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Pionnier du « spinoff » dans la saga Star Wars de l’ère Disney, Rogue One aura sérieusement fait parler de lui, pour de bonnes et mauvaises raisons. Aujourd’hui, cette aventure se déploie sur grand écran et s’avère être d’une efficacité redoutable, pour convaincre les déçus de l’épisode VII. Une entreprise qui parfois ressemble beaucoup à l’œuvre de Gareth Edwards, parfois beaucoup moins, et dont l’objectif premier est de proposer un spectacle un brin original dans un cadre trop rigide. Une mission en partie remplie, mais à laquelle il manque l’essentiel.

L’aventure du spinoff dans l’univers Star Wars est une vieille histoire. Dans les années 80, Lucasfilm capitalisait déjà sur le Retour du Jedi pour livrer deux films consacrés aux créatures les plus insupportables de l’univers, les ewoks, avec notamment La Bataille pour Endor. Des produits sans grand intérêt mais qui ont sans doute permis d’écouler le stock de peluches. Aujourd’hui, les choses ont évolué et les acheteurs potentiels de produits dérivés n’ont plus nécessairement 10 ans. Rogue One, premier des « A Star Wars Story », transpire la volonté d’un Star Wars « adulte ». A savoir que le film est tout gris, qu’il est question de guerre, d’apocalypse atomique, de sacrifice, et que jamais dans un film Star Wars autant de personnages centraux ne survivront pas au récit. Noble intention que de profiter du spinoff pour faire évoluer l’esthétique et les tonalités de la saga vers de nouveaux horizons. Premier problème : avec pour unique enjeu le vol des plans de la célèbre étoile noire, Rogue One n’a rien d’un film façon électron libre et ressemble plus à un épisode III.5 qu’à un spinoff. Ce qui se traduit logiquement dans la narration par un récit qui doit sans cesse se reconnecter avec l’épisode de 1977 plutôt que de prendre l’ampleur qu’il méritait. Le cadre est trop serré pour Gareth Edwards dont la frustration est palpable tant cet univers mérite un tout autre type d’exploration. C’est probablement là que sont intervenus les frères Gilroy, avec Tony à l’écriture et aux reshoots, et John au montage.

Car les obsessions de Gareth Edwards, qui se sont déjà clairement exprimées dans Monsters ET dans Godzilla, restent présentes. Ce qui fait de Rogue One un produit certes, mais qui ne tente pas de vaporiser la patte d’un auteur. On retrouve ainsi ce goût pour une mise en scène caméra à l’épaule à la fois douce et heurtée, une angoisse évidente vis-à-vis du risque d’une apocalypse nucléaire, des tonalités blafardes et très mélancoliques, et ce sens du spectaculaire discret, qui doit cependant vite s’effacer ici car bien sur, c’est un Star Wars. Il manque pourtant l’essentiel de ce qui fait la force de son cinéma : l’émotion. Celle qui se faufile contre toute attente. Celle qui nait naturellement entre des personnages en quelques minutes. Il y a dans Rogue One, et ce jusqu’au final, des séquences pensées et construites comme extrêmement dramatiques. Tout est réuni, du cadre à la musique (partition puissante mais pas mémorable de Michael Giacchino qui peine à s’affranchir de John Williams), en passant par des acteurs dans l’ensemble très bons et bien évidemment le récit qui regorge de moments censés être bouleversants. Pourtant, ça ne fonctionne jamais. Beaucoup de personnages visiblement majeurs vont mourir, mais à part pour un seul, l’implication émotionnelle est nulle. On touche là au cœur du problème de Rogue One. C’est un film qui sort ses gros bras pour montrer qu’il a la volonté de faire des grandes choses, mais qui ne s’en donne pas les moyens, en négligeant la base : des personnages solides et attachants. On pourra comparer le film à tous les classiques qu’on voudra, qu’il s’agisse de films de guerre ou d’infiltration, à aucun moment il ne leur arrive à la cheville – et cela est également valable si on le compare à Un Nouvel espoir et plus encore à L’empire contre-attaque – car il échoue à définir correctement des personnages. Tous ne sont que des fonctions, ils n’interagissent parfois jamais ensemble et s’il y en a un qui meurt, cela n’a aucune incidence.

Ce manque d’émotion ruine toute possibilité d’identification, ce qui place irrémédiablement le spectateur à distance du récit. C’est d’autant plus dommage que ce Rogue One ne manque pas d’idées lorsqu’il s’agit de développer un propos sur la résistance, au sens large mais également en faisant écho aux mouvements résistants en période de guerre. Ou même lorsqu’il traite directement la guerre moderne, pas dans un dernier acte ultra spectaculaire mais finalement assez convenu, mais plutôt sur la planète Jedha avec un mode de guérilla urbaine et des attaques ciblées à l’explosif. Un écho troublant à des évènements bien contemporains. De la même façon, il y a au centre du récit un personnage de jeune femme qui a tout pour devenir une héroïne moderne. Sauf qu’elle est écrite n’importe comment et que l’interprétation de Felicity Jones, bouleversante dans Quelques minutes après minuit, n’est vraiment pas à la hauteur. Sans charisme ni puissance lorsqu’elle doit agir en leader (d’une équipe de pantins tant aucun membre n’existe en dehors du petit groupe principal), elle manque cruellement de présence et d’implication, et ne dégage aucune émotion lors d’une séquence qui aurait dû être bouleversante. Comme s’il fallait expédier toutes les émotions pour vite filer vers la bataille finale qui en met plein les yeux.

Donnie Yen dans Rogue One

Vite, ou pas tout à fait, dans la mesure où le premier acte du film se traine tout de même. Et ce n’est pas comme s’il prenait son temps pour construire des personnages. Il traine juste pour trainer, une fois passée une séquence d’ouverture pourtant très réussie. Rogue One est clairement conçu comme un « film de commando », façon Les canons de Navarone ou Quand les aigles attaquent. Une belle idée en théorie, à laquelle manque cruellement une cohésion entre les membres du commando en question. Avec un leader qui peine à s’imposer, un second assez flou (Diego Luna, très bon dans un personnage pas assez ambigu malgré une scène-clé assez forte), un droïde qui rejoue le sidekick robotisé mais en mode cynique assez drôle, un pilote rescapé dont la relation avec son donneur d’ordre mais jamais suffisamment exploitée (excellent Riz Ahmed) et deux guerriers chinois. C’est de leur côté que se situent les personnages les plus intéressants, les plus travaillés. Donnie Yen est étonnant dans une variation de Zatoichi, apportant un peu de spiritualité à un récit qui reste bien trop près du sol, et prenant visiblement beaucoup de plaisir à dézinguer du stormtrooper avec son bâton. Jiang Wen est plus en retrait mais le mélange de sagesse et de rage qui émane de son personnage est assez passionnant. Une équipe multiculturelle, menée par une femme. Là encore l’idée est belle sur le plan symbolique (ne soyons pas cyniques au point de n’y voir qu’une opération marketing, même si…)  mais incroyablement sous-exploitée, principalement à cause de personnages écrits de façon mécanique et ne sortant à peu près jamais du cadre.

Dommage car Rogue One possède quelques morceaux de bravoure assez mémorables. Le dernier acte, évidemment, car s’il ne réinvente rien a le mérite de proposer une longue séquence guerrière, brutale et désespérée. Quelques plans iconiques, une dose conséquente de tension grâce à un montage efficace, et des enjeux bien définis. La lumière de fin du monde composée par l’excellent Greig Fraser n’est pas étrangère à l’efficacité de l’ensemble. La mise en scène très énergique de Gareth Edwards fait des petits miracles dans ce dernier acte, mille fois plus que dans tout ce qui précède tant il reste dans de l’illustratif peu inspiré. Impossible pour lui de transcender des séquences montées mollement, notamment lors de la présentation des différents personnages. On passera rapidement sur les différents clins d’œils à la saga originelle, tant ils ne présentent que peu d’intérêt. Exception faite d’une version numérique assez troublante de Peter Cushing qui fait revivre le Grand Moff Tarkin et, surtout, d’un retour de Dark Vador. Le plus époustouflant bad guy de l’histoire du cinéma n’apparait que trop peu mais vampirise le film et se paye même le luxe de briller dans la plus incroyable séquence de tout Rogue One. Un morceau de sauvagerie un brin nostalgique. Il y a vraiment de quoi avoir des regrets face à ce spectacle de bon niveau, plutôt dans le haut du panier des blockbusters de l’année, mais qui gâche son immense potentiel par une écriture qui fait fausse route, à moins que cela ne soit par la nature même de ce projet.

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Auteur

Gigantesque blaireau qui écrit des papiers de 50000 signes absolument illisibles de beaufitude et d'illettrisme, d'après Vincent Malausa.

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