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Après son second long-métrage Hard Day, qui lui a permis de s’imposer sur la scène internationale, Kim Seong-hoon confirme tous les espoirs qu’il avait pu susciter avec Tunnel, un film catastrophe follement original qui avait brillamment ouvert la 11ème édition du Festival du Cinéma Coréen à Paris.

Grâce à sa première moitié assez exceptionnelle, Hard Day imposait Kim Seong-hoon comme une sorte d’héritier un peu foufou à Bong Joon-ho, à savoir un auteur capable d’aborder un cinéma de genre populaire en lui insufflant habilement un propos fort engagé. Avec Tunnel, son troisième long-métrage, il confirme cette sensation et signe une œuvre majoritairement en huis clos qui manie avec une maîtrise assez folle le mélange des genres. Tunnel s’inscrit dans la dynamique du film catastrophe, genre très balisé avec un accident, une phase de sauvetage, etc… Mais chez Kim Seong-hoon, la structure explose. En effet, le premier choc pour le spectateur n’est pas la catastrophe elle-même mais vient d’une exposition réduite au strict minimum. Quelques minutes à peine et le tunnel du titre vient s’écrouler sur le pauvre Lee Jung-soo, sans que rien n’ait été mis en place concernant la caractérisation du personnage ou les divers enjeux du récit. Une approche à risques en terme d’identification, ou tout simplement pour créer de l’empathie. Osée, l’idée s’avère assez formidable.

C’est ainsi face à la catastrophe et ses conséquences que se dessinera le portrait de cet homme. Dans les pires conditions possibles, littéralement mis à nu. Kim Seong-hoon prend ainsi à revers nombre de conventions pour mieux bâtir sa propre grammaire cinématographique. Un choix qui s’avère payant dans la mesure où du côté du spectateur, ce personnage va finir par devenir extrêmement proche, de sorte que son destin aura inévitablement un fort impact émotionnel. Et s’il s’autorise de nombreuses sorties du tunnel afin d’étoffer son discours pour ne pas rester uniquement dans un film de survie, Kim Seong-hoon s’impose tout de même d’importantes contraintes avec les 3/4 de son film se déroulant dans l’espace plus que restreint d’une berline à moitié écrasée par une masse de béton et d’acier. Et dans cet espace, il développe une mise en scène complexe au niveau des axes de caméra qui évite toute monotonie. Il crée un important contraste entre ce que va vivre cet homme coincé dans la quasi-obscurité et le monde extérieur qui s’agite pour le sortir de là. Cela crée notamment des phases de respiration essentielles car son objectif n’est pas de livrer un film claustrophobique ou trop dramatique. Il est bien plus malin que ça et va asséner un discours très fort, très engagé, par la voie royale de la comédie.

Adepte du mélange des genres comme en attestait déjà Hard Day, Kim Seong-hoon va traiter ce drame à priori très lourd en alternant entre le destin de l’homme et les différentes phases extérieures. Et il fait de son Tunnel une profonde métaphore sur la gestion calamiteuse d’une catastrophe, en se parant d’un humour génial. De quoi lui permettre, en le ridiculisant gaiement, une critique acerbe de tout un système. Des services de secours, en pointant une sérieuse incompétence, à la récupération politique, en passant par l’inhumanité des grandes entreprises de travaux publics et l’absence de déontologie d’une presse prête à tout et avide de sang. Le portrait qu’il dresse des institutions coréennes n’est pas glorieux. Mais il va plus loin que les frontières de son pays comme en témoignent les ponts possibles entre cette fiction et le traitement politico-médiatique de certaines catastrophes internationales bien réelles.

Il tape allègrement sur tout ce qui ne met pas l’humain en priorité et son film s’avère ainsi salvateur, rapprochant ainsi un peu plus Kim Seong-hoon du maître coréen en la matière : Bong Joon-ho. Mais cet aspect engagé ne prend jamais le pas sur son histoire. Ainsi, il livre un survival intense et pousse son personnage principal dans ses derniers retranchement, via quelques éléments assez inattendus. Il joue habilement sur l’ascenseur émotionnel en alternant des phases émotionnellement très lourdes, très puissantes, et d’autres pleines de légèreté et d’humour. L’ensemble s’avère aussi impressionnant que touchant, et sans donner une impression d’un trop plein de dramaturgie. Techniquement irréprochable, Tunnel bénéficie d’une mise en scène toujours au service de son propos. Les séquences de pure « catastrophe », de l’effondrement inaugural aux évènements suivants, sont d’une efficacité redoutable. Et ce qu’il s’agisse d’impressionner ou de créer une angoisse à travers une mécanique proche du cinéma horrifique. Mais le film doit également énormément à son trio d’acteurs principaux.

En tête, Ha Jeong-woo, qui après un début de carrière dans un cinéma d’auteur assez exigeant, notamment chez Kim Ki-duk, s’impose année après année comme une valeur sure associée à des films très importants, de The Chaser au magnifique Mademoiselle, en passant par The Murderer ou The Assassination. Il porte Tunnel sur ses épaules qui n’ont jamais paru aussi larges, apportant d’importantes nuances à un personnage poussé à bout. Et il est plutôt bien entouré avec la toujours excellente Bae Doona, sans cesse à la lisière entre le rire et les larmes, et Oh Dal-soo, l’indispensable second rôle également dans une composition pleine de nuances, incarnant sans sourciller la révolte inaudible comme la candeur comique. Il apparait évident qu’avec Tunnel, film qui jongle entre les genres avec maestria, Kim Seong-hoon pose les jalons d’une carrière qui s’annonce exceptionnelle.

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Auteur

Gigantesque blaireau qui écrit des papiers de 50000 signes absolument illisibles de beaufitude et d'illettrisme, d'après Vincent Malausa.

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