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Culte, Mad Max l’est assurément. Mais plus encore, plus de trente ans après sa sortie le film n’a pas pris une seule ride et reste ce monument de nihilisme qui aura marqué à la fois la naissance d’un auteur de génie et d’un des plus grands acteurs de sa génération. Un chef d’œuvre, tout simplement.

Ils sont relativement nombreux les premiers films à avoir obtenu le fameux visa « culte ». Ils le sont beaucoup moins ceux qui ont atteint un tel niveau de maturité que ce premier essai de George Miller, alors âgé de 34 ans et pas suffisamment accompli par son métier de médecin. Enfin, ils sont carrément rares ceux qui, dès leur premier film, instauraient une telle cohésion dans leur œuvre qui se vérifie encore 30 ans plus tard. Mad Max c’est un phénomène. Interdit par la censure, classé X, entouré d’une aura mystique, avec ses recettes représentant à pu près 400 fois son petit budget il est encore un des films les plus rentables de l’histoire. Mais plus que son aura et son influence qui touche encore les cinéastes d’aujourd’hui, Mad Max est une date dans le cinéma d’action. À la veille des années 80, il fait le pont entre une décennie de liberté totale et d’outrances en tous genres et une autre qui entame un certain nivellement et une forme de normalité. Mais c’est surtout un grand film de cinéma qui prouvait déjà que de l’autre côté de la planète se trouvent les artistes capables des plus beaux miracles, un regard vers l’avenir nourri aux scories de la légende, aussi bien en termes historiques que cinématographiques. Sans même parler d’une des plus belles découvertes pour le cinéma : Mel Gibson.

Les années 70 ayant vu le règne des polars hard boiled et des poursuites en bagnoles frôlant la démence, de Bullitt à French Connection, c’est sans grande surprise que George Miller entame son film par une contribution à l’exercice qu’il convient de qualifier de terminale. La poursuite qui ouvre Mad Max est un véritable modèle du genre. En une dizaine de minutes le réalisateur a déjà tout dit. Premièrement il paye son hommage au film qui a établi la définition d’une course-poursuite au cinéma, Point limite zéro, dont l’ombre plane sur plusieurs séquences du film. Ensuite il construit déjà sa grammaire visuelle qui lui permet de poser tous les enjeux de la première partie du film en s’économisant à l’extrême sur les dialogues. Il ne les utilise que pour poser une ambiance et un univers, et non pour faire avancer la narration. Au lieu de ça, il fait déjà preuve d’une compréhension du cadre et d’une science avancée du montage qui lui permet de raconter son histoire par l’image. Un plan sur l’entrée délabrée des « Halls of Justice », un type qui matte un couple en plein ébat dans la nature, une succession de plans sur une bagnole et une alerte radio, on comprend sans que personne ne dise quoi que ce soit que cette société vaguement futuriste a vu ses fondations vaciller. Son symbole de justice est presque en ruine, les représentants de cette justice sont des tarés/pervers, les fous sont lâchés. En même temps qu’il bâtit sa contre-poursuite, aujourd’hui encore inégalée en terme de tempo, il introduit peu à peu son personnage, héros solitaire et semble-t-il ultra efficace, par quelques inserts de détails provoquant toujours plus de mystère jusqu’à le dévoiler complètement pour le faire entrer de plein fouet dans l’action. On pourra toujours chercher des thématiques récurrentes dans l’œuvre de George Miller, la plus belle constance est son sens unique de la narration au cinéma et les différents niveaux de lecture qui en découlent. Jamais il n’a besoin d’entrer dans les détails ou de proposer une exposition classique, il lui suffit simplement d’imprimer le regard et l’esprit du spectateur grâce à un savant dosage de ses plans et un découpage d’une intelligence redoutable. L’efficacité est telle que c’est précisément cette perfection qui aura attiré les foudres de la censure. Il y a très peu d’images véritablement violentes dans Mad Max, il n’écoperait que d’un avertissement aujourd’hui, mais le pouvoir d’évocation du montage est tel qu’il provoque l’illusion d’avoir vu des images qui ne sont pas à l’écran, ou qui n’apparaissent que de façon subliminale. Le plus bel exemple se trouve dans les accidents qui entrainent la mort d’un personnage. En utilisant une vaste palette d’outils, raccord dans l’axe, montage cut, gros plan, inserts sur les yeux exorbités du personnage et plans en vue subjective, il provoque une réaction physique. George Miller est bien un maître de la narration purement visuelle.

Pour autant Mad Max n’a rien d’une œuvre purement théorique et démonstrative. George Miller construit un vrai récit nourri au cinéma de genre classique. Western moderne et futuriste tournant au vigilante, avec une vraie respiration centrale pleine de sens, Mad Max fait naître à l’écran un futur possible. Un état démissionnaire, des représentants de l’ordre aussi névrosés et aux actes extrêmes que les criminels qu’ils traquent, une bande motards sauvages tenu par l’âme damnée nommée Toecutter (« le coupeur d’orteils »), le futur de George Miller n’est pas des plus radieux. Pris seul, le film propose ainsi un récit autonome passionnant dans lequel un représentant de l’ordre fait tout pour échapper au destin de criminel avec un badge qui l’attend mais se retrouve ramené dans cette voie de la façon la plus brutale qui soit, faisant sombrer le film dans le nihilisme total le temps d’un dernier acte d’une brutalité et d’un sadisme hardcore qui aura marqué à vie quiconque l’a vécu sur un écran. Mais Mad Max prend une toute autre ampleur quand il est pris pour ce qu’il est : le premier acte d’une trilogie post-apocalyptique. Au centre, le plus tragique des anti-héros. Il est dit clairement dans le film que ce monde a besoin de héros même si le peuple n’y croit plus, et ce motif du héros est ici brillamment introduit pour éclater dans Mad Max 2, le premier opus prenant tout son sens symbolique à la vision du second. Ainsi George Miller pose les bases dramatiques d’une fresque gigantesque faite de drames puissants, de tôle froissée et de sang versé. Il introduit les bases de l’extinction de la civilisation au profit du pouvoir aux armes et aux fous, en y faisant cohabiter le motif mystique du héros solitaire porté par une mission quasi-divine. Nourri de symboliques fortes, de la renaissance (à travers le changement d’Interceptor) à la perte d’innocence (la figure du masque à la veille d’appliquer la justice expéditive reprise avec une légère variation dans Drive), Mad Max est à la fois une introduction magistrale à un univers de plus en plus proche du notre, d’où son statut de film visionnaire, et un one-shot de génie. Son nihilisme, sa violence, sa noirceur, n’ont d’équivalent que la maestria avec laquelle George Miller établit les bases de ce qui restera son langage cinématographique : un premier degré follement ludique et un second d’une profondeur insondable, le tout porté par une maîtrise de l’outil cinéma (mise en scène, montage, direction d’acteurs…) qui tient du génie pur et un acteur qui imprime déjà la pellicule de son aura magnétique et de sa capacité à irradier l’écran de sa rage.

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Gigantesque blaireau qui écrit des papiers de 50000 signes absolument illisibles de beaufitude et d'illettrisme, d'après Vincent Malausa.

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