Aujourd’hui nous rencontrons Azz l’épouvantail, Youtubeur spécialisé dans le cinéma horrifique, également fondateur du festival Cinéma Interdit centré sur le cinéma d’horreur indépendant international, qui après le succès d’un 1er essai en 2023, revient pour une nouvelle édition du 31 mai au 2 Juin prochain au Club de l’étoile à Paris. L’occasion de revenir avec lui sur les coulisses et l’organisation de ce festival un peu à part dans le registre des grandes manifestations autour du cinéma d’horreur.
Comment est née l’idée de ce festival ?
À force de participer, en tant que spectateur ou intervenant, à des festivals d’envergures diverses aux 4 coins du monde (le BIFFF ou le Offscreen à Bruxelles, Gerardmer, les Hallucinations Collectives ou On vous ment fest à Lyon, l’Etrange Festival ou le Sadique Master de Paris, le 7ème Aaaargh de Namur, le Scarefest de Lexington, le Gore Fest de Tokyo, le Festival Mundial de Cine Extremo de Veracruz au Mexique, etc.) et de rencontrer leurs organisateurs, je me suis mis à réfléchir à organiser mon propre événement. Plus ou moins au même moment, je fus invité au Club de l’Etoile, une salle mythique de Paris, pour la projection de l’anthologie Les Lettres de l’Angoisse pour laquelle j’avais réalisé un court métrage. La salle me semblait être l’endroit parfait pour créer un modeste festival, et j’en ai donc parlé à l’équipe, qui s’est montrée enthousiaste.
Le nom est-il une référence à l’émission Quartier Interdit de Jean-Pierre Dionnet ?
Non, pas vraiment ; c’est vraiment juste un titre qui reflétait bien ce que j’avais envie de proposer dans mon émission du même nom, puis dans le festival. Mais j’ai réalisé plus tard qu’on pouvait faire un lien entre les deux, et ça ne me dérange pas du tout.
Quelles sont les difficultés lorsqu’on est indépendant pour monter un tel événement ?
Elles sont diverses. Tout d’abord, évidemment financières. Obtenir les droits de projection des films, même obscurs, est rarement gratuit. Le club de l’étoile dispose de certains moyens, mais il faut que l’événement reste un minimum rentable pour eux. Il faut donc trouver des sponsors ou des investisseurs, et faire beaucoup de com’ pour remplir la salle le plus possible ; une salle de 150 places, ce qui limite donc forcément les « bénéfices ». Mais aussi, en terme de crédibilité, ce n’est pas toujours facile. Pour convaincre un distributeur / ayant droit de projeter leur film à notre festival, il ne suffit pas d’avoir des sous. Quand un YouTubeur belge contacte des distributeurs asiatiques, par exemple, bah… On ne reçoit pas forcément de réponse ! Trouver les droits pour les films est donc la difficulté majeure. Mais trouver des invités est difficile également, pour des raisons financières, bien sûr, mais également logistiques. Nous n’avons pas beaucoup de moyens humains non plus, et ça rend certaines démarches anodines en apparence plus compliquées à mettre en place.
Travailles-tu tout seul à l’organisation de Cinéma Interdit ou bien des personnes sont là pour t’assister ?
Je fais une grande partie du travail seul, mais l’équipe du Club de l’étoile me soutient, et quand je coince durant l’organisation, peu importe l’étape, elle n’hésite pas à m’apporter son aide. Cette année, l’association Ciné7, une asso cinéphile étudiante, m’aidera également durant le festival, notamment en m’apportant des bénévoles, ce qui sera bien utile ! Enfin, je suis en contact avec Fred, organisateur du festival 7ème Aaaargh (l’ARFF) de Namur, avec qui nous nous échangeons de bons tuyaux, et mon père, réalisateur et graphiste, m’aide pour tout ce qui est image ; images, teaser, etc !
Le fait d’avoir couvert de nombreux festivals et conventions à travers le monde facilite-t’il la prise de contacts pour de futurs invités ?
Complètement. À force, je me suis constitué un chouette carnet d’adresses, et tous les invités que j’ai pu réunir pour ces deux premières éditions sont des personnes rencontrées au préalable à d’autres événements, et avec qui j’ai eu un bon contact… Ce qui nous permet entre autres de les faire venir en les défrayant uniquement, sans leur proposer de cachets, ce qui nous serait impossible vu nos moyens.
Comment fonctionne la sélection des films ?
Je suis l’unique décisionnaire à ce niveau ; cette programmation me ressemble bien, avec ses qualités et ses défauts ! L’idée est avant tout de proposer des œuvres qui parviennent trop difficilement jusqu’à nous, en France ou en Belgique ; des films qui ont connus des problèmes de distribution, inconnus, censurés ou bannis, extrêmes, etc. J’essaye de constituer une sélection de films rares, surtout sur grand écran.
Le club de l’étoile à Paris, était-il le 1er choix pour Cinéma Interdit ?
C’était le premier choix, et en plus, sans son équipe et leur enthousiasme à toute épreuve, l’événement n’aurait probablement jamais pu se faire.
J’imagine que le succès de la 1ère édition a dû aider à prendre confiance pour poursuivre cette aventure ?
Le succès était relatif, bien sûr, mais nous étions très contents ; je ne savais vraiment pas à quoi m’attendre, et nous avons rempli environ 70% de la salle en moyenne durant tout le week-end. Plutôt chouette pour une première ! Donc oui, ça nous a motivé pour cette deuxième édition, et j’avance personnellement un peu moins à tâtons, ce qui m’a permis de prendre quelques nouveaux petits risques pour renouveler la formule !
Une nouveauté pour cette 2ème édition, la présence d’un jury. Comment as-tu réuni tous ces talents ?
Par chance, et grâce à la gentillesse et la bonne volonté de chaque membre ! Ce sont tous des gens dont j’apprécie le travail, et que souvent, je connais personnellement ; ils ont tous répondu favorablement directement, et je leur en suis hyper reconnaissant, d’autant qu’ils n’ont pas grand chose (voire rien) à gagner, à part un week-end que j’espère le plus amusant possible.
Belgique, Argentine, Royaume Uni, France, États-Unis… on retrouve un panorama international assez varié dans la sélection de cette année.
Ça complète bien notre volonté de faire découvrir des œuvres variées, et souvent un peu obscur ; on va chercher partout !
Y a-t-il des thématiques communes qui semblent se dégager cette sélection ?
Pas vraiment ; j’essaye au contraire que ce soit le plus varié possible. Je voulais éviter que Cinéma Interdit soit identifié comme un festival de cinéma extrême, car ce n’était pas du tout ma volonté, et j’ai veillé à proposer vraiment toutes sortes d’oeuvres cette année, quitte à ce que ce soit un peu disparate en terme de thématiques.
On retrouve également une large place accordée au Japon, une cinématographie qui te tient particulièrement à coeur ?
Clairement. Le cinéma japonais, surtout horrifique ou d’exploitation, est celui qui me passionne le plus, que je connais le mieux. Mais c’est aussi celui qui m’a le plus ouvert les bras ! Avec mes multiples projets en rapport avec le Japon, j’ai rencontré des dizaines de professionnels du milieu ; cinéastes, acteurs/rices, organisateurs d’événement, théoriciens, journalistes… Et ils m’ont toujours considérés avec intérêt et bienveillance, ce qui n’a pas toujours été le cas en France, par exemple ! Proposer certaines œuvres, comme le très chouette Violator de Jun’ichi Yamamoto, est aussi un moyen de soutenir un ami réalisateur trop peu considéré, à mon humble échelle.
En invité d’honneur on retrouve cette année Yoshihiro Nishimura, connu pour son travail sur Tokyo Gore Police.
Une très grande fierté pour moi de pouvoir faire venir un personnage aussi important du Splatter japonais en France ! Ce n’est certes pas une première, mais ça fait longtemps qu’on ne l’a pas vu chez nous, et pour un petit festival comme le nôtre, c’est un invité très prestigieux ! C’est en plus un artiste très sympathique, et j’ai vraiment hâte que nos spectateurs, surtout les plus jeunes, puissent le rencontrer et découvrir son univers.
Au final peut-on voir Cinéma Interdit comme une prolongation de ta chaine Youtube ?
Complètement, mais ce n’est pas une volonté en soi (sauf si on parle juste de mon émission Cinéma Interdit, forcément). C’est juste que c’est un festival qui me ressemble, condense un petit peu mes goûts, voire mes obsessions en terme de cinéma !
Que peut-on te souhaiter pour cette nouvelle édition ?
Que tout se passe bien, sans imprévu négatif, que les spectateurs soient nombreux et s’amusent ! C’est vraiment le plus important pour nous. Si on peut avoir ne serait-ce qu’autant de visiteurs que l’année dernière, j’en serai personnellement déjà très content !
En dehors du festival, quels sont tes futurs projets ?
Je monte plusieurs grosses vidéos / documentaires en parallèle, qui prennent pas mal de temps. Mais surtout, je suis en train d’écrire un livre sur un pan très précis du cinéma de genre japonais, pour la maison d’édition belge Livr’S, et j’ai hâte de pouvoir en dire plus !
Propos recueillis par Yoan Orszulik.
Billetterie pour la 2ème édition du Festival Cinéma Interdit.
Vous pouvez également retrouver le festival sur Twitter et Instagram, ainsi qu’Azz l’épouvantail sur sa chaine Youtube, Facebook, Twitter et Instagram.