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Il était une fois en Chine – Critique

Dans sa vaste entreprise consistant à revisiter les grands thèmes classiques de la culture populaire chinoise, Tsui Hark s’est mis en tête au début des années 90 de se pencher sur le cas de Wong Fei-Hung. Un personnage historique passé au statut de légende, qui a eu droit à plus d’une centaine de films, et qui, devant la caméra virevoltante du mogul de Hong Kong, se payait une cure de jouvence mémorable. A l’arrivée, Il était une fois en Chine s’impose non seulement comme un des films les plus ouvertement politisés de Tsui Hark, mais également comme une œuvre révolutionnaire, qui pulvérisa à jamais les codes du kung fu pian ((film de kung-fu)).

Wong Fei-Hung est une véritable icône de la culture populaire chinoise. Maître en hung-gar, acupuncteur, révolutionnaire, la légende qui s’est formée autour de son personnage historique en a fait un leader martial de la résistance chinoise face à l’envahisseur japonais au XIXème siècle. Avec une telle aura, le cinéma s’en est évidemment emparé pour en faire un de ses héros les plus populaires. Et plusieurs acteurs de légende lui ont prêté leur visage, à l’image de Jackie Chan, Gordon Liu, Kwan Tak-hing et donc Jet Li, qui a activement participé à l’entreprise de modernisation du mythe engagée par Tsui Hark pour sa série des Il était une fois en Chine. Une série qui aboutira d’ailleurs sur une brouille entre les deux hommes qui durera près de 20 ans.

L’idée de Tsui Hark est simple, brillante. Faire appel à un acteur et artiste martial au potentiel immense pour l’ériger en icône de la culture populaire, tout en proposant une relecture extrêmement novatrice du mythe, et accessoirement d’imposer une nouvelle forme du cinéma de kung fu, qui en ressortira à jamais transformé. 25 ans plus tard, Il était une fois en Chine reste une référence fondamentale, en particulier pour sa gestion des combats. Tout le projet transpire la cohérence totale, dans la mesure où le propos, fièrement nationaliste et révolutionnaire, s’accorde miraculeusement avec une forme en tous points révolutionnaire. Mais une révolution intelligente, qui s’appuie sur l’importance des traditions plutôt que d’en faire table rase. L’introduction est à ce titre particulièrement parlante, avec et entraînement de pratiquants d’arts martiaux, qu’on a vu mille fois par le passé dans le cinéma chinois, mais qui se drape ici dans un environnement inédit, une plage sous un soleil levant. C’est une nouvelle génération qui se lève sous un nouveau jour. Une génération dans laquelle Wong Fei-hung restera ce maître à penser et expert sans égal, mais qui mettra en avant l’homme derrière le mythe, illustrant de véritables failles et notamment une vraie et tendre tendance à la naïveté.

Mais le mythe reste présent. Chaque apparition, chaque mention de son nom, est accompagnée d’un traitement qui en fait un héros, une figure populaire se situant en marge du peuple auquel il dédie son existence. Cela passe aussi bien par les choix de cadre, les angles adoptés, ou le montage, que par les choix musicaux et notamment la relecture du morceau musical traditionnellement lié à Wong Fei-hung (« On the General’s Orders ») par James Wong qui, en y joignant des paroles, en a fait un hit populaire immédiat. Ce héros, il représente un être hybride, un pont entre les civilisations, un lien entre l’Orient et l’Occident, gardien du temple des traditions suffisamment intelligent pour s’ouvrir au monde moderne, tout en le remettant en cause. Il est concrètement le personnage le plus lucide, le sage, celui qui ne refuse pas tout en bloc mais n’embrasse pas non plus la modernité les yeux fermés. Il est également l’humain, fort comme un roc mais faillible, leader d’un peuple mais avec la dose de naïveté nécessaire pour en faire quelqu’un d’attachant.

Ainsi, si tout le film est porté par un Jet Li impérial, qui aura rarement atteint ce niveau par la suite, faisant parfaitement corps avec son personnage, il ne serait rien sans une impressionnante galerie de personnages secondaires. La « tante » qui revient d’Angleterre, campée par Rosamund Kwan et qui sert à la fois de symbole de la Chine s’abreuvant de la technologie et de la mode occidentale, et de faire-valoir amoureux pour le héros, donnant lieu à nombre de séquences à l’humour enfantin. Également, l’idiot incarné par Yuen Biao, qui retrouve un rôle dans la veine de ce qu’il faisait avec ses « frères » Jackie Chan et Sammo Hung dans les années 80, couplé au maître en arts martiaux conservateur incarné par Yen Shi-Kwan. Ce dernier représente une sorte de personnage anachronique, dont le seul objectif est de devenir le meilleur combattant. Une façon pour Tsui Hark d’intégrer ce type de personnage traditionnel du film de kung-fu, à côté de la présence de quelques acteurs emblématiques du genre (Wu Ma, Yuen Cheung-Yan…). On se situe toujours dans une balance entre une approche très traditionnelle par l’inclusion de motifs bien connus, et un regard clairement moderne, voire carrément novateur ou révolutionnaire. Révolutionnaire dans le propos ouvertement politique qui aborde frontalement la place de Hong Kong face à l’Occident et les mouvements culturels qui en découlent, la peur de l’autre (les esclaves chinois des américains), l’identité de cet état mutant au carrefour de nombreux courants et qui s’en est toujours abreuvé. Mais révolutionnaire, avant tout, dans son traitement qui transcende littéralement le propos. Il faut garder en tête que Tsui Hark est un enfant du Vietnam ayant migré à Hong Kong, ayant été formé aux USA, avant de revenir à HK. Les tonalités cosmopolites qui agitent Il était une fois en Chine et son discours sont donc en prise directe sur l’existence de son auteur.

Le questionnement identitaire permanent d’Il était une fois en Chine, film tiraillé entre l’Orient et l’Occident, qui n’hésite pas à montrer frontalement une armée tirer sur des citoyens innocents, ainsi que sa réflexion sur la nature des arts martiaux, entraînent une gestion évidemment particulière des scènes de combat. Chaque affrontement est motivé par un duel moral, politique ou spirituel, et sert donc le récit. Ces combats bénéficient de l’immense science en la matière de chorégraphes et action directors qui auront marqué l’histoire, dont Yuen Woo-ping. Il livre des chorégraphies exceptionnelles d’inventivité, chaque mouvement traduisant un parcours spirituel chez les protagonistes, tout en utilisant merveilleusement des décors variés. Ces combats sont évidemment sublimés par la mise en scène virevoltante de Tsui Hark qui malmène la grammaire cinématographique classique pour mieux créer son propre langage visuel. Cela passe autant par la construction de ses plans que leur agencement via un découpage qui brutalise les notions classiques et se montre ainsi, à sa manière, totalement révolutionnaire. A l’arrivée, un hit, un classique en puissance, un film drôle, profond, mais qui n’oublie jamais d’être extrêmement spectaculaire. Le choc fut tellement fort que ses combats surréalistes et câblés, avec des personnages virevoltants, s’imposera comme le standard du cinéma d’action venu de Hong Kong. Une révolution qui doit évidemment beaucoup aux capacités martiales hors du commun de Jet Li qui s’imposa alors comme LA superstar du genre pour une dizaine d’années, avant d’aller faire le guignol aux USA.

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Auteur

Gigantesque blaireau qui écrit des papiers de 50000 signes absolument illisibles de beaufitude et d'illettrisme, d'après Vincent Malausa.

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