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Sans voix : entretien avec le réalisateur Jonathan Placide

Réalisateur du film d’horreur Sans voix, le Lyonnais Jonathan Placide revient sur la conception atypique de son premier long métrage. L’occasion pour lui de revenir avec passion sur cette aventure rimant avec système D et indépendance, qui lui aura permis de franchir un grand pas. 

Quel est ton parcours ?

Je suis né en 1984, j’ai commencé à m’intéresser au cinéma à l’âge de 5 ans et demi. Mon père voulait m’emmener voir Highlander 2 au cinéma. Et moi, je ne le sentais pas (j’avais raison), je préférais qu’il m’achète une cassette vidéo. Après avoir pleuré dans le magasin, j’ai fini par lui faire m’acheter la cassette des Griffes de la Nuit car j’adorais l’affiche du film. Mon père ne voulait pas, mais voyant que tout le monde le dévisageait car je pleurais, il a fini par me l’acheter, en me disant que je le regretterais et que le film allait me donner des cauchemars. Bref, j’ai vu le film, j’ai adoré. Mon père m’a expliqué que le cinéma n’était pas la réalité et que c’était des effets spéciaux… Ce que j’ai compris et accepté. Et là, je me suis mis à mater que des films d’horreur, je ne voulais voir que ça, et je voyais tout ce qui me passait sous la main. Ma vocation était née. Comme on n’avait pas trop d’argent, j’ai mis longtemps à avoir un caméscope. Mais dès que j’en ai eu un, à l’âge de 15 ans, j’ai tout de suite pris des potes et pendant deux ans, on a tourné un long-métrage ultra-amateur du nom de Comment tuer quelqu’un sans éveiller de soupçon ?. L’histoire était assez cool, mais le film est tellement… irregardable. Je l’avais mis sur le net à l’époque sous forme de mini-série, je ne sais pas si on peut le retrouver quelque part… Bref, après le Bac, j’ai été à une école de cinéma, l’Arfis, dans laquelle je n’ai quasiment rien appris. C’était très nul à l’époque, mais aujourd’hui, je crois que ça s’est grandement amélioré grâce au nouveau directeur. Là, j’ai rencontré des amis avec qui j’ai fondé une association pour créer des courts-métrages. Et pendant 2 ans, on a fait pas mal de courts, certains que je réalisais, et d’autres où j’étais technicien. Ça a été très formateur. Ça, et le Club Med. J’ai fait des saisons là-bas, en tant que G.O vidéo. Ça n’existe plus maintenant, mais à l’époque, ça consistait à faire faire des courts-métrages à des adolescents qu’ils écrivaient et dans lesquels ils jouaient. Je supervisais tout, et je leur offrais le film monté à chaque fin de semaine. Comme à l’époque, j’étais tout seul et qu’en plus de ça, il fallait faire d’autres films pour le village chaque semaine, ça m’a appris à travailler très vite, à mettre au point certaines techniques de travail que j’utilise encore aujourd’hui, d’ailleurs. J’ai ensuite un peu travaillé en télé, mais ce n’était pas mon truc du tout. Et en 2010, j’ai créé mon statut auto-entrepreneur, et je me suis mis à mon compte pour réaliser toutes sortes de films institutionnels. C’est encore ce que je fais aujourd’hui, d’ailleurs. J’ai réalisé aussi quelques autres courts-métrages, mais très peu.

Comment est né le projet Sans voix ?

En 2017, Philippe Orlandini est venu me voir pour me dire qu’un de ses scénarios, Léa  allait être porté à l’écran au cinéma, et qu’il voulait que je réalise le film. Je vous passe les détails mais pendant un an, on a bossé comme des malades pour un film qui n’a jamais vu le jour à cause de gros problèmes de production. On avait pourtant tourné une bande-annonce teaser qui avait bien buzzé, au point d’avoir même été sélectionnée pour un festival auquel on ne s’était pas inscrits, dans la catégorie meilleur court-métrage. Ça m’avait vraiment frustré à l’époque, et je m’étais promis que mon prochain film, je le financerais moi-même sans l’aide de personne. Un an plus tard, je m’apprêtais à tourner un nouveau long-métrage, un film d’amour qui ne s’est pas fait, car on a commencé à tourner la première scène début Mars 2020, soit juste avant le confinement. Sauf que j’avais aussi longtemps travaillé sur le scénario de Sans Voix en tant que court-métrage que je voulais réaliser dans le cadre de la mini-série Visions d’Horreur qu’on avait créé avec Philippe Orlandini. Sauf que je n’avais jamais réalisé Sans Voix car le scénario était beaucoup trop long et complexe pour un court-métrage. On était déjà sur 55 minutes environ, et je savais que je voulais le transformer en long-métrage, et qu’il serait tourné juste après mon film d’amour. J’avais d’ailleurs déjà commencé la préprod’ de Sans Voix en même temps que celle de l’autre film. Mais le confinement a interverti les deux projets.

Comment ce sont déroulées les sessions d’écriture avec Philippe Orlandini ton co-scénariste ?

Justement, le film étant avant tout une expérience sensorielle, j’ai contacté Philippe en lui disant « Ecoute, j’ai toute la trame du film, maintenant, il faut qu’on aille plus loin et qu’on mate un maximum de films et de séries de maisons hantées ». L’idée était simple, on décortiquait chaque film et on notait ce qui nous semblait fonctionner. Ensuite, à partir des meilleurs scènes ou idées de plans de chaque film, je créais une sorte de montage, équivalent à un mashup, qui allait servir de storyboard. Donc, Philippe et moi, c’est ce qu’on a fait. On a maté des tonnes de films de maisons hantées, et j’ai tout monté dans mon logiciel.

L’équipe qui t’a suivi sur ce projet avait -elle déjà travaillé avec toi auparavant ? 

Oui, la quasi-totalité de l’équipe avait déjà bossé avec moi. Constance Savelli avait été la première que j’ai contactée. Je l’avais connu sur le projet « Léa » que j’ai déjà mentionné. Je cherchais une maquilleuse à SFX et tous mes contacts m’ont dit « la meilleure maquilleuse de France, c’est Constance. » Le truc de dingue, c’est que j’avais entendu parler d’elle des années auparavant par un de mes contacts. Quant à Nicolas Mahier, l’ingénieur du son, je bossais avec lui déjà régulièrement sur pas mal de projets. Philippe Orlandini, on l’a mentionné auparavant, donc je ne reviens pas dessus. Kévin Placide, le monteur, est aussi mon frère, et on bosse ensemble depuis des années, c’est avant tout un graphiste formidable, comme le prouvent les affiches du film. Manon, c’était ma stagiaire, puis mon assistante sur pas mal de tournages. Maxime Bouteille, on a bossé ensemble au Club Med, ce mec est juste un génie qui s’ignore. Il fait des trucs de dingue, vous ne pouvez pas imaginer, il faut que vous alliez en Asie, voir ses créations pour mur à leds sur les spectacles Club Med de là-bas, c’est inimaginable qu’un type tout seul arrive à faire ça. Quant à ma femme, elle n’avait pas joué la comédie, ni bossé avec moi auparavant. Tout le reste de l’équipe sont des connaissances des autres collaborateurs. Car le mot d’ordre était la confiance sur ce projet. Pour la bande-annonce du film, c’est Mathieu Gasquet, avec qui on a bossé pendant des années à l’époque de notre association de courts-métrages.

Du fait d’un budget limité, la création du monstre à du nécessiter des trésors d’ingéniosité. 

C’est surtout une question pour Constance, la maquilleuse, ça. Car non, on n’avait pas un budget limité pour le monstre, c’est même tout le contraire. On n’en a pas parlé, mais le film a coûté environ 25 000 euros. Sauf que le monstre en lui-même, en a coûté environ 10 000, soit presque la moitié du budget. En fait, j’avais dit à Constance que je voulais qu’elle fasse son meilleur travail à ce jour, et du coup, le devis qu’elle me ferait pour son travail, serait le prix que j’y mettrais. Donc, le monstre a coûté le budget qu’il devait coûter.

La pandémie de COVID-19 a t-elle occasionné des difficultés ? 

Oui et non, en fait. Comme je l’ai déjà dit, elle a permis au film de voir le jour plus tôt que prévu, puisqu’on devait d’abord tourner un autre film à la base. Mais aussi, elle m’a aidé à réunir le budget plus rapidement. En fait, comme c’était le Covid, j’ai perdu pas mal de contrats avec mes clients sur cette année-là. Et à l’époque, l’Etat Français avait mis en place des aides pour les entreprises. Donc, comme on n’avait quasiment aucune dépense, ni aucun frais, et qu’on recevait ces aides de l’Etat, ça a été très facile d’économiser l’argent pour tourner le film. Même si sur les dernières semaines, à cause des mesures barrières, on a un peu dépassé le budget, car on s’est retrouvés à devoir se loger dans deux Airbnb au lieu d’un… Mais en plein tournage, un vrai gros problème est arrivé, lié au Covid-19, justement. On tournait dans un ancien centre de désintoxication abandonné, car il s’est révélé avoir des pratiques sectaires. C’était en plein pendant le second confinement. Alors qu’on avait tourné 70% des scènes qu’on devait faire dans ce lieu, un mec débarque. Il nous dit qu’on n’a rien à faire ici et qu’il se rend à la gendarmerie pour les alerter. On lui répond qu’on est dans notre droit, puisque le lieu est abandonné et que les tournages sont autorisés pendant le confinement. Le mec ne veut rien savoir. On décide donc de partir et de se renseigner sur lui. On découvre que le gars est un élu de la mairie de la ville où on était. Gros débat au sein de l’équipe : On pense être dans notre droit, mais d’un autre côté, on n’en est pas si sûr et certains. Le mec est un élu, et les amendes en cas de non-respect du confinement dans ces cas-là sont très élevées. Surtout qu’en tant que producteur du film, je serais censé les payer pour toute l’équipe. Problème : Je n’ai pas les moyens, car j’ai déjà tout dépensé dans le film. Bref, on se retrouve un peu comme des cons, et on décide d’abandonner le lieu de tournage (après y avoir tourné quand même quelques plans de coupes supplémentaires discrètement). Voilà ce que le Covid nous a fait gagner, mais aussi, ce qu’il nous a coûté.

Le fait de situer Sans voix dans l’univers de Youtube était -il une manière de créer une porte d’entrée à l’attention des nouvelles générations de spectateurs ?

Un peu, oui, mais avant tout, c’était une astuce de scénariste. En fait, l’idée de « Sans Voix » était de faire un film d’épouvante pur et dur, qui démarrerait de suite, sans aucun temps mort. Pour ça, il me fallait une introduction rapide qui exposerait tous les enjeux du film pour ensuite rentrer dans l’épouvante et ne plus jamais en sortir. C’est là que l’idée d’exposer tout dans une vidéo à la « Youtube » m’est venue. J’ai donc réfléchi à plusieurs choses à ce sujet. Déjà, ça me permettait de jouer avec le spectateur, un peu comme Gaspard Noé dans Seul Contre Tous, parce que le truc cool avec les vidéos Youtube, c’est qu’il y a un « Timer » en bas. Donc, le spectateur qui regarde l’intro sait que dans exactement 5 minutes, et pas une de plus, on passe aux choses sérieuses. Ensuite, il y a le fait que dans le cinéma d’horreur actuel, on utilise aussi ce type de séquences. Et ça, c’est important pour moi, car peu de gens l’ont remarqué, mais le film suit une chronologie précise par rapport à l’histoire du cinéma d’épouvante. Il commence donc par une séquence à la Unfriended, puis peu après, à la Paranormal Activity mais détournée, puis continue sur des codes des films d’horreurs des années 2000, pour ensuite aller vers ceux des années 90 où on va citer également le jeu vidéo d’ailleurs, puis 80, 70… et remonte jusqu’aux années 20 et aux films Universal Monsters. Mais pour revenir encore sur cette séquence « Youtube » du début, il y avait une autre raison de la raconter de la sorte. Et c’est pour le rapport du spectateur au personnage. Je pense que l’empathie et / ou l’antipathie que le personnage principal peut faire ressentir aux gens, varie en fonction de leur rapport aux influenceurs justement. On m’a souvent dit que le personnage principal est méchant, mais ce type d’influenceuses existe réellement et elles ont des fans. Donc, j’aime beaucoup cette idée que le film est vu différemment selon la sensibilité des spectateurs et que cette scène y contribue énormément. 

Le film semble dériver de son postulat de base pour aller vers un récit d’horreur mental à travers le monstre qui poursuit Lola dans divers décors. Une volonté de récit introspectif ?

Je pense qu’un réalisateur peut laisser ouvert un certain nombre de portes à l’interprétation dans ses films. Mais le plus important, est surtout d’en laisser fermées aussi, afin qu’on ne puisse pas mal interpréter le film non plus. Donc, on a laissé cette porte ouverte, et on a joué avec, à savoir que oui, peut-être que le film se passe entièrement dans la tête de l’héroïne. De nombreux symboles et de nombreuses scènes peuvent laisser penser cela, effectivement. Mais après, si tu regardes bien, tu verras qu’au final, cette porte, on finit par la fermer quand même. C’est un peu comme Guillermo Del Toro quand il fait Le Labyrinthe de Pan, tu peux croire que tout se passe dans la tête de la gamine, mais tu sais bien que le réalisateur pense le contraire. Mais oui, en tous cas, c’est un labyrinthe, et qui dit labyrinthe, dit forcément cerveau, donc, on peut penser cela. On peut même aller beaucoup plus loin là-dessus, car c’est un film de maison hantée à la base, et le personnage est une femme, donc il y a toute la symbolique qui va avec, naturellement.

À travers ton approche de la mise en scène, on sent une volonté de faire des décors délabrés de véritables personnages à part entière. 

C’est exact. Comme dans tout film de maison hantée, d’ailleurs. On a cherché à détourner les codes, mais sans jamais vouloir être cynique vis-à-vis d’eux. C’était très important pour nous que le décor puisse être montré dans ses moindres recoins, qu’on ait l’impression qu’il soit vivant. C’est l’une des raisons pour lesquelles on n’a employé que des focales inférieures à 70mm sur le film. On voulait absolument que l’angoisse puisse surgir du moindre recoin du décor. On a d’ailleurs tenté pas mal de trucs en post-prod’ pour rendre le décor plus organique, mais ça n’a jamais vraiment fonctionné. Je pense qu’il est parfait, comme il est. J’ai envie de le créditer au générique ce décor ! Sans rire, ça a été fantastique de pouvoir trouver les différents lieux du film. Tout ça, on le doit à Manon qui était assistante réalisatrice sur le film, mais également à Michael Sassi, un de mes acteurs fétiches, qui nous a trouvé un super lieu supplémentaire en dernier recours.

D’où vient l’idée d’accompagner le changement de décors qu’effectue le personnage de Lola, par des changements de couleurs ?

Ce n’est pas au changement de lieu que le décor change de couleur, en fait. Le décor change de couleur, en fonction du degré de réalité ou non dans lequel se trouve notre personnage principal. Pendant la première partie du film, elle fait un rêve, dans un rêve, dans un rêve, dans un rêve, et à chaque fois qu’elle se réveille, ou ne se réveille pas, d’ailleurs a-t-elle réellement rêvée ? S’est-elle vraiment endormie ? Bref, à chaque fois, la couleur change. Le décor est donc le même, mais il semble différent. Finalement, c’est comme quand chacun de nous rêve. On ne sait que c’est un rêve que lorsque l’on se réveille, et ce qui nous fait comprendre que notre réalité est différente du rêve, ce sont ces changements subtils entre le rêve et la réalité. Tout est pareil, mais tout semble différent, en même temps. Il nous fallait donc quelque chose pour montrer cela, et comme nous sommes dans un film quasiment muet, il n’y a que 5 minutes de dialogue je le rappelle, cette idée m’a semblé la plus logique à mettre en place. Et il y a un autre point, c’est que le fait d’utiliser cela nous permettait d’avoir le meilleur étalonnage possible en fonction des scènes. En gros, on a tout testé avec Maxime, l’étalonneur du film, et à chaque fois, on se posait cette question « quelle est la teinte générale qui peut rendre cette scène plus effrayante ? » et on testait jusqu’à trouver la bonne. C’est très radical, mais ça permettait de donner au film une identité forte. Je sais que certains ne vont pas aimer ce choix, mais je l’assume totalement. Même si je sais que la photographie du film, que j’ai dû gérer moi-même, faute de mieux, est clairement son point faible.

Dans Sans Voix, certaines scènes sont des citations directes de films, notamment Massacre à la tronçonneuse, La maison du diable, etc. Peut -on dire que ton long métrage joue sur le  Mash Up ?

Je n’y connais rien en Mash-Up pour te dire vrai. Je n’en ai vu qu’un seul, c’est Hell’s Club d’Antonio Maria Da Silva, qui est un ami de Philippe Orlandini. Je ne sais pas si on considère La Classe Américaine d’Hazanavicius comme un Mash-Up, mais si c’est le cas, alors, j’en ai vu deux, mais c’est tout. Je ne pense pas qu’il y ait plus de citations directes dans mon film que dans n’importe quel film de Quentin Tarantino ou Guillermo Del Toro par exemple. Je me souviens que quand j’avais vu Kill Bill Volume 1 à l’époque, j’avais écrit un article dessus, et j’y avais relevé plus d’une centaine de citations d’autres films, on en a clairement moins dans Sans Voix. Mais oui, un fan de film d’horreur peut s’amuser à les retrouver, on en a quand même quelques-unes, c’est sûr.

Peut-on voir Sans Voix comme un laboratoire où tu as expérimenté des idées de mise en scène, que tu n’avais pu aborder dans tes précédentes réalisations ?

Le vrai gap est un gap technologique, en fait. Sur Sans Voix, c’était la première fois que je filmais un film en RAW et en 6K. Et ça, c’était un vrai changement pour moi. J’ai d’ailleurs fait quelques petites erreurs de réglages qui n’ont pas fait plaisir à l’étalonneur. Après, j’adore faire des films de fiction, et à chaque film, j’expérimente comme un malade en terme de mise en scène. Donc, oui, Sans Voix est un laboratoire, mais pas plus que mes précédents courts-métrages, par exemple. Il est même peut-être plus sage, car j’ai refusé d’y expérimenter des choses dont je n’étais pas sûr visuellement.

Le son joue également un rôle très important dans le long métrage, et déjoue certaines conventions, notamment le fameux silence qui préfigure un moment d’horreur. 

Ce point était tellement important pour moi, tu n’imagines pas ! Je suis fan de cinéma d’épouvante, et ce qui m’embête, c’est que quand tu mates plein de films d’horreur, tu finis par deviner où vont se situer les différents jump-scares par exemple. Tu sais qu’à chaque fois que la musique baisse, il va y avoir un jump scare dans les trente prochaines secondes. Du coup, je voulais absolument faire un film où même les mecs comme moi pourraient se faire surprendre. C’est pourquoi on est sur de la musique permanente. Et une musique vraiment expérimentale, toujours différente, mais toujours dérangeante, et tout peut arriver à n’importe quel moment. En plus de ça, on a déjoué pas mal de conventions lors du mixage, on a poussé le 5.1 à ses limites avec des sons qui passent d’une enceinte à l’autre… J’espère qu’un maximum de gens verront le film dans des bonnes conditions sonores.

Certains cinéastes font le choix de ne pas montrer la menace fantastique afin de créer de l’angoisse, toi tu choisi de montrer le monstre notamment en plein jour. 

J’ai découvert le cinéma d’horreur en étant gamin, et je me souviens que le truc qui me saoulait tout le temps, c’était le fait qu’on ne voyait pas assez les monstres. J’adore les monstres ! Il faut les voir, il faut s’attarder dessus. Regarde The Thing de Carpenter, regarde le Aliens de Cameron ! C’est génial comment la caméra s’attarde sur les monstres. On voit ces films pour voir des monstres, alors montrons-les !

Le film repose entièrement sur les épaules d’Olga Placide et Mathieu Chanteperdrix, comment les as-tu dirigé.es ? 

Pour Mathieu, c’est un mec qui adore faire des performances, alors je lui ai dit « approprie-toi le monstre, fais ce que tu as envie de faire, et moi, je vais trouver comment le filmer ». Et c’est ce qu’il a fait, je le trouve formidable. Ensuite, on a utilisé une technique pour que ses mouvements soit plus déstructurés, à savoir que plein de scènes ont été filmées à l’envers, et ensuite, on les a remises à l’endroit pour lui donner cette démarche étrange. Quant à Olga, elle est extraordinaire, car elle ne joue pas, elle vit les choses. Dans la vie, Olga est une personne entière, elle vit tout à 200%. Dans le film, elle pleure, elle a peur, elle fait tout pour de vrai, elle ne le joue pas. Quand elle pleure, c’est pas moi qui lui dit de le faire, elle le fait parce qu’elle le ressent. Il faut dire aussi que le tournage était éprouvant pour elle : on l’a faite se faufiler dans des ronces, on l’a obligée à se balader en petite tenue dehors alors qu’il faisait 1 degré, c’était compliqué, il y avait de quoi être à bout.

Bien que le film soit une traque entre deux personnes, l’atmosphère de certaines scènes donne l’impression d’assister à une forme d’errance. 

En fait, c’est à la fois une traque et une recherche. Le personnage est traqué par le monstre, mais en même temps à la recherche de son téléphone, seule chose qui pourrait la tirer de ce mauvais pas, selon elle. A moins qu’elle ne le recherche parce que c’est la seule manière de témoigner de ce qui lui arrive ? On n’y répondra jamais. Donc, il y a ce côté traque, ce côté recherche, mais aussi, ce côté où elle est perdue. Après tout, comment pourrait-elle s’enfuir d’un lieu surnaturel dont elle ignore totalement la géographie ? Alors, quoi faire ? Courir ? Marcher ? Vers où ? Donc, oui, il y a ces moments de semi-errance où le personnage est désorienté et ne sait où aller, ou ne sait pas ce qu’il va lui arriver.

Comment as-tu fait pour rendre la révélation finale le plus efficace possible auprès du spectateur ?

En fait, je n’ai pas essayé du tout de le faire, bien au contraire ! J’ai mis des indices partout concernant la révélation finale, y compris des images subliminales, et même des spoilers dans le décor ! Je ne voulais pas spécialement faire un film à twist, je pensais que la fin allait de soi, en fait, mais j’ai été surpris quand j’ai eu les premiers retours sur le film, où on m’a dit pas mal de fois que la fin était surprenante. Comme quoi…

Quel bilan garde-tu de l’expérience, et que peut -on espérer pour ton long métrage ?
Génial ! Ce serait que moi, je passerais ma vie à faire des films de fiction, en fait. Malheureusement, ça ne me nourrit pas, donc je dois continuer à faire des films d’entreprises pour gagner ma vie. Mais c’était incroyable ! Quelle expérience humaine fantastique ! Quel bonheur de travailler tous ensemble pour faire un film, voilà ce que je garde de cette expérience. C’était l’un des meilleurs moments de ma vie, après mon mariage bien sûr. Ce qu’on peut espérer pour le film ? Qu’un maximum de gens le voient et flippent comme des malades devant. Que les gens soient terrifiés et qu’ils aiment le film. Mais aussi, qu’on arrive à le revendre assez cher pour que je puisse payer tous ceux parmi les membres de l’équipe qui ont travaillé bénévolement. Et enfin, qu’on trouve un producteur généreux qui veuille financer le prochain.

Des futurs projets ?

Oui, j’écris un roman d’amour en ce moment. J’ai un film d’horreur en préparation aussi, mais je cherche du budget. J’ai toujours le film d’amour dont j’ai parlé précédemment en projet aussi. Et il y a un thriller de science-fiction en huis-clos qu’on a écrit depuis un moment avec deux autres amis et qu’on aimerait bien pouvoir enfin tourner. J’ai commencé l’écriture d’un slasher également, mais qui nécessiterait un peu plus de budget donc je ne sais pas si ça se fera vraiment. J’ai un film de Lo-Fi également sur lequel je galère pas mal en écriture, donc on verra. Et comme c’est la dernière question, j’en profite pour dire que les lecteurs de Furyosa peuvent me poser toutes les questions qu’ils veulent à propos du film et que j’y répondrai directement en vidéo sur la chaîne Youtube du film en les citant, et ce, sans langue de bois, car c’est important pour ceux qui veulent se lancer aussi, de savoir quels sont les déboires auxquels on peut faire face. Vous pouvez tous suivre l’actualité du film sur son site internet sans-voix.fr, mais aussi sur sa chaîne Youtube et sa page Facebook. C’était mon petit instant promo, mais je suis sincère : lecteurs de Furyosa, écrivez en commentaires sur le site (ndlr : on a un petit souci avec les commentaires donc vous pouvez aller directement sur la chaîne de Jonathan), et je vous réponds en vidéo sur Youtube. Merci Yoan, et merci à l’équipe de Furyosa pour cette interview, vous êtes géniaux, je vous adore, et j’adore votre site !

Propos recueillis par Yoan Orszulik, remerciements à Jonathan Placide pour sa disponibilité, vous pouvez retrouver et soutenir le projet Sans Voix via le site internet dédié au film. 

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