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Rencontre avec Xiang Zi, réalisatrice d’A Dog Barking at the Moon

Lauréate du prix spécial du jury « Teddy Award » pour A Dog Barking At The Moon, lors de la Berlinale de 2019, la réalisatrice Xiang Zi à profité de l’avant première française de son 1er long métrage au Festival Allers-Retours pour répondre à nos questions. L’occasion pour elle d’évoquer avec passion la conception de ce film attachant à plus d’un titre. 

Comment est née l’idée de A Dog Barking At The Moon ?

J’ai toujours voulu raconter une histoire. Dans le cas présent il s’agit d’une période de ma vie que j’ai toujours souhaité retranscrire. C’était en 2016 j’avais l’occasion de faire un film, et j’avais demandé de l’aide à une fondation.

Lors de la rencontre avec le public, vous disiez que la rédaction du scénario a duré deux semaines mais que 21 retouches furent nécessaires, en quoi consistaient t’elles?

Lorsque j’ai terminé la 1ère version j’étais dans une mauvaise passe émotionnelle, et je n’avais pas beaucoup de recul sur cette histoire. Je l’ai relue au moment de démarrer une nouvelle vie, ma fille était née un an plus tôt. J’ai dit à mon mari, qui est également le producteur et le directeur de la photographie, que j’avais besoin de temps pour me replonger dedans. Il m’a répondu qu’il n’y avait pas de problème et qu’il prendrait soin de ma fille. J’ai donc quitté l’Espagne pour me rendre au Tibet une vingtaine de jours. Je voulais prendre de la distance afin que les gens puissent ressentir ce même état d’esprit. Lors de mon retour j’ai commencé les réécritures.

Comment s’est déroulée la répartition des taches, sur cette production indépendante ?

Même s’il s’agissait d’un petit groupe, chaque département impliquait des gens très professionnels. Il y avait d’anciens camarades d’études de New York, des amis qui revenaient d’Europe, et d’autres de Li Xianting, une école de cinéma indépendante à Pékin, dans laquelle je donnais des cours et des formations. Grâce à tous ces amis rencontrés durant mes études, on a pu constituer une équipe qui avait pas mal d’expérience professionnelle.

En parlant de professionnalisme, j’ai trouvé les cadres et la lumière très soignés.  Dans la partie réelle le ton est naturaliste, tandis que la partie irréelle adopte des prédominances bleues et jaunes. On note également la présence d’éléments oniriques comme la neige, ainsi qu’une utilisation poussée du contre-jour à la fin. Comment s’est fait ce distinguo entre ces diverses parties ?

Dans ce film j’ai essayé de faire une distinction entre trois lignes temporelles différentes. Le passé, le présent et cette dimension surréaliste. J’ai donc essayé de réfléchir au niveau des éclairages, des costumes et des maquillages. On a commencé à travailler sur ces différents aspects avec mon mari et chef opérateur, Jose Val Bal, mais également avec l’opérateur caméra, qui travaillait dans le cinéma expérimental et qui nous a aidés à raconter cette histoire avec différents niveaux de lumière.

Vous misez beaucoup sur la symétrie et avez recours à très peu de mouvements de caméra, sauf lors de deux flashbacks. L’un avec les deux jeunes filles, l’autre lorsque toute la famille est en extérieur. Dans les deux cas vous optez pour le Steadycam. J’ai l’impression que vous vouliez traduire la réunification en utilisant cet appareil.

J’ai également choisi ces mouvements pour le début du film à l’aéroport, lorsque la famille se retrouve, parce qu’il s’agit d’un espace public qui contraste avec un endroit plus intime. C’est dans ce genre de moments que l’on est un peu forcé de s’ouvrir au monde et que les gens se sentent moins à l’aise et confortable pour ouvrir leur coeur. Chaque humain a des codes différents pour chaque type de communication. En public les gens ont des relations différentes que lorsqu’ils sont dans un endroit clos et plus intime.

En parlant d’intimité, la fille et la mère sont souvent séparées par une ligne de démarcation. À un moment l’une essaie de se rapprocher de l’autre avant de se retirer, s’agit-il d’une forme d’espoir vis à vis d’un éventuel contact ?

Même quand on communique avec les gens il y a toujours certains obstacles que l’on ne peut pas dépasser. Un peu comme maintenant, même si on traduit bien il y a toujours quelque chose qui est difficile à exprimer. Dans ce film même si la mère et sa fille parlent toutes deux le chinois, elles sont chacune de leurs côté, avec leurs propres paroles, et ne sont point unies. C’est normal chez les humains d’éprouver de la difficulté à communiquer, souvent on ignore cette situation. Ce n’est pas quelque chose d’extraordinaire, cela fait partie de la vie. Cependant on essaie toujours de se comprendre et de comprendre autrui. Du coup on doit s’obliger à faire le premier pas. Pour moi ce n’est pas quelque chose de forcément pessimiste, mais plutôt positif. On doit toujours essayer de communiquer et de ne pas s’isoler du monde, malgré la difficulté.

Est-ce le fait d’avoir été un peu partout dans le monde, notamment en Espagne ou aux États Unis, qui vous a forgé cette vision ?

Bien sur, il y a un lien avec ça. Par exemple aux États Unis, je parlais parfaitement anglais et je comprenais les gens très facilement, mais depuis j’habite en Espagne et mon niveau d’espagnol est très limité, du coup je ne peux pas utiliser cette langue pour communiquer, alors que la famille de mon mari est espagnole. Certains d’entre eux parlent plus ou moins anglais, quand je suis là ils essayent de parler cette langue, mais on communique beaucoup moins car tout est « ralenti ». Quand il y a quelque chose d’important, c’est l’espagnol qui reprend le dessus. Pour mieux les comprendre je regarde leurs visages, leurs expressions, ou leurs gestes afin de comprendre ce qui se passe. L’inverse est également arrivé, lorsque mon mari est venu en Chine. Il y a très peu de gens qui parlent anglais dans ma famille, du coup lui aussi essaie de décrypter les gestes et les expressions. Le problème c’est qu’on est pas sur de bien comprendre, au point que ce soit de travers.

Pour en revenir à la relation entre la mère et sa famille, j’ai l’impression que vous avez voulu créer un effet miroir, entre cette dernière, son amie de jeunesse et sa fille. Elle devient le personnage principal alors que le début du film nous fait croire qu’il s’agit de sa fille.

Il y a bien une relation « miroir ». Il n’y a pas que la fille et la mère, il y a aussi les autres personnages comme les amants du mari. L’un est des années 90, l’autre, le plus jeune, est de 2014 et on voit la différence avec leurs femmes. Le premier amant étant des années 90, la réaction de sa femme est plus discrète, on ne sait pas son vécu. Quand arrive le deuxième amant, ce dernier est marié à une lesbienne dont la copine désirait un enfant, au point de faire un faux mariage. Il y d’autres reflets et contradictions, dans les années 90 la mère était très ouverte, et l’amant de son mari était quelqu’un de très timide. On voit comment ces deux femmes abordent cette thématique autour de leurs maris. La mère exprime son mécontentement mais ne sait pas comment protéger sa fille, tandis que l’autre femme voulait protéger son autre fils.

Parmi vos références vous évoquez Luis Buñuel. À un moment la petite fille lit un livre et deux soldats apparaissent en arrière plan. De par son approche sarcastique cette scène rappelle Le Charme discret de la bourgeoisie.

Effectivement j’aime beaucoup ce film. Il y avait une scène où l’on entend plus ce que dit une femme au téléphone alors que l’avion passe, afin de dire que les mots ne sont pas forcément importants, c’est l’émotion et les sensations que l’on ressent qui le sont. C’est aussi ce que je voulais exprimer.

En parlant d’émotion, vous disiez vouloir établir une distance, pourtant j’ai trouvé le film émouvant avec beaucoup d’humour.

Vous avez peut-être raison. En fait j’ai voulu faire un effet que l’on pourrait qualifier d’élastique. On l’étire, on le sent très fort, on le relâche du coup on le sens moins, ce qui fait qu’on est jamais complètement lâché. On peut aussi imaginer que c’est comme de l’eau qui dépasse de notre gorge. C’est un effet de théâtre apathique.

La scène finale ou divers éléments de la mémoire de la fille reviennent, rappelle le cinéma de Satoshi Kon, je pense à Millenium Actress et Paprika. Avez-vous voulu reproduire le même effet ?

J’aime beaucoup Millennium Actress et Paprika. À la fin du film, on revient sur la vie de la mère, qu’on peut voir comme un rêve. On peut se demander si cette dernière, la nuit venue, revoit sa vie dans son cerveau. C’est comme une question que j’ai préparée pour le public. Est-ce que sa vie, comme celle du spectateur, peut revenir ?

Est-ce que le fait de terminer ce film fut pour vous une thérapie, voire une nouvelle étape dans votre vie.

Au départ c’était une nouvelle que j’avais écrite et qui avait un lien fort avec ma propre vie, mais cette histoire ne parle pas que de moi. Je trouvais que la Chine avait besoin d’une histoire comme celle-là. J’avais espoir qu’avec cette histoire je pouvais peut-être changer quelque chose dans la société chinoise. Après je ne sais pas si mon film pourrait changer quelque chose, mais ce n’est peut être pas si important. Il y a une phrase en chinois que j’aimerais traduire : Le changement de la société n’est pas forcément de moi, mais si je peux y contribuer un peu c’est déjà bien.

D’autres projets ?

Cette année avec mon mari, nous avons un projet de film tourné en espagnol. Cette fois-ci on change de poste, je serai productrice et lui réalisateur-scénariste. Il s’agit d’une histoire autour d’une famille espagnole.

Est-ce qu’il y aurait d’autres aspects de A Dog Barking At The Moon que vous souhaiteriez aborder?

J’ai mis beaucoup de détails dans ce film, mais jusqu’à maintenant beaucoup d’entre eux n’étaient pas vus par le public. Pour ma part regarder le long métrage une fois n’est pas suffisant, il faut le revoir plusieurs fois. Après je sais qu’il y a plein de bons films et je ne peux pas imposer ce luxe de le voir plusieurs fois.

Remerciements à Niu Xiaowa pour avoir rendu cet entretien possible et pour la traduction, ainsi qu’à Alexis Gaubert.

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