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Desert of Namibia – Entretien avec Yôko Yamanaka

Aujourd’hui rencontre avec la réalisatrice Yôko Yamanaka, venue présenter à la Quinzaine des cinéastes son nouveau film Desert of Namibia. L’occasion de revenir avec elle sur certaines facettes de ce long-métrage attachant, ainsi que sur son approche personnelle et collective de la conception d’un film.

Hier au début du questions-réponses, vous évoquiez l’envie de tourner un film rapidement après l’abandon d’un autre projet. Peut-on dire que c’est ce sentiment d’urgence qui a façonné l’identité de Desert of Namibia ?

Oui, je pense que le sentiment d’urgence est vraiment quelque chose qui a beaucoup influencé le film tout entier. Parce qu’on a travaillé dans des délais extrêmement serrés pour toutes les étapes, y compris la post-production. Pour cette dernière, par exemple, je n’ai pas eu le temps de tergiverser et il a fallu que j’avance, que je sois extrêmement concentrée tout du long. Je pense que ça a insufflé une énergie au film. 

Desert of Namibia repose sur deux parties. Une première plutôt comique à la Frances Ha sur la naissance d’un couple, la seconde, dramatique, qui fonctionne sous un jour plus sociologique, centré sur les mécanismes du patriarcat. Comment avez vous travaillé ces changements de registres ?

Effectivement Frances Ha est une référence qu’on a évoqué avec mon équipe au moment où on travaillait sur le film. Je dirais que cette structure en deux parties correspond finalement à la fois à son changement d’amoureux, et aussi de domicile. Il y avait donc une césure qui s’est faite assez naturellement à cet endroit là. Je dirais que pour la seconde partie, j’avais par exemple en tête La maman et la Putain de Jean Eustache. Pour la première partie, il y avait peut-être aussi Les Olympiades de Jacques Audiard. J’avais envie de faire un film un peu comme ça, dans cet état d’esprit là. C’est peut être les deux références qui ont marquées les deux parties de Desert of Namibia

Vous évoquiez également dans le questions-réponses dhier votre passion pour lInde, dont le cinéma est connu pour changer brusquement de registre en cour de film. Peut-on voir une connexion entre cette cinématographie et Desert of Namibia ? 

À vrai dire, je connais très mal le cinéma indien. Je pense que si j’ai vu 10 films indiens dans ma vie, c’est le maximum, donc je n’ai pas une très grande connaissance de ce cinéma là. Je pense que j’ai vraiment été influencée par mon voyage en Inde. J’ai reçu beaucoup de choses, je me suis imprégnée de beaucoup d’atmosphères notamment. Après, il y a peut être aussi cette notion de sentiment très exacerbé et d’une certaine manière, les variations entre le côté maniaco-dépressif. Il y a un peu ça dans l’idée des deux parties du film, mais il y a peut être également cela dans les grandes variations d’émotions, qui sont peut être liées à ce voyage.

Vous utilisez habilement le zoom, en lui insufflant à chaque fois un sens différent. Que ce soit au début pour présenter Kana ou pour montrer limportance du téléphone le cadre. Comment vous est venue lidée dutiliser cet effet?

Je crois que l’utilisation du zoom chez moi est assez instinctive. Je me suis pas forcément posée la question avant de l’utiliser. Je n’ai pas forcément de raisons très intellectuelles de le faire. Je n’ai pas cherché à restituer l’usage de cet effet dans l’histoire du cinéma. On m’a posé la même question hier quand j’ai répondu à une interview pour la Quinzaine et j’ai essayé de réfléchir un petit peu à cette question. Moi, je suis vraiment « née dans le numérique » avec notamment Instagram. J’ai l’habitude de faire des stories sur cette application. Dans cette dernière on peut zoomer un peu en fonction de ses envies. Je crois que c’est finalement une habitude, une certaine familiarité avec le zoom qui fait que, quand je fais un film, au moment où j’en ai envie, finalement, j’y ai recours assez facilement sans me poser de questions. Puisqu’à chaque fois, je ne le décide pas avant. C’est sur le tournage, vraiment au moment où on tourne, qu’instinctivement je vais y avoir recours. Donc ce n’est pas très réfléchi.

Vous jouez beaucoup à détourner certaines conventions cinématographiques. En général on imagine la jeunesse à Tokyo de nuit. Ici c’est en plein jour, sous un angle dramatique. Des scènes à la tonalité comique deviennent dramatiques, et vice-versa.

Je crois que pour Desert of Namibia c’est ce qui a vraiment tout guidé, tout dirigé, c’est la personnalité de Kana qui a tendance justement à être assez déséquilibrée. Il y a donc une forme de dysharmonie, une forme de déséquilibre, qui est vraiment inhérente à ses humeurs et son personnage. Je crois que c’est aussi ce qui teinte, qui peut être parfois justement être un peu disharmonieux ou décalé. Même au niveau du montage. Ce n’est pas tant moi qui décidait, mais le personnage de Kana, qui a vraiment conditionné tout le montage.

En parlant justement d’implication du personnage de Kana, est-ce que les interprètes ont travaillé leur personnage comme des co-scénaristes, voire des metteurs en scène ?

C’est un film qui contient énormément les avis, la sensibilité, à la fois des acteurs, mais aussi de toute l’équipe technique. Dès l’écriture du scénario, j’ai beaucoup échangé avec toute mon équipe. Je voulais recueillir des anecdotes, des points de vue, des ressentis par rapport à certaines situations. Il y a donc beaucoup de situations du film qui sont des expériences réelles, personnelles, vécues par des tas de gens qui ont travaillé avec moi sur Desert of Namibia. Très spontanément, les gens venaient me voir pour me livrer des anecdotes et parfois ça pouvait se faire, même sur le tournage. Un jour quand on a tourné la scène de rencontre avec Honda, le petit ami interprété par Kanichiro se parfume. Il vaporise d’abord en l’air, comme s’il traversait une brume de parfum. Et en fait cette façon là de se parfumer, c’est un assistant réalisateur qui était avec moi qui m’a dit « Ah bah moi je me parfume comme ça ». Que ce soit des petits gestes ou même des anecdotes plus importantes, c’est vraiment un film qui est composé énormément du vécu réel de mon équipe.

La fin joue sur une mise en abîme mentale, à la fois très sarcastique et très onirique. Comment vous est venue cette dernière partie ?

Je crois que j’ai essayé de trouver des façons de représenter; à l’image, comment elle éprouve ce sentiment de lassitude très fort, par rapport au fait de se disputer, de se battre physiquement. Il y a donc à la fois une forme d’accoutumance, et en même temps une forme de lassitude très forte. J’avais envie de pouvoir l’imaginer se détacher d’elle-même, sortir d’elle-même, et de se concevoir de façon un peu méta. Ce sont les deux moyens que j’ai trouvés pour essayer de la faire s’échapper. 

Quels sont vos futurs projets ?

J’ai déjà le prochain film qui est tourné et monté, et je vais bientôt entamer la post-production. J’ai en tête un autre scénario, sachant que ces deux projets sont des adaptations de romans.

Propos recueillis par Yoan Orszulik. Remerciements à Léa Le Dimna pour la traduction, Dylan Savoldelli pour l’aide à la retranscription, et Rachel Bouillon pour avoir rendu cet entretien possible.

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