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Babe, le cochon orphelin devenu le prophète d’une ferme australienne, revenait 3 ans après ses premières aventures sous la plume de George Miller, et cette fois devant sa caméra. Fustigé de toutes parts, Babe, le cochon dans la ville reprend les bases de son prédécesseur pour encore élever le niveau. Plus noir, plus intense, plus dense, le film entre dans la famille des grandes suites de films et s’impose comme une nouvelle fable initiatique d’une profondeur et d’une justesse rares.

Extrêmement lucratif, Babe premier du nom ne pouvait que donner naissance à une suite. Et si Chris Noonan n’en voyait pas vraiment l’intérêt, George Miller y trouvait une nouvelle opportunité de développer son discours humaniste et de prolonger les extensions de cet univers. Il s’agit par ailleurs, étant donné qu’il n’était qu’auteur sur le premier film, du premier véritable jalon de sa trilogie animale. L’idée de Babe, le cochon dans la ville, au-delà du caractère presque scientifique de la démarche – observer le comportement d’un animal projeté dans un univers qui n’est pas le sien – est de repousser encore plus loin la notion d’apprentissage et de développement personnel. Et quoi de plus logique que d’envoyer une animal dans la jungle urbaine pour apporter une réflexion encore plus vaste ?

Le récit démarre tranquillement à peu près là où le précédent se terminait. Babe, figure naïve et enfantine, est devenu le héros des habitants de la ferme. Il est à la fois le vecteur du rassemblement, de la redistribution des cartes via une forme d’émancipation (le film prône la possibilité de s’extirper des cases dans lesquelles la société place les individus) et un véritable héros au sens légendaire du terme. En quelques minutes pourtant, le héros va tomber de son piédestal et ce symbole fort de réussite, célébré par une nouvelle unité faite d’humains et d’animaux, se verra à nouveau confronté à la réalité. Un accident terrible, mis en scène et monté de façon à troubler la perception : le drame pur y rencontre un traitement gagesque, presque de l’ordre du cartoon. Dans la même dynamique, l’arrivée des huissiers oscille entre l’humour et le thriller, voire l’horreur. George Miller jongle entre les genres en faisant appel à un langage cinématographique en décalage avec le propos, de sorte que la suite ne pourra être que surprenante, à la fois par son contenu et sa forme. Avec sa mise en scène à hauteur de cochon et l’utilisation du grand angle, Babe, le cochon dans la ville adopte parfois des airs de Magicien d’Oz shooté par un Terry Gilliam qui se serait imposé des limites dans l’expérimentation. C’est suffisamment fou pour provoquer quelque chose, mais assez cadré pour ne pas ressembler à du n’importe quoi. La maîtrise de George Miller.

Avec ses nouveaux et anciens compagnons de route, Babe tente donc l’aventure urbaine, un nouveau chemin symbolique vers une élévation spirituelle. Sauf que cette fois, l’abandon, la mort et le désespoir sont présents de façon bien plus intense que dans le film précédent. De sorte que le film en devient parfois effrayant. Ainsi, il n’est pas étonnant qu’il se soit transformé en produit invendable, trop noir pour les enfants, trop naïf pour des adultes incapables d’y voir autre chose qu’un film pour enfants… Le président d’Universal Ron Meyer, incapable de voir la mine d’or qu’il avait entre les mains, qualifiera le film d’un des pires que le studio ait produit, avec Wolfman. A croire que le travail de George Miller sera toujours trop en avance sur son temps, le film ayant finalement acquis son statut « culte », ou presque, les années passant. Car dans les faits, s’il n’entre pas nécessairement dans les cases bêtement préétablies, Babe, le cochon dans la ville est et reste un pur film de George Miller, dans ce qu’il raconte comme dans la forme qu’il adopte.

Babe, le cochon dans la ville revisite en quelque sorte la saga Mad Max en revisitant quelques séquences (des poursuites, une version alternative de la baston du dôme du tonnerre pleine d’idées…) mais surtout ses grands thèmes. Et notamment celui, indémodable, du héros qui va, face à une communauté dans laquelle il est introduit contre a volonté, la sauver. La figure de l’élu est toujours omniprésente, Babe est à la fois le sauveur, Noé et l’idiot. Mais c’est surtout une sorte d’idéal chevaleresque et héroïque, l’être au cœur pur qui passera toutes les épreuves les unes après les autres, gardant en ligne de mire la noblesse de sa mission. Il est amusant de noter que ce héros est un cochon, à la fois l’animal le plus proche de l’homme sur le plan génétique, et celui que l’homme a toujours montré comme une créature indigne, sous-évoluée, impure, et ce dans à peu près toutes les croyances depuis l’antiquité. Mais il est chez George Miller le héros au sens le plus noble. Celui qui mettra tout en œuvre pour réparer son erreur, et qui dans cette optique touchera à une toute autre destinée, bien plus universelle. Dans cet hôtel, dans cette ville, l’idiot apprendra auprès des sages et guerriers, sera manipulé, disgracié, puis, le temps d’un acte héroïque flamboyant, incarnera la figure du leader. Et ce à la suite de cette incroyable course-poursuite avec deux molosses, qui se solde par un acte de bravoure et « d’humanité » bouleversant. La prise de conscience intervient d’ailleurs en un clin d’œil, à travers un très beau moment de montage entre ralentis et flashes du passé.

La grande force de Babe, le cochon dans la ville, en parallèle de son inventivité de chaque instant en termes de mise en scène, provient de la maîtrise absolue de sa narration. George Miller sait raconter les histoires, il connait tous les codes ancestraux sur le bout des doigts et livre ainsi un film absolument parfait sur le plan du storytelling. Solide et inventif sur la forme, dopé par une symbolique toujours très forte et une réappropriation de la mécanique héroïque, Babe, le cochon dans la ville s’impose sans trop de difficultés comme un conte universel, véhicule colossal de valeurs morales saines. D’autant plus que le film ne manque pas de séquences fortes sur le plan émotionnel, parfois très dures (l’agonie du poisson), mais qui vont toujours servir à alimenter le parcours du petit cochon. Avec toujours ce décalage touchant avec « son humain » qui se contentera toujours d’un simple et honnête « That’ll do pig, taht’ll do ». Finalement, tout ce qu’attend ce héros, retrouver la confiance et l’amour de son compagnon, peu importent les divers exploits accomplis pour y arriver. En donnant le tournis à Metropolis, Babe devient le prophète et le sauveur. Malgré sa noirceur, il ne faudrait pas se leurrer, Babe, le cochon dans la ville est un film parfaitement stimulant pour les esprits les plus jeunes, et un rappel en règle des valeurs essentielles aux esprits moins jeunes, ainsi qu’une ode à l’amour sous toutes ses formes.

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En résumé

Il ne faut jamais se fier aux apparences, comme le rappelle cet incroyable Babe, le cochon dans la ville. Une suite formidable et une fable initiatique d’une profondeur et d’une justesse rares qui s'adressera autant aux plus jeunes qu'aux moins jeunes, mais qui donnera toujours du grain à moudre aux plus cyniques.
8.5
10

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Auteur

Gigantesque blaireau qui écrit des papiers de 50000 signes absolument illisibles de beaufitude et d'illettrisme, d'après Vincent Malausa.

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