Il est minuit passé, James Cameron a terminé la production de son premier film. Terminator est enfin dans la boite. Michael Biehn décide d’aller voir son boss pour lui souhaiter bonne nuit. Il rentre dans le bureau du réalisateur au style minimaliste et le voit agiter son crayon sur le papier tout en mangeant des crackers au fromage. « Tu rentres pas Jim ?» demande Biehn. Et au réalisateur de répondre : « Non, j’ai ce script, la suite d’Alien, que je dois rendre au plus tard pour 12h30. » Aliens était déjà sur les rails et s’avère être le deuxième long métrage de James Cameron.
Aliens est le film que je rêvais de voir quand j’avais 14 ans.
James Cameron, fanboy de la première heure, voue un culte au film de Ridley Scott sorti en 1979 : Alien. Le projet se transforme vite en aubaine. Le cinéaste a d’abord fait lire les 90 premières pages de son scénario à la Fox qui adhère rapidement à ses idées. Le studio aime le script de Cameron et attend que ce dernier termine son Terminator. Puis direction l’Angleterre dans les studios de Pinewood pour Jim et sa productrice Gale Anne Hurd ainsi que le reste de l’équipe. Les problèmes n’allaient pas tarder à affluer (le tournage le plus chaotique de toute sa carrière), mais le premier souci de Cameron était celui-ci : Comment battre un classique ? Il lui fallait creuser et trouver quelque chose de parfait tout en payant hommage au film original sans passer pour un fan. Faire une suite est un dilemme, surtout sept ans après. Aliens se devait d’être spectaculaire et devait impérativement offrir des éléments inédits.

En écrivant son scénario, le réalisateur de Terminator avait le personnage d’Ellen Ripley en tête. Il était évident que cette héroïne serait d’office au sein de l’intrigue. A l’époque, tout le monde pensait que le film allait se faire sans Sigourney Weaver, des problèmes de contrat et d’augmentation dans l’air. Mais Cameron et Hurd se sont battus pour qu’elle soit mieux payée (elle obtient 1 million de plus que son précèdent cachet). L’actrice charismatique était une star désormais. Son rôle était un facteur important pour l’histoire. Il y a plusieurs choses qui ont été faites avec le personnage de Ripley dans Aliens – le retour qui n’avaient pas été explorées avec Alien. Aux yeux du réalisateur, une femme est plus intéressante au point de vue dramatique. L’homme fort intéresse moins Jim, du déjà vu et très cliché. Un homme faible en revanche sera intéressant à ses yeux car personne ne l’a fait 100 fois. Et en se penchant sur cette idée, Cameron renforce le personnage féminin.

Les films de science-fiction avec des militaires ne sont pas une nouveauté en 1986. Star Wars par exemple dévoilait une bande de Storm Troopers. Mais il y a une différence pour Aliens, les soldats ont l’air de débarquer tout droit du Vietnam. Le film est d’ailleurs une métaphore de cette guerre. Pour exacerber l’ambiance de troupe, les dialogues sont imprégnés des films de guerre des années 40 et 50. L’auteur a capté l’essence dramatique que l’on trouve dans ces œuvres, il a également étudié le langage des soldats. Le jargon bien spécifique a été incorporé dans Aliens pour que cela ressemble à une vraie expédition militaire pour ensuite les opposer à la haute technologie ou aux éléments futuristes. James Cameron voulait créer un environnement réaliste plutôt que futuriste. Et bien sûr, pour être fidèle au monde des combattants, l’humour règne royalement dans les dialogues. On aborde une confrérie d’acteurs et en même temps leurs attitudes nous permettent de nous attacher à eux. Cela rendra leur disparition difficile.

Le paramètre majeur d’Aliens est la tension. L’ambiance est claustrophobique. L’espace dans lequel évoluent les personnages possède de multiples coins et recoins fermés. La peur de tomber nez à nez avec un xenomorphe est bien présente. Ajoutez à cela un extérieur primaire, froid et pluvieux qui ne ressemble pas vraiment à la Terre. La lumières et les couleurs sont hostiles, même la roche semble torturée. L’idée de départ n’était pas de faire un film effrayant, et au final Aliens ne l’est pas tant que ça. L’exaltation provient de l’action et de l’intrigue. Et le fait que cette suite soit la revanche de Ripley, ce concept excite beaucoup plus.

Ellen Ripley ne retourne pas sur cette planète pour l’argent, c’est plutôt psychologique. Le personnage voit sa vie gâchée par les cauchemars en début de film. Revenir sur ses pas l’aide à exorciser ses démons, elle est un peu comme ces soldats qui retournent au combat. Sigourney Weaver est comme Cendrillon avec sa chaussure de verre, le rôle était taillé spécialement pour elle. La plupart des spectateurs se souviendront de cette Ellen Ripley. L’actrice se verra nommée pour la première fois aux Oscars grâce à cette performance. Et si ce personnage est formidablement bien écrit, Cameron n’en oublie pas moins le reste de l’équipe. Aliens – le retour est une preuve qu’il est possible de rendre plus d’un acteur intéressant à l’écran. Les personnages ont chacun leur personnalité et le spectateur se surprend à avoir son soldat favori. Un peu comme une bande de super-héros.

Face à Ripley, une autre protagoniste féminine et cette fois inédite : la reine des aliens. Inspirée du design de Giger, James Cameron a conçu ce monstre avec Stan Winston. Il a réalisé le dessin et Winston l’a sculpté. Le but était de créer un personnage anthropomorphique, on voit facilement que ce n’est pas une personne dans un costume. La performance passe par là également. L’audience y croit car aucun humain n’habite la bête. L’idée rend la reine terriblement charismatique car elle est perçue comme une créature vivante.

Aliens – le retour triomphe grâce aux soucis du détail, technique ou pas. Une équipe d’acteurs bien préparés. Un scénario lisible et doté d’un certain relief. Des influences profondes (Sahara, Les Douze Salopards…) Et surtout, un personnage principal fascinant. Nous sommes emmenés directement dans son esprit, Aliens se vit à travers ses yeux. Ripley est un peu notre avatar.
Aliens a eu un gros impact financier sur les studios Fox. Le chef marketing de l’époque (Tom Sherak) a avoué que le film a quelque peu sauvé la compagnie. Le second opus de James Cameron laissera d’autres empreintes dans le cinéma ou les jeux vidéo. Les fans de la saga ont en général une préférence pour ce volet, et… on ne va pas les contredire.