurais voulu lire : un livre qui traite à la fois des coulisses de la série tout en l’analysant en profondeur. Et pour ça, je suis partie d’un constat aussi personnel que général : pourquoi on regarde encore et encore cette série ancrée dans le quotidien un peu triste et morne d’une entreprise qui vend du papier…

Au départ, était-il prévu que le plan du livre suive la chronologie des saisons ?

Pour moi, c’est très logique d’aborder la série de cette façon, pour mieux comprendre sa création depuis son adaptation de la version UK, l’écriture de ses personnages, sa mise en scène, son évolution, ses meilleures périodes, mais aussi ses moins bonnes, en fonction des personnes qui sont aux manettes, que ce soit les showrunners, scénaristes et autres consultants. 

La série anglaise originale est évoquée au début de l’ouvrage, avant de laisser place à la version américaine qui a éclipsé son modèle. Est-ce qu’il y avait la tentation d’aborder ces deux séries à part égale ?

Je n’ai jamais eu l’intention d’aborder les deux séries de manière égale. Même si je l’aime beaucoup, il y a moins à dire sur la série anglaise, qui est bien moins un phénomène de société que son adaptation américaine. Elle est bien plus courte, un peu plus confidentielle, et aussi beaucoup moins documentée. Certains acteurs et actrices de la version US ont créé des podcasts qui continuent encore à ce jour, et publié des livres adaptés de ces formats audio. Il y a vraiment une tonne de sources, impliquant toutes les personnes qui ont travaillé sur la série. 

Le livre plonge à la fois dans les coulisses de la série, tout en proposant une analyse de cette dernière. Comment gère-t’on cet équilibre lors de la rédaction ?

Mehdi de Third Edition craignait que le livre ne soit qu’un simple “making of” de la série, il m’a donc demandé d’inclure des axes d’analyse dans chaque chapitre. Ainsi, je prends dans chaque saison un élément ou événement marquant comme base pour une analyse thématique transversale, qui étudie un thème et son évolution au fil des saisons. C’est pour moi la manière la plus complète de traiter le sujet : autant dans le factuel et les coulisses racontées par l’équipe que dans l’analyse thématique personnelle que je développe.

L’ouvrage explique que c’est la saison 2 qui a permis à la série américaine de prendre son envol.

En réalité, dès le deuxième épisode de la première saison, Diversity Day, la série américaine cherche son identité et ses thématiques, tout en gardant le ton cringe de la série anglaise. Dans la saison 2, The Office US trouve son ton, grâce à 40 ans toujours puceau. Le film de Judd Apatow écrit par Steve Carell qui en interprète le rôle principal a été un énorme carton après la première saison de The Office. Ce qui a deux conséquences majeures. Tout d’abord, NBC est obligé de renouveler la série, qui était sur la sellette, puisque Steve Carell devient un acteur de premier plan à Hollywood, et à l’époque, il est très rare qu’une série réussisse à avoir un acteur de la “A-list” à son casting. Seconde conséquence : le changement de ton de la série. Le showrunner Greg Daniels décide d’emprunter un peu de l’optimisme du rôle de Steve Carell dans 40 ans toujours puceau pour l’inclure dans The Office et dans le personnage de Michael Scott.

Peut-on dire que les webisodes The Accountants préfigurent la démocratisation du culte envers The Office sur internet ?

Je ne sais pas si on peut mettre le culte de The Office sur internet au seul crédit de The Accountants. La web série était une manière de faire patienter les fans entre deux saisons, mais il y a eu d’autres facteurs d’ancrage plus importants selon moi. L’épisode de Noël de la saison 2 était inclus dans tous les nouveaux iPod vendus à Noël 2005. Rainn Wilson tenait en temps réel le blog de Dwight, Jenna Fischer (Pam) filmait des vidéos pour sa chaîne youtube sur le tournage. Les acteurs alimentaient leurs pages myspace et répondaient aux fans en temps réel, parfois même quand ils étaient à leur bureau sur le tournage… C’était le début de l’utilisation d’internet telle qu’on la connaît aujourd’hui, le début des réseaux sociaux et de ce qu’on appelle aujourd’hui le marketing viral. The Office a bénéficié de cet effet, sans le vouloir ni même le savoir.

Lorsque la saison 4 est abordée, vous revenez sur le fait que The Office parle à travers ces personnages d’un changement, voire d’une confrontation, générationnel. 

C’est un des thèmes clés de The Office : le fait d’être coincé 8 heures par jour avec des personnes totalement différentes, qu’on n’a pas choisies et avec qui on ne serait pas forcément ami en-dehors du travail. Et dans ces personnes différentes, il y a forcément des générations différentes. Dans le livre, j’analyse le rapport au travail de ces différentes générations. Le fait que Michael, de la génération des baby boomers considère son travail comme sa vie, ses collègues comme sa famille, c’est vraiment une des bases de la série. Autour de lui, ses collègues plus jeunes comme Jim et Pam considèrent leur boulot comme un simple job un peu déprimant, leur permettant simplement de payer leur loyer… Mais leur rapport au travail évolue, notamment avec l’âge, en cherchant à évoluer ou à quitter l’entreprise pour aller vers un métier qui leur correspond mieux. 

L’arrivée de Jen Celotta en tant que Showrunner de la saison 5 annonce justement une évolution pour The Office.

L’arrivée de Jen Celotta et Paul Lieberstein (Toby dans la série, mais surtout auteur depuis la saison 1) comme showrunners va changer le ton de la série. Là où Greg Daniels était partisan du plus grand réalisme documentaire, ils vont rendre la série et les personnages plus cartoonesques, moins réalistes. C’est le moment où la série commence à décliner, avec le départ de Greg Daniels et Mike Schur, qui vont créer Parks and Recreation. Au fil des saisons suivantes, certains auteurs vont également quitter la série, comme Gene Stupnitsky et Lee Eisenberg, les champions du cringe, scénaristes des épisodes Dinner Party et Scott’s Tots qui érigent le malaise en véritable art. Mais c’est aussi ça la vie d’une série : l’équipe va et vient, scénaristes comme acteurs… Heureusement, Greg Daniels revient pour la toute dernière saison et offre une belle conclusion à la série avec les deux derniers double épisodes que je trouve géniaux car ils retrouvent le ton original et bouclent tous les arcs des personnages.

L’aspect documenteur au cœur de la série est évoqué comme un processus méta dans l’humour.

La forme du faux documentaire est importante dans The Office car elle permet de renforcer l’humour cringe. D’une part, la caméra est le public parfait pour Michael Scott et d’autres personnages qui veulent se montrer sous leur meilleur jour, mais elle est aussi leur pire ennemi, car elle ne pardonne pas et permet de capter des moments de gêne intense suite à une remarque déplacée, une blague qui tombe à plat, à n’importe quelle déconvenue… Les personnages jouent aussi avec la caméra, comme Jim et ses fameux regards caméras, destinés à l’équipe et au public fictif du documentaire et celui, bien réel, de la série. Au final, la caméra est un véritable personnage. Elle suit les personnages, peut être complice de leurs actions, spectatrice de certains moments de gêne, ou encore dévoiler des actions ou des relations, notamment amoureuses, que les personnages auraient voulu garder secrètes et privées…

Vous revenez sur l’aspect universel de l’humour de The Office qui explique en partie sa longévité à travers le temps.

C’est comme ça que Greg Daniels a voulu la série. L’idée du bureau, c’est une idée universelle, qui parle à tout le monde. Et même si on n’est pas encore en âge de travailler, l’école c’est une répétition du bureau : les profs et proviseurs sont les patrons et managers, les camarades et ou les ennemis de cour de récré sont les collègues qu’on aime ou qu’on déteste… Donc les relations entre les personnages qui cohabitent dans l’open space et les gags qui en découlent sont universels. Aussi, même s’il s’agit principalement d’un humour cringe, qui n’est pas toujours le plus accessible, je tiens à préciser une chose qui me parait importante. Certains auteurs de The Office, comme Ricky Gervais le créateur de la série anglaise, ou Mindy Kaling (Kelly dans la série US, également scénariste) ont parfois dit qu’on ne pourrait plus faire The Office. C’est totalement faux. L’humour de The Office vieillit bien. Car on ne rit jamais de la blague raciste, sexiste ou homophobe de Michael Scott, on rit de ses préjugés, de son ignorance, et de l’effet de se remarque sur ses collègues, dans le bureau, qui est l’un des endroits les plus policés de notre société et dont les personnages font sans cesse sauter les limites. De plus, le fait qu’une version australienne vienne de sortir, et qu’une adaptation mexicaine ait été annoncée récemment montre que le concept de la série et son humour ne vieillissent pas. 

Comment Nicolas Charlet et Bruno Lavaine en sont venus à signer la préface du livre. 

Je suis fan de l’ensemble de leur œuvre et je suis ravie qu’ils aient accepté de préfacer mon livre ! J’avais déjà travaillé avec eux via Panic! Cinéma lorsqu’on avait organisé des séances de leur adaptation française de What We do in the shadows et de À la recherche de l’ultra sex. Puisque la vie de bureau est l’une des thématiques centrales de leur œuvre, et qu’ils ont écrit et réalisé Le Bureau, l’adaptation française de The Office UK, ils étaient les préfaciers idéaux pour mon livre ! Je leur ai donc simplement demandé et ils ont accepté. Ils ont aussi eu la gentillesse de m’accorder un long et passionnant entretien pour parler de leur travail sur Le Bureau, qui se retrouve dans le chapitre consacré aux adaptations de la série à travers le monde. 

Quels sont vos futurs projets ?

Je ne sais pas si je me lancerai à nouveau dans l’écriture d’un tel livre. C’est un énorme travail sur un temps extrêmement long : presque 3 ans entre la proposition de Third Editions et la sortie du livre, plus d’un an et demi de recherches et d’écriture… C’est passionnant et c’est un travail que j’adore mais c’est très prenant et donc difficile à concilier avec tous mes projets… Pour le moment, je me concentre sur la saison 2 de mon émission Monster Squad et Sale temps pour un film chez Capture Mag, mon travail à l’éditorial et à la programmation de la plateforme de VOD Universciné et les invitations dans différents festivals… et c’est déjà pas mal !

Propos recueillis par Yoan Orszulik. Dans les bureaux de The Office – L’humain derrière l’humour est disponible en librairie et sur le site de Third Editions. Vous pouvez retrouver Marie Casabonne sur Facebook, X, Bluesky, Instagram, Linkedin, et Letterboxd

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