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Il y a plus de 10 ans, Tsui Hark sortait Seven Swords, un film mutilé qui marquait son retour au wu xia pian « réaliste », 10 ans après The Blade. Une occasion pour lui de concrétiser un vieux projet et de faire oublier le mal-aimé Black Mask 2 sorti trois ans plus tôt. Première pierre d’un vaste projet qui ne s’est finalement jamais concrétisé, le mogul n’étant pas taillé pour l’exploration d’un même univers sur une période trop vaste, Seven Swords n’en reste pas moins une œuvre immense qui définit en 2h30 le terme « épique ».

Le projet Seven Swords, tel qu’il fut envisagé au départ, était de l’ordre du titanesque. En effet, en s’appuyant sur le récit « Les Sept épées du mont céleste » de Liang Yusheng, pure fresque wu xia publiée dans les années 50, il souhaitait créer quelque chose de colossal : une série de 6 ou 7 films, une série TV, une bande-dessinée et un jeu vidéo de type MMPORG. Un univers étendu qui prouve une nouvelle fois l’ambition démesurée du réalisateur, qui a rapidement préféré se lancer sur d’autres projets. La redite ne faisant pas vraiment partie de son vocabulaire, même s’il s’est déjà chargé d’une saga (4 films « Il était une fois en Chine », mais tous très différents), et sa volonté de toujours regarder vers l’avenir l’auront empêché de devenir le Peter Jackson chinois. A tel point qu’il aura même refusé de revenir sur le montage de Seven Swords, n’existant que dans cette version de 2h30, la proposition originale de 4 heures (le montage existe quelque part mais sa durée avait refroidi les cols blancs) étant condamnée à rester dans l’univers des fantasmes cinéphiles.

Mais avec une bonne heure et demi manquant au compteur, Seven Swords rejoint-il la famille de ces grands films mutilés, vénérés en partie pour leurs blessures ? Pas tout à fait, car Tsui Hark et Angie Lam ont fait un boulot magistral sur le montage afin de rendre l’ensemble tout à fait cohérent et jamais brouillon, ni même confus comme cela peut être le cas de certains films du cinéaste. La seul conséquence inévitable de ce type de traitement reste une forme de frustration face à des personnages dont le background n’est finalement pas très développé parfois, dont la présence à l’écran a clairement été sacrifiée ou dont le rôle véritable dans les enjeux du récit a été modifié. C’est une conséquence logique, car avec un récit aussi vaste et une bonne dizaine de personnages principaux essentiels aussi bien en terme de narration que de construction d’une mythologie, 2h30 ne peuvent être suffisantes. Cependant, si la frustration est de mise (l’exemple typique du personnage de Kualo, guerrière qui semble sortie d’un mix entre un wu xia pian et Mad Max 2, au potentiel cinématographique immense et qui se retrouve presque effacée après sa grosse scène d’introduction), le résultat final tient du miracle. Seven Swords ne développe peut-être pas la puissance des Sept samouraïs de Kurosawa, auquel il souhaite évidemment rendre un grand et noble hommage, mais il constitue un spectacle souvent étourdissant entre la tradition revisitée et un modernisme total. Et cela 10 ans tout juste après The Blade, qui redéfinissait déjà à peu près toutes les règles du WXP par son lyrisme barbare et son réalisme du chaos.

Ainsi, avec Seven Swords, Tsui Hark osait à nouveau redéfinir les règles, à une époque où le genre faisait tout pour draguer le public occidental à grands coups de lyrisme exotique du type Tigre et Dragon ou Hero. Tout l’inverse du cinéma virevoltant qu’il imposa au début des années 90 avec Il était une fois en Chine et ses combats câblés, et qui renaissait alors à l’aube des années 2000. Sauf que Tsui Hark est une locomotive et non un simple wagon, et quitte à ne pas trouver le succès commercial qu’il mérite il préfère explorer de nouveaux terrains plutôt que de suivre des courants. C’est précisément ce qu’il faisait avec Seven Swords, film à contre-courant sur à peu près tous les points, fresque guerrière et récit d’aventure dans lequel les sentiments ne sont jamais exacerbés outre-mesure, sans pathos, sans envolées lyriques. Un film porté par une forme de rage contrôlée et qui contient à nouveau la marque d’un cinéma engagé derrière le grand spectacle qu’il offre.

On ne le répètera jamais assez mais Tsui Hark est un grand cinéaste politique. Seven Swords prend pour cadre un village nommé « Martial Village » pris pour cible par une armée de mercenaires profitant d’un décret impérial interdisant la pratique des arts martiaux pour assassiner des pratiquants et récolter une récompense. Soit une atteinte criminelle à la liberté et à une des grandes valeurs culturelles et spirituelles chinoises. 2 ans avant la sortie du film, tout Hong Kong s’est soulevé en protestation face à la proposition de loi baptisée « article 23 » et qui portait atteinte à la liberté de réunion et d’association. Ce n’est pas un hasard. De la même façon, Tsui Hark truffe son film d’élément visant à égratigner la figure du pouvoir qui n’apparait que très tardivement dans le récit et de façon fugace, traduisant le temps d’une scène assez géniale son incapacité à contrer la manipulation et la prise de pouvoir symbolique des mercenaires menés par Fire-Wind. Corruption, trahison, peur de l’étranger, prolongation de traditions barbares… Seven Swords n’est pas tendre avec le pouvoir mais ne l’est pas beaucoup plus avec la représentation du peuple. Tsui Hark utilise très habilement certains motifs comme la suspicion grandissante envers la coréenne, ou la difficile rédemption d’un ancien molosse de l’état, afin de nuancer son propos et d’éviter un manichéisme béat. Le mal se cache dans toutes les strates de cette société, et le respect des traditions est une notion qui mérite également de la nuance : protéger les arts martiaux, oui, mais conserver la pendaison du premier individu soupçonné de trahison sans aucune forme de procès, non. L’héritage culturel est au centre de Seven Swords, peut-être plus encore que la lutte d’une poignée contre la masse militaire.

Ce n’est pas un hasard si ce sont les enfants, porteurs de tout l’espoir et de l’avenir, qui s’en sortent le mieux, après un noble combat. Ce n’est pas un hasard non plus s’il est question d’esclavage, de sociétés secrètes aux méthodes d’un autre temps, ou de répression de mouvements par l’artillerie moderne. Seven Swords en raconte énormément sur la Chine et son héritage, le tout emballé à la façon d’une fresque guerrière d’un genre nouveau. Symbolique en diable, le film s’articule atour de sept épées, toutes dessinées par Tsui Hark, représentant chacune une philosophie en accord parfait avec celui ou celle qui la porte. Elles donnent naissance à des chorégraphies particulières, chaque combat se pliant aux nécessités de chaque arme en terme de mouvement, de vitesse et de puissance. Des combats réglées par Stephen Tung, le regretté Liu Chia-liang (ses derniers travaux en tant qu’action director et sa dernier rôle au cinéma) et Xiong Xin-Xin, le bad guy de The Blade qui trouve son héritier en la personne de Tai Li-wu.

Chaque scène d’action tient du morceau de bravoure pur et dur. Tsui Hark est à la recherche d’une forme d’épure, limite énormément les mouvements par câble, et retrouve ainsi la puissance des combats de The Blade. La brutalité est de mise, les coups font mal, les membres volent à chaque coups d’épée, et les mouvements de caméra touchent à la perfection au niveau de la captation des mouvements des combattants. Seven Swords contient des scènes de combat qui restent inégalées (le combat mettant en scène Donnie Yen et Leon Lai contre Sun Hong-Lei, avec notamment une partie entre deux murs, est tout simplement époustouflant) et plus globalement des séquences d’action d’une intelligence remarquable dans leur construction et leur montage, parfaitement lisible malgré l’énergie qui les anime. Il y a quelque chose de très beau dans l’approche graphique de Seven Swords, qui tente de définir des personnages par leurs mouvements et leur façon de combattre (ou d’appréhender le combat, de s’y former) plutôt que par des longs discours, limités ici à une poignée de courts flashbacks lors du dernier acte. Une vraie proposition de cinéma en somme, un cinéma bien plus subversif qu’il n’y parait, cherchant à torpiller le système en revenant quelque part à ses sources les plus pures. Tsui Hark y renoue avec une mise en scène viscérale, organique, chaque cadre et chaque mouvement se pliant à la volonté des armes électrisant le cadre.

La mise en scène alterne ainsi fluidité et brutalité, mouvements coulés ou heurtés, en osmose parfaite avec l’action se déroulant dans le cadre. Aucun artifice ou effet gratuit, les ralentis étant utilisés à la manière de ceux de Sam Peckinpah quand les grands mouvements de grue sont là pour dégager un regard nouveau sur le lieu de l’action et non pour en mettre plein la vue. Et Seven Swords est également une œuvre complexe sur les rapports humains, avec des romances contrariées authentiques, une volonté d’émancipation marquée, tout en s’imposant comme une ode à l’héroïsme pluriel, via une collection de portraits apportant chacun une pierre à un édifice bien plus vaste, entre tradition et modernité. Un héroïsme pur, porté autant par le découpage, les prestations de tous ces acteurs formidables, que par la composition du grand Kenji Kawaï, dont le travail sur Avalon a convaincu Tsui Hark qu’il était l’homme de la situation pour mettre en musique sa fresque. Un film mutilé donc, dont il manque des éléments, mais qui ne souffre pas tant que ça de ses mutilations et s’impose comme une pièce essentielle du wu xian pian moderne, à la fois brut, épique et poétique.

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En résumé

Il y a plus de 10 ans, Tsui Hark sortait Seven Swords, un film mutilé qui marquait son retour au wu xia pian « réaliste », 10 ans après The Blade. Une occasion pour lui de concrétiser un vieux projet et de faire oublier le mal-aimé Black Mask 2 sorti trois ans plus tôt. Première pierre d’un vaste projet qui ne s’est finalement jamais concrétisé, le mogul n’étant pas taillé pour l’exploration d’un même univers sur une période trop vaste, Seven Swords n’en reste pas moins une œuvre immense qui définit en 2h30 le terme « épique ».Le projet Seven Swords, tel qu’il fut envisagé au départ, était de l’ordre du titanesque. En effet, en s’appuyant sur le récit « Les Sept
8.5
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