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Furiosa : une saga Mad Max – Critique

9 ans après Mad Max: Fury Road, George Miller est revenu sur la croisette avec le tant attendu Furiosa, préquel centré sur le personnage le plus emblématique de son film précédent. Un nouvel opus qui, en plus de tenir toutes ses promesses, s’avère d’une incroyable richesse, impossible à décortiquer dans une simple chronique. Le texte qui suit est donc une très modeste tentative de porte d’entrée sur une oeuvre marquante et galvanisante. 

En se focalisant sur les origines de Furiosa, George Miller prenait un vrai risque, celui d’amoindrir la fascination qu’exerçait le personnage campé par Charlize Theron sur le public depuis la sortie de Fury Road en 2015. L’exercice du préquel a ceci de particulièrement casse-gueule qu’il a tendance à évacuer les zones de mystère, le hors-champ narratif et symbolique, dans lequel se projette le spectateur, et par extension à rationaliser, voire contredire, le sens qui permit à une oeuvre, et un personnage, de traverser le temps. Hors, comme il l’avait fait jadis sur Mad Max 2: Le Défi, vis à vis de Max Rockatansky, Miller va faire de Furiosa un véritable mythe dans le sens Campbellien qu’il affectionne tant. Bien plus qu’un préquel, ce nouveau long métrage est une histoire à part entière qui peut se regarder de manière totalement indépendante de la saga. Une épopée, prenant le contrepied des diverses connexions superficielles à l’oeuvre dans les autres franchises du moment, tout en jouant sur de nombreux effets miroirs avec le film précédent et le reste de la franchise. Il ne s’agit pas de fan service, mais d’un kaléidoscope symbolique qui se regroupe autour du personnage de Furiosa. La 1ère partie du film, centrée sur l’enfance de cette dernière, est l’occasion pour le réalisateur de renouer avec Happy Feet, en reliant un macrocosme, la Terre, à un microcosme, la forêt rescapée de l’apocalypse, qui convoque toute une imagerie héritée du féminin sacré. C’est d’ailleurs dans ce dernier Éden que le cinéaste introduit son personnage principal, le reliant directement à un arbre de vie, véritable fusil de Tchekhov qui trouvera un écho hautement symbolique dans les derniers instants du métrage. La suite du récit verra Furiosa sortir de son monde pour poursuivre un parcours initiatique, faisant écho à celui de Mumble dans le 1er Happy Feet. Cependant, contrairement au manchot du film de 2006, l’enlèvement de Furiosa et la mort de sa mère, dans une crucifixion très Luis Buñuel, vont obliger Furiosa à une forme de mutisme. Par la suite, cette dernière nous apparait comme une sorte de Pietà, explorant avec ses tortionnaires la folie et les horreurs du monde, dont elle est témoin. Outre l’excellente prestation d’Alyla Browne, cette figure enfantine de Furiosa peut également être vue comme écho au personnage de Lynn dans le manga Hokuto no Ken aka Ken Le survivant. Une manière pour Miller d’émuler la création de Tetsuo Hara et Buronson, elle-même inspirée de la saga Mad Max. Cette 1ère partie est également l’occasion de faire connaissance avec Dementus. Bien que certains ont réduit ce nouvel antagoniste à un simili Jack Sparrow, il s’agit d’un personnage bien plus riche qu’il n’y parait. Une sorte de grand enfant, cherchant à montrer qu’il est un adulte en exaltant sa virilité et en galvanisant sa troupe, à travers un refus de l’émotion. Un antagoniste qui représente autant la masculinité toxique, avec le caractère infantile et pathétique qui caractérise ce schéma de pensée, que le nihilisme, fonctionnant sur une logique froide, refusant justement toute émotion, sensibilité et altruisme, qu’incarne Furiosa. Une opposition entre deux schémas de pensée philosophique, un des coeurs thématiques du récit, pas si éloigné de celui à l’oeuvre dans Matrix Revolutions ou le récent Everything Everywhere all At Once. Dans le rôle de Dementus, Chris Hemsworth s’avère particulièrement surprenant. Le comédien qui prouva chez Michael Mann de vraies capacités actorales, bien éloignée de ces pitreries dans le MCU, livre une prestation où le grandiloquent se dispute au pathétique dans lequel baigne son personnage. Un équilibre émotionnel fragile que le comédien parvient à maintenir durant tout le métrage, et qui en fait sa meilleure prestation à ce jour. Une sorte de miroir dégénéré du futur Immortan Joe, exposant ses failles au grand jour, à contrario de l’antagoniste de Fury Road, qui les dissimulait à travers son masque mortifère.

La rencontre entre ces deux figures négatives, et l’évasion de Furiosa qui s’en suit, permet au récit d’appuyer son ancrage dans le sous genre du film de vengeance. Alors que Fury Road prenait appui sur une course poursuite tributaire du dernier tiers de Mad Max 2: Le Défi, ce nouveau métrage propose quant à lui de revenir au fondement même de la saga, en convoquant ce sous genre qu’explorait Miller lorsqu’il entama la mise en chantier du 1er Mad Max dans les 70s. Cependant, fort de l’expérience et des réflexions qu’il a entrepris depuis plusieurs décennies sur la corrélation entre les mythes et récits à travers l’histoire, Miller va faire de la vengeance de Furiosa une relecture post-apocalyptique de celle d’Edmond Dantès dans Le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas et Auguste Maquet. Un être emprisonné pendant plusieurs années, qui après son évasion va se construire une nouvelle identité pour infiltrer les sphères du pouvoir dans lesquelles évoluent ses anciens tortionnaires, afin d’accomplir sa vengeance. La nouvelle identité est ici la confusion des genres qu’incarne Furiosa, en se faisant passer pour un garçon via son look de War Boy, tandis les manigances d’Immortan Joe et Dementus pour s’accaparer les richesses du Wasteland et maintenir les populations dans la terreur, rappellent celles à l’oeuvre chez les antagonistes de Monte-Cristo. Une dimension sociale que l’on retrouve également dans l’aspect prolétaire de Furiosa, une transporteuse de livraisons pour Immortan Joe. Au même titre que Le corps de mon ennemi, Old Boy et Lady Snowblood, Furiosa apparait comme une brillante relecture cinématographique du récit de Dumas et Maquet. C’est d’ailleurs du côté de Lady Snowblood, que l’on peut établir une nouvelle connexion, à travers son interprète principale : Anya Taylor-Joy. L’interprète du Jeu de la dame nous est dévoilée progressivement par Miller, dans une scène d’action faisant écho à la découverte du visage complet de Tom Hardy dans Fury Road. Prenant judicieusement ses distances avec la prestation de Charlize Theron, Anya Taylor-Joy impose une aura instantanément charismatique dans le cadre, grâce à l’incroyable expressivité de son regard jouant sur de multiples palettes d’émotions, la rapprochant fortement de l’actrice japonaise Meiko Kaji. Une filiation déjà présente dans Last Night in Soho où elle incarnait une figure vengeresse rappelant Sasori dans la franchise La Femme Scorpion. Furiosa est dans la continuité de cette thématique actorale. Les éléments narratifs et thématiques évoqués plus haut font de Furiosa le Lady Snowblood d’Anya Taylor-Joy, l’imposant définitivement comme une icône de la vengeance sur grand écran, dans la lignée des grandes figures du cinéma d’exploitation d’autrefois. À ce titre, la réactivation d’archétypes cinématographiques issus du cinéma populaire des années 60-70, et surtout le fait de les assumer, rapproche la démarche de Miller de celle entreprise récemment par Arun Matheswaran sur Captain Miller, où le charismatique Danush, embrassait totalement son statut de héros engagé et fédérateur hérité de Django.

Le parcours de Furiosa et sa relation avec Praetorian Jack joue sur un effet miroir avec le personnage de Max. Jack est assimilé, jusqu’à son physique, au personnage campé autrefois par Mel Gibson. Un passage de flambeau vis à vis de Furiosa, en plus d’être son égal. À tel point que Furiosa arborera un look qui convoque celui de Gibson dans Le dôme du tonnerre. Tandis que la nouvelle tragédie qui secouera Furiosa, la perte de son bras, amorçant sa stature iconique, fait écho au broyage du bras de Gibson dans le 1er volet de la saga. Une relation basée sur l’entraide et le collectif, qui trouve comme extrapolation les scènes d’action du film. Plutôt que de rejouer la carte promotionnelle du tout physique, alors que Fury Road débordait d’effets numériques, Miller assume de manière plus ostentatoire cette approche basée sur les nouvelles technologies, au point d’en faire la note d’intention de son récit. Les diverses courses poursuites étant l’occasion de démontrer l’hallucinante lisibilité de la mise en scène et l’incroyable travail autour de la spatialisation. Une approche tridimensionnelle de la réalisation, qui s’articule sur les effets numériques et une utilisation virtuose de la «caméra liberté », au point de réussir les partis pris récemment ratés par Jeong Byeong-gil dans le douloureux Carter. Une approche qui permet à Miller d’aller plus loin que dans Fury Road et de livrer des scènes d’action s’apparentant à de véritables ballets musicaux. En cela, difficile de n’a pas voir dans les morceaux de bravoures de Furiosa un pendant post-apocalyptique aux scènes d’action maritimes d’Avatar: La voie de l’eau. À l’instar de Cameron, cette approche musicale de l’action permet à Miller de dialoguer avec le cinéma de John Woo auquel il est difficile de ne pas penser, en particulier Les 3 Royaumes et À toute épreuve. Une approche qui permet au film de constituer une expérience hautement cinégénique et viscérale, qui ne faiblit jamais durant les 2H30 que durent le métrage. À cela vient s’ajouter la profondeur mythologique qui infuse le récit. Après l’introspectif Trois mille ans à t’attendre, Miller utilise Furiosa pour aborder les cycles récurrents qui agitent l’humanité et la condition humaine. L’attrait pour le chaos et la destruction, comme en témoigne la guerre que ce livrent les War Boys, mais d’où surgira toujours une note d’espoir, et la nécessité de s’engager. La pulsion de mort y côtoie la pulsion de vie tout au long du récit, jusqu’à sa conclusion hautement symbolique, et qui finit d’appuyer le personnage de Furiosa comme un véritable mythe du 7ème art, ainsi que l’incroyable réussite du long métrage,

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En résumé

À l’instar de James Cameron sur les diverses suites réalisées au cours de sa carrière, George Miller utilise ici le préquel pour enrichir considérablement son univers. Un film somme extraordinaire à plus d’un titre, dont la richesse frappe d’abord émotionnellement et viscéralement, avant de remonter au cerveau. Un long-métrage qui reste longtemps en tête après le visionnage. 
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Auteur

Rédacteur pour Monsieur Bobine et Furyosa. Co-auteur de "L'oeuvre des Wachowski - La matrice d'un art social" chez Third Editions.

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