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Souvenirs de Cinéma #39 : Sam Cockeye

Aujourd’hui c’est Sam Cockeye, créatrice de la chaine YouTube Vidéodrome qui analyse avec érudition les thèmes qui jalonnent l’histoire du cinéma en les liant aux sciences sociales, qui revient sur sa passion du 7ème art, à travers le déclic que fut la découverte de Sergio Leone et les diverses explorations cinématographiques et culturelles qui en ont découlées. 

C’est assez tard dans ma vie que j’ai découvert une passion pour le cinéma. Il y a eu des films qui m’ont marquée durant mon enfance puis mon adolescence, je pense à L’étrange Noël de M. Jack, Les dents de la mer ou encore Scarface (De Palma), mais comme pour la plupart des gens, ces découvertes et coups de cœur isolés étaient rares. Je suis passée par le rituel des premiers films d’horreur et des comédies entre ami.e.s, on allait plutôt régulièrement au cinéma mais ce n’était pas le film qui était important, c’était principalement la sortie en ville.

Comme beaucoup d’autres personnes, je suis capable de citer le film qui a tout fait basculer mais à la différence des autres, ce film n’est pas des plus bouleversants, spectaculaires ou inoubliables.

Tout a commencé avec le DVD de Et pour quelques dollars de plus de Sergio Leone. Après un premier visionnage provoqué par le hasard, je trouve le film sympa, différent de ce que je regarde habituellement mais tout aurait pu s’arrêter là. La semaine suivante, je tombe malade, clouée au lit sans internet avec simplement ce DVD, je décide donc de le revoir, sans grand enthousiasme. Une première fois, une seconde, une troisième… Je commence à voir dans ce film tellement de choses que je n’avais pas vu avant, à entendre tant de détails. Bientôt je regarde le film 2 à 3 fois par jour durant toute ma convalescence, c’est devenu une obsession inexplicable. Je veux alors tout savoir du film, je lis tout ce que je trouve, j’étais capable de citer la biographie des seconds couteaux, je connaissais par cœur les dialogues dans trois langues différentes, j’écoutais les musiques en boucle sur le chemin du lycée, bref durant 2 mois je ne vis que pour ce film.

Un de ces westerns qui passent sur la 3 pendant les vacances scolaires, un bon film certes, mais pas au point d’en tomber raide dingue. Et pourtant c’est avec lui que tout a commencé et c’est la chute inévitable vers la vertigineuse toile du cinéma qui s’enclenche. Je commence par rester concentrée assez longtemps sur toute la filmographie de Leone et les westerns italiens en général. Puis vont suivre les westerns dit classiques et crépusculaires. C’est assez original qu’une adolescente de 18 ans se passionne pour le western et je me sens plutôt isolée dans ce nouveau centre d’intérêt, les salles de cinéma qui projettent ces films étaient vides et j’étais presque toujours la plus jeune de la séance. Je ne parle pas de cinéma avec mes ami.e.s du lycée et je ne veux surtout pas imposer des films donc je n’invitais jamais personne à m’accompagner. J’ai le souvenir de découvrir La porte du paradis avec deux autres personnes seulement qui avaient l’air de s’être endormies. J’avais l’impression d’avoir la salle pour moi mais surtout d’être seule et si on va au cinéma ce n’est pas que pour le grand écran, c’est l’idée de faire une sortie collective. Mon rapport au cinéma n’était pas du tout le même à cette époque, je ne le partageais pas vraiment.

Les liens de la toile continuent de grandir et de s’éparpiller. J’ouvre la porte du Nouvel Hollywood, du film noir des années 40 et 50, du giallo, de l’âge d’or hollywoodien, de la nouvelle vague du cinéma sud-coréen, du cinéma italien des années 50, de la Movida…  Et puis c’est un genre totalement différent qui va alors me happer durant des années : le cinéma d’horreur. Chaque découverte est un émerveillement, ce genre est particulier car il a tant été différencié des autres qu’il a créé des communautés, des références et une panoplie de personnages encore plus marqués peut-être qu’ailleurs. Je regarde les classiques, puis j’identifie les sous genres horrifiques qui me séduisent le plus, le body horror en tête, suivi de près par le survival. 

En grandissant encore je me suis tournée vers des films probablement plus difficiles d’accès, plus « matures » comme on dit. Je crois que les films de genre n’ont absolument rien d’immatures, bien au contraire, mais il est vrai qu’il y a certaines œuvres que je n’aurais pas pu comprendre quand j’étais plus jeune. Des films qui font échos à des références et à des expériences vécues et « comprises » par des adultes : le travail, la sexualité, la famille… parfois à une conscience politique. On apprécie aussi les jeux avec le temps, les rythmes lents ou répétitifs, qui étaient si pénibles à suivre dans ma jeunesse, deviennent de plus en plus agréables et compréhensibles.

À 22 ans, je pars vivre au Chili pour plusieurs années, là-bas, j’ai principalement découvert deux choses : les documentaires et les films d’Amérique Latine.

Les deux sont très liés au Chili, les documentaires sont des chefs d’œuvre du cinéma chilien et comme j’apprends beaucoup sur l’Histoire du pays, je vois dans le même temps un grand nombre de films et mon regard change beaucoup. Je découvre des documentaires réalisés dans la clandestinité par des cinéastes engagés, alors que le pays vivait dans une dictature impitoyable qui a tué et torturé des personnes travaillant sur certains films. Le cinéma est plus que jamais outil de résistance, travail de mémoire, preuves filmées dans une grande discrétion, instrument de propagande et de dénonciation. À partir de là, les documentaires prennent beaucoup de place dans ma vie, j’en regarde un grand nombre, sur tous les sujets. Je m’intéresse beaucoup au contexte de réalisation et aux intentions de l’auteur. C’est à ce moment que je vais créer ma chaîne Youtube, nommée Vidéodrome, je souhaite parler de cinéma et de sciences sociales mais ne me sentant pas assez légitime pour parler des deux sujets je commence par des vidéos d’analyse assez classiques, avec le temps le lien avec la sociologie devient plus central.

Dans mon cheminement, je regarde aussi beaucoup de films de fiction d’Amérique Latine.

Fini les films à gros budget, très eurocentrés, c’est tout un monde que je découvre avec les films d’horreur mexicains, les « western » boliviens, les films noirs colombiens… Par cet univers avec ses personnages importants, ses mythologies, ses cinéastes et ses sous-genres je me rends compte qu’il est impossible d’avoir une vue d’ensemble, que je ne vois pas comment je pourrais me lasser du cinéma puisque plus je change, plus je rencontre des gens et plus j’adapte mon regard. Même si mes goûts et mes habitudes changent je trouve toujours des films qui m’accompagneront à un certain moment de ma vie.

Aujourd’hui je partage beaucoup cet amour des films avec des proches, dans des festivals et grâce à mon travail sur Youtube. Mon rapport a beaucoup changé depuis que ce n’est plus un centre d’intérêt que je garde pour moi mais que c’est un échange permanent avec les autres. On ne sait pas où on va se retrouver embarqué et par qui. Je trouve que c’est rassurant de pouvoir être toujours surprise et rattrapée par cette passion, même si parfois elle semble s’atténuer, il suffit d’un bon film pour la faire repartir aussi fort, pour se rappeler qu’on a ça qui accompagne notre vie et que c’est une grande chance.

Sam Cockeye

Propos recueillis par Yoan Orszulik, vous pouvez retrouver Sam Cockeye sur sa chaine YouTube Vidéodrome, ainsi que sur Facebook et Twitter.

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