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Godzilla MonsterVerse VS Shin Godzilla

Fidèle à la tradition des versus qui ont fait le cœur de la saga Godzilla et plus largement du genre du kaiju eiga, l’idée nous est venue de faire s’affronter deux des derniers films modernes qui ont mis en scène le roi des monstres : Godzilla de Gareth Edwards et Shin Godzilla d’Hideaki Anno et Shinji Higuchi. Qui en sortira vainqueur ?

Ces dernières années, les films de kaiju eiga, et encore plus ceux mettant en scène Godzilla, n’ont jamais autant eu le vent en poupe. Tout d’abord, le Godzilla de Gareth Edwards, premier film américain de l’univers étendu du MonsterVerse, sorti en 2014. Puis, le troisième reboot du studio japonais Toho avec Shin Godzilla d’Hideaki Anno et Shinji Higuchi, sorti en 2016 au Japon et aux États-Unis. Dans la plus pure tradition de la franchise Godzilla, et ce depuis 1955 avec Le Retour de Godzilla de Motoyoshi Oda où le roi des monstres affronte son premier ennemi : AnguirusGodzilla a toujours dû affronter des adversaires tout aussi titanesques que lui. Mais quel serait son adversaire le plus coriace au-delà de sa némésis ultime : King Guidorah ? Probablement lui-même. Let them fight !

La vision

Le point de divergence fondamental entre les deux films est incontestablement : la vision. C’est celle de leurs auteurs respectifs et leur point de vue sur le mythe que représente Godzilla. Malgré que les deux films soient avant tout des films de studio, l’un produit par Legendary Pictures (distribué par Warner Bros) et l’autre par la Toho, les trois réalisateurs sont bien des auteurs et non des yes man, comme on pourrait le croire de prime abord (surtout concernant le film américain). 

Bien qu’annoncé comme étant très proche de l’esprit du film original, la vision de Gareth Edwards est celle d’un Godzilla majoritairement bienveillant (fidèle à la majeure partie des films dits « versus » de la franchise Godzilla). Il est l’archétype du protecteur de l’écosystème : le gardien de la nature, celui qui doit rétablir l’ordre. Argument interrogé par le film lui-même lors d’un flash info, en fin de métrage, où on montre Godzilla qui retourne vers l’océan avec le sous-titre suivant : « Le Roi des Monstres – Sauveur de notre ville ? ». Un point de vue que l’on retrouve beaucoup dans le cinéma japonais, comme c’est le cas dans certains films majeurs du cinéaste Hayao Miyazaki (Nausicaä de la vallée du ventPrincesse MononokeMon voisin Totoro). Comme signalé dans notre critique, un plan spécifique du film de Gareth Edwards en est d’ailleurs assez symbolique. Il s’agit de celui où le Lieutenant Ford Brody (Aaron Taylor-Johnson) échange un regard avec Godzilla, quand ce dernier est blessé suite à l’écroulement d’un immeuble sur lui. L’approche de Gareth Edwards est également fortement inspirée du cinéma de Steven Spielberg et de l’esprit du studio Amblin. Car au-delà de la mise en scène référentielle à la filmographie de Steven Spielberg, la fameuse scène de l’échange de regards est aussi très similaire à l’amitié et aux jeux de regards entre Elliott et E.T. dans le film éponyme. Godzilla oblige, la menace nucléaire est bien évidemment au cœur du récit. Mais elle est reléguée au rang d’élément perturbateur d’un drame familial (ou prétexte) plutôt que dans une volonté d’en faire une remise en question comme source d’énergie potentiellement destructrice. Ainsi, on pourrait résumer la vision ou l’approche de Gareth Edwards comme une fascination pour le monstre en lui-même. Il est en quelque sorte le reflet du docteur Ishiro Serizawa (Ken Watanabe), lui même. Son premier long-métrage Monsters confirme ce point de vue. De ce fait, son admiration en est totalement communicative. La scène finale où le roi des monstres est icônisé en est probablement le meilleur exemple.

L’échange de regards entre le Lieutenant Ford Brody et Godzilla

La vision d’Hideaki Anno est quant à elle plus complexe et beaucoup plus proche de celle d’Ishiro Honda. Même si comme dans le film de Gareth Edwards, Godzilla est représenté comme une force de la nature, il évoque très clairement la destruction et la vengeance de la nature sur l’humanité. Il incarne le principal propos du film en devenant la manifestation physique du mal invisible que peut représenter le nucléaire. C’est pourquoi, on retrouve certains éléments déjà présents dans le film de 54. Les exemples les plus probants sont les séquences de destructions massives, hyperboles évidentes des bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki. On y retrouve également la métaphore des habituelles ingérences américaines qui veulent imposer leur force dans la péninsule japonaise, pour potentiellement en tirer divers profits ensuite. Fort heureusement Hideaki Anno (en charge des prises de vues réelles) ne fait pas qu’un vulgaire copié-collé de l’œuvre originelle, il modernise ou plutôt adapte en transposant sur le fond, comme sur la forme, les récentes catastrophes qu’a connu le Japon en 2011. Comme évoqué dans notre critique, Shin Godzilla exploite le sujet de la radiation (suite à l’accident nucléaire de Fukushima Daiichi), en en faisant une des caractéristiques de la menace qu’est Godzilla. Ce dernier, même en étant en état dormant dans la ville, émet des radiations qui contaminent la population de Tokyo. Durant les nombreuses tergiversations de la bureaucratie étatique japonaise, particulièrement lente et inefficace, la contamination et les nombreux dommages collatéraux gagnent du terrain et font de nombreuses victimes parmi la population travailleuse japonaise. Ainsi Hideaki Anno pointe du doigt l’incompétence et mêmes certaines incohérences du gouvernement japonais dans la catastrophique gestion de l’effondrement de la centrale de Fukushima Daiichi et de ses retombées radioactives, qui ont accrues le nombre de victimes. A noter qu’on n’en connait pas encore à ce jour le chiffre exact… La vision commune d’Hideaki Anno et de Shinji Higuchi est elle dans une démarche plus proche du film originel, où il faut absolument détruire la menace représentée par Godzilla, qui n’est autre que le danger du nucléaire sous toutes ses formes.

Radiations émises par Godzilla sur son trajet, dans Shin Godzilla

Le design

Comme pour leurs visions, le design de Godzilla est très nettement différent d’un film à l’autre. On doit le design de Shin Godzilla à Shinji Higuchi, fort de son expérience d’assistant au design des créatures sur Le Retour de Godzilla de Koji Hashimoto en 1984 et plus récemment sur son adaptation live de L’Attaque des Titans. Afin de servir la vision d’Hideaki Anno, le choix du design s’est très logiquement porté sur un look beaucoup plus effrayant. L’objectif étant d’illustrer le caractère particulièrement agressif et dangereux du roi des monstres. Un design qui rappelle légèrement l’original sur certains détails dans sa forme finale, notamment les épines dorsales. Sa texture et son apparence élancée avec la peau écailleuse noire et ses interstices d’un rouge flamboyant font de sa prestance une roche en fusion perpétuelle, comme s’il était un volcan vivant. Une spécificité qui évoque un autre kaiju : Rodan. De cette fusion perpétuelle, Godzilla mute en trois étapes, avant d’arriver à son ultime forme. À noter que les griffes de Godzilla sont très apparentes et amplifient son allure menaçante. Dans le désir de rendre hommage au film d’Ishiro HondaShinji Higuchi allie les techniques à l’ancienne, avec notamment des animatroniques, et des techniques modernes. C’est le comédien Mansai Nomura qui se glisse dans la peau de Godzilla, grâce au procédé de la motion capture.

Godzilla 1954 vs Shin Godzilla
Figurine de Shin Godzilla

En accord avec sa vision, le Godzilla tout en numérique de Gareth Edwards a une allure imposante, mais nettement moins menaçante. Son objectif étant surement d’humaniser Godzilla le plus possible. Là où celui de Shinji Higuchi fait plus référence à la matière qui devient organique, celui de Gareth Edwards est lui plus proche de l’animal. Avec un centre de gravité particulièrement bas, dû à une queue et surtout des jambes particulièrement épaisses Godzilla semble plus lourd et plus massif, ses griffes sont elles bien plus rétractées. Au premier abord son physique semble être un handicap. Mais ce qu’il perd en agilité, il le gagne en puissance physique et en résistance. De quoi vaincre ses adversaires sur la durée et faire de lui l’incarnation idéale de la force de la nature pour rétablir l’équilibre.

Gareth Edwards avec une figurine préparatoire du design de Godzilla

La réalisation

Prolongement de leur vision, la mise en scène porte la marque de leurs auteurs respectifs. Souhaitant épouser au mieux l’essence du film originel, les deux films ont énormément de similitude, mais dans des proportions différentes. Dans le film de Gareth Edwards, les séquences mettant en scène les monstres géants sont majoritairement à échelle humaine (fruit de son expérience documentariste) avec l’idée de jouer sur les perspectives. Le jeu d’échelle étant la marque de fabrique de son stylecomme ce fut le cas dans Monsters et Rogue One. Dans Shin Godzilla, ces perspectives sont moins présentes. Hideaki Anno et Shinji Higuchi préférant favoriser les plans larges (marque de fabrique du genre kaiju eiga), là où Gareth Edwards n’y a recours que très rarement.

Point de vue à l’échelle humaine dans Shin Godzilla
Point de vue à l’échelle humaine dans Godzilla
Plan large dans Shin Godzilla
Plan large dans Godzilla

Là ou les deux films se rejoignent totalement c’est sur leur parti pris esthétique ou graphique qui magnifie, dans des tons différents, le chaos et la désolation ou le souffle atomique de Godzilla. Seule une poignée de films de la franchise ont réussi ce pari fou d’arriver à tout détruire avec beauté.

L’art de tout détruire en beauté dans Shin Godzilla
L’art de tout détruire en beauté dans Godzilla
Le souffle atomique dans Shin Godzilla
Le souffle atomique dans Godzilla

En revanche, si le tandem Anno-Higuchi a repris les codes des films de kaiju eiga, en les adaptant à leur vision, Gareth Edwards lui a trouvé l’inspiration ailleurs. Conformément à l’approche spielbergienne qui émane de sa vision du monstre, la mise en scène est très fortement inspirée par la filmographie du maître, dont il s’est réapproprié les codes afin d’enrichir son récit et son propre style. L’arrivée en hélicoptère dans l’introduction aux Philippines qui rappelle forcément la séquence d’arrivée sur Isla Nublar dans Jurassic Park ou encore les épines dorsales de Godzilla qui sortent de l’eau dans la baie de San Francisco qui rappelle la raie du requin qui sort de l’eau dans Les Dents de la Mer.

L’arrivée en hélicoptère aux Philippines dans la scène d’ouverture de Godzilla
L’arrivée en hélicoptère à Isla Nublar dans Jurassik Park
Les épines dorsales de Godzilla qui sortent de l’eau dans Godzilla
L’aileron du requin qui sort de l’eau dans Les dents de la Mer

Alors qui de Godzilla du MonsterVerse ou Shin Godzilla est le vainqueur de ce grand duel ? Si on compte sur la fidélité à l’original, Shin Godzilla est très certainement le grand gagnant pour son propos aussi puissant que le film originel. Sur la mise en scène, les deux se valent. C’est surtout sur le caractère émotionnel que la différence se joue, entre fascination pour l’un et terreur pour l’autre. Tout dépend de notre rapport à la saga et si on le préfère avec ou contre nous. Au final, il est difficile de les départager car les deux films semblent assez complémentaires sur le papier, malgré notre préférence pour Shin Godzilla. A l’image de ces deux films, tantôt destructeur et tantôt héroïque, Godzilla reste plus que jamais gardien de l’équilibre, même sur pellicule.

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