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Souvenirs de Cinéma #50 : Alexandra Mignien

Aujourd’hui c’est Alexandra Mignien, monteuse et réalisatrice de plusieurs courts métrages allant du drame social au cinéma d’horreur, et lauréate de plusieurs prix dans divers festivals qui revient sur son parcours éclectique. D’une projection décisive dans l’enfance jusqu’à ses récents travaux, en passant par son adolescence cinéphile. Retour sur la passion d’une vie. 

Si je devais choisir un souvenir bien précis et ancré dans ma mémoire de ce que représente le cinéma pour moi, ça serait une odeur. L’odeur du cinéma UGC ciné cité de Rosny 2 dans le 93. Quand j’étais jeune, le cinéma c’était un luxe qu’on ne pouvait pas se permettre très souvent, ce qui rendait l’expérience assez mystique en soi. À mes 11 ans, sort le 1er film Harry Potter. Je suis fan des livres depuis leurs sorties en France et rien ne pourra jamais égaler l’excitation que j’ai ressentie le jour où je suis allée au cinéma, à la première séance du matin, pour voir ce film. C’est ce jour-là, dans ce cinéma-là, que l’odeur s’est imprégnée dans mon cerveau. Une odeur de pop-corn froid, de bonbons et de moquette. Ça n’a pas l’air très glamour dit comme ça mais je vous jure que c’est la meilleure odeur du monde ! C’est cette odeur, mélangée à l’émerveillement devant le film, qui font que, quand je suis ressortie de la séance, je savais. Je savais que c’était ce que je voulais faire de ma vie. Je voulais provoquer ce genre d’émotion. Je voulais que mon travail soit projeté dans une salle remplie de gens qui riraient tous au même moment, qui pleureraient tous ensemble, sans se parler, juste vivre une expérience d’émotions collectives. 

Dans mon collège, ma passion du cinéma n’était pas très bien vue. À l’époque où les autres filles commençaient à se maquiller et à s’intéresser aux garçons, moi je dépensais mon peu d’argent de poche dans des magazines Ciné Live, Première etc… Je développais ma culture ciné toute seule, en allant au Vidéo Futur en bas de chez moi et avec la complicité du vendeur, qui n’était pas très regardant sur l’âge minimum requis de certains films, j’ai pu découvrir des classiques de l’horreur : Evil Dead, Massacre à la tronçonneuse, Lexorciste (celui là j’aurais surement dû attendre un peu plus avant de le voir…) Mais une chose est sûre, à l’époque où tout le monde bavait sur Titanic, moi j’aimais déjà les thrillers psychologiques, les slashers et l’hémoglobine. 

On me traitait de “looseuse” dans la cour de récré, mais honnêtement, ça ne me touchait pas plus que ça, parce que j’avais un but et une passion. Un jour, ma prof de maths est venue me voir pour me montrer un flyer qu’ils avaient reçu en salle des profs : un prospectus pour une journée porte ouverte d’un lycée option cinéma à St Denis. Je ne remercierai jamais assez cette prof parce que sans elle, j’aurai sûrement finie dans mon lycée de quartier sans jamais avoir eu connaissance qu’une option cinéma existait quelque part. Quand je suis allée à cette journée porte ouverte, c’était incroyable, il y avait des posters de films dans les couloirs et dans les salles de classe. Dans une des salles, il y avait un poster de La 25ème heure de Spike Lee, un de mes films préférés, que j’avais découvert par hasard un an plus tôt dans un bac du vidéo club, mais j’avais jamais entendue personne d’autres en parler, je croyais être la seule personne sur terre à avoir vue ce film. J’ai su tout de suite que c’était l’endroit où je devais être, que là je serai à ma place. 

Et ça a été le cas, j’ai fait des études d’audiovisuel avec des gens qui partageaient la même passion pour le cinéma que moi et j’ai enchainé dans le même établissement sur un BTS montage et post-production. Quand j’ai fini mes études, ils ont décroché le poster de La 25ème heure pour me l’offrir. Il est encore aujourd’hui, accroché dans mon appartement. 

À 18 ans, j’ai vécu ma première grosse rupture amoureuse, celle qui fait bien mal. Je me suis enfermée chez moi pendant une semaine, impossible de sortir ni de voir des gens, je ne pouvais que regarder des films. Mais pas n’importe quels films ! Il fallait des films sans aucune histoire d’amour (ou, si il y avait de l’amour, il fallait que ça finisse mal) et je voulais ressentir des émotions fortes. J’ai donc décidé de ne regarder que des films d’horreur. J’ai enchaîné pendant des jours l’intégralité de Romero, de Carpenter, de Wes Craven, de la J-horror, de l’horreur espagnol… j’ai fait le tour du monde de la peur. J’avais toujours su que j’aimais les films d’horreur mais là je découvrais que c’était une vraie passion cathartique.

Et c’est là qu’est né mon amour pour Dario Argento et particulièrement pour les gialli. Les frissons de langoisse, la mise en scène, l’histoire, la musique de Goblin, j’aime tout dans ce film ! Suspiria, Ténèbres, Phenomena… J’ai le syndrome de Stendhal dès que je vois un film d’Argento. Je trouve ça tellement beau. C’est une combinaison de choses et d’idées, parfois naïves ou imparfaites mais qui misent toutes ensemble, forment un résultat incroyable. 

J’ai été monteuse dans l’audiovisuel et le cinéma pendant 10 ans avant de me lancer dans la réalisation. J’aimais énormément le montage mais en grandissant j’ai développé un syndrome de l’imposteur qui me faisait croire que je n’avais aucune légitimité ni le talent pour écrire ou réaliser des films. Je suis heureuse d’avoir passé le cap, même si j’essaie encore de trouver mon style et ma place. Je me suis surtout fait connaître grâce à des drames sociaux mais j’essaie d’aller de plus en plus vers mon genre de prédilection… même si ça reste un challenge de faire des films d’horreur en France. 

Les premières fois où mes films ont été diffusés au cinéma dans des festivals, j’ai retrouvé ce truc qui m’émerveillait tellement, d’entendre les gens réagir tous en même temps, à un truc qui sort de ma tête, de mon imagination, qui est passé par tout un processus de création, de travail d’équipe, d’erreurs et de solutions, pour finalement arriver sur un écran géant dans une salle qui sent le pop-corn froid, les bonbons et la moquette. 

Alexandra Mignien

Propos recueillis par Yoan Orszulik, vous pouvez retrouver Alexandra Mignien sur sa chaine Youtube, ainsi que sur Facebook, Twitter, Instagram, et Tipeee

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