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Festival Microciné, 2ème édition – Entretien avec Samir Ardjoum

À l’occasion de la 2ème édition du Festival Microciné qui se tiendra le 17 février 2024 au Club de l’étoile à Paris, entretien avec son fondateur Samir Ardjoum, également responsable de la chaine Youtube éponyme. Après nous avoir fait l’honneur d’évoquer ses souvenirs de cinéma en 2022, Samir Ardjoum revient cette fois-ci sur les coulisses d’un festival qui lui tient particulièrement à coeur. 

Cette année, l’événement cinématographique intime qu’est le festival Microciné célèbre son deuxième anniversaire. Pouvez-vous nous parler de l’origine de ce projet ?

L’initiative a pris racine il y a deux années de cela, précisément lors de ma découverte du festival dirigé par Antoine Goya. L’expérience fut saisissante, notamment grâce à la qualité des projections, dont celle marquante de Goodbye Dragon Inn, œuvre magistrale de Tsai Ming Liang, présentée en format 35 millimètres. La passion m’a envahi à cet instant, éveillant en moi le désir ardent de partager à mon tour quelques-uns des films ayant laissé une empreinte indélébile dans mon esprit. Ainsi que le soulignait Jean-Louis Scheffer, c’est ainsi que j’ai établi le contact avec le Club de l’Étoile. Le processus s’est déroulé avec une progression fluide et sereine, les portes de cette salle emblématique me furent généreusement ouvertes, me permettant d’y présenter des films qui, pour moi, revêtent une importance capitale. Ces œuvres ont été non seulement des piliers dans ma formation personnelle, mais ont également façonné ma cinéphilie, contribuant ainsi à mon parcours vers le métier de critique cinématographique, voilà en substance.

Pourquoi avoir opté pour une journée plutôt que plusieurs pour cet événement ?

Effectivement, la première édition s’était étendue sur deux journées. Les films y étaient projetés, suivis chacun d’un dialogue avec l’auteur ou l’autrice du film, ou encore avec un expert du cinéaste ou de la cinéaste en question. Malheureusement, le Club de l’Étoile n’a pas réussi à couvrir ses frais, bien qu’un public soit présent, il n’était pas aussi nombreux que prévu. Repartir sur deux journées s’est avéré être une perspective complexe. On m’a donc suggéré de condenser l’événement sur une seule journée. Il est également important de mentionner que le Club de l’Étoile met à disposition généreusement la salle de cinéma, s’occupe des projections ainsi que de leur enregistrement, des dialogues et conversations, et surtout de la gestion des droits d’auteur. Compte tenu de ces aspects, je comprends parfaitement leur position. C’est pourquoi, cette année, j’ai misé davantage sur une campagne promotionnelle afin de drainer un maximum de participants à ce festival.

Organiser un festival en étant seul maître à bord, est-ce un défi ardu ?

Je ne me considère pas comme le seul maître à bord, puisque, comme je l’ai mentionné, je travaille en étroite collaboration avec l’équipe du Club de l’Étoile. L’essentiel du travail est déjà accompli, en réalité. Il ne me restait plus qu’à définir la programmation, à contacter les intervenants et à réfléchir aux connexions pour les dialogues. Cette étape ne représente pas le cœur de la tâche pour moi, mais plutôt son aspect le plus gratifiant. J’ai déjà eu l’expérience de directeur artistique d’un événement cinématographique à Béjaïa en Algérie pendant quatre ans, ainsi que de programmateur indépendant. Par conséquent, je maîtrise ce domaine et j’y trouve un grand plaisir. En confiant les aspects logistiques, économiques et organisationnels à d’autres personnes, cela me permet de respirer et de mener à bien mes missions avec sérénité.

De nos jours, de nombreux « micro » festivals et événements émergent grâce à des vidéastes sur YouTube. Quel est votre point de vue sur cette tendance émergente ?

Cette tendance témoigne d’une diversité d’approches, offrant une pléthore d’œuvres qui reflètent une cartographie riche et variée du cinéma. Pour ma part, je considère cela comme une opportunité enrichissante. Cela me permet de mieux comprendre les personnes derrière ces productions, leurs origines, leurs sensibilités, ainsi que les films qui ont marqué leur parcours. Plus il y a de propositions, mieux c’est. L’abondance de choix favorise une exploration plus nuancée de l’art cinématographique. En revanche, une offre limitée peut engendrer frustration et conduire à des attentes démesurées envers un film, l’exposant ainsi à une pression injustifiée. Plus il y a de diversité dans les propositions, plus le dialogue est vivant et fécond.

Peut-on envisager que l’avenir de la cinéphilie réside, comme certains l’affirment, dans le cinéma patrimonial ?

Je rejette catégoriquement cette idée. Pour moi, la cinéphilie est et demeurera une passion intemporelle pour le cinéma. Tant qu’il y aura des films à découvrir et à apprécier, cet amour perdurera. Il est primordial de regarder vers l’avant, de rester ancré dans le présent et de se servir du passé comme source d’inspiration. L’immobilisme ou la focalisation excessive sur les œuvres du passé risquent d’entraver le progrès de la cinéphilie et de la rendre réactionnaire, ce qui est incompatible avec l’essence même du cinéma et de l’art en général. Pour moi, l’idée de « cinéma patrimonial » ne tient pas la route. Il n’y a qu’un cinéma, tout simplement. Revoir Les Vacances de Monsieur Hulot, par exemple, ne relève pas d’une démarche de préservation patrimoniale, mais plutôt d’une reconnaissance de son actualité et de sa pertinence dans le contexte présent. Je ne crois pas en cette notion de cinéma patrimonial ou d’auteur, je crois simplement au film, sans fioritures.

La présence d’invités et le dialogue avec le public semblent occuper une place centrale dans le festival Microciné.

En effet, lorsque j’ai conçu Microciné, je me suis résolument orienté vers cette configuration. Il était essentiel pour moi de ne pas me retrouver seul face à la caméra. Je souhaitais instaurer un dialogue enrichissant avec une ou plusieurs personnes, afin de susciter des idées et des réflexions. Ce volet de l’événement revêt une importance capitale à mes yeux. Pour moi, le processus critique comporte trois phases distinctes : la projection du film, le débat oral qui s’ensuit, puis, pour certains, l’exercice de la critique écrite. Si j’ai pratiqué cette dernière pendant vingt ans de ma vie, aujourd’hui, j’ai la liberté de choisir l’approche qui me convient le mieux. Pour moi, ce sont ces échanges oraux qui incarnent pleinement l’esprit du festival.

Cette année, quatre films sont au programme : La Vie de Château, Dieu Seul Me Voit (Versailles-Chantiers), Les Vacances de Monsieur Hulot et Snake Eyes. Comment s’est opérée cette sélection ?

Initialement, une liste d’une vingtaine, voire d’une trentaine de films, a été proposée au Club de l’Étoile. Celui-ci a vérifié la disponibilité des copies et évalué les coûts afférents. Ensuite, ils m’ont transmis une sélection restreinte sur laquelle j’ai eu la latitude de choisir les films que je jugeais pertinents. Ces quatre films font partie intégrante de ma construction cinéphile, et ont également joué un rôle majeur dans mon cheminement critique. Par exemple, Snake Eyes a suscité mon intérêt grâce à un texte éloquent de Frédéric Bonnaud paru dans les Inrockuptibles, me poussant à revisiter le film.

J’ai l’impression que ces choix de films sont liés par la thématique du regard, et la manière dont les protagonistes de ces films perçoivent le monde qui les entoure.

La notion de regard est effectivement un fil conducteur essentiel dans cette sélection. Lorsque l’on m’a posé la question de choisir entre le scénario et la mise en scène, ma réponse a été sans équivoque : « Le regard, voilà ce qui m’intéresse dans un film, simplement le regard ». Il s’agit de comprendre comment les réalisateurs et réalisatrices portent leur regard sur le monde qui nous entoure, et comment ils parviennent à capturer cette vision singulière à travers le médium cinématographique. Est-ce que le cinéaste ou la cinéaste s’inscrit dans le réel avec authenticité ? Parvient-il ou elle à susciter une connexion émotionnelle avec le spectateur ? Toutes ces interrogations constituent le cœur de ma démarche critique, et ces quatre films représentent des exemples frappants de cette exploration du regard.

Le choix des films permet également d’apprécier différentes approches de la mise en scène. Par exemple, l’humour géométrique des Vacances de Monsieur Hulot contraste avec la chorégraphie visuelle de Snake Eyes.

L’éclectisme des styles est fascinant, et parfois, de manière indirecte, ces quatre films peuvent se rejoindre dans leur essence. Vous avez évoqué la géométrie de l’humour dans Les Vacances de Monsieur Hulot et la chorégraphie visuelle de Snake Eyes. Il est intéressant de noter que la géométrie chez Hulot pourrait également être interprétée comme un reflet du mouvement de la vie. En revanche, la chorégraphie de Snake Eyes semble véhiculer un mouvement mortifère, une danse macabre. Ce choix est probablement influencé par des références culturelles américaines, telles que l’assassinat en direct du président Kennedy, qui a été abordé par De Palma dans certains de ses films. Cette chorégraphie, bien que minutieusement orchestrée dans un plan-séquence, révèle une vérité perturbante à qui sait la saisir.

Marguerite Debiesse, Bruno Podalydès, Stéphane Goudet et Abdel Raouf Dafri figurent parmi les invités de cette deuxième édition. Comment les avez-vous convaincus de participer à Microciné ?

Il y a eu quelques changements par rapport à la programmation initiale. Marguerite Debiesse sera bien présente pour échanger sur La Vie de Château, en compagnie de Jean-Paul Rappeneau, le réalisateur lui-même, qui se joindra à la discussion. Bruno Podalydès a accepté avec enthousiasme d’intervenir pour Dieu Seul Me Voit. Malheureusement, Stéphane Goudet ne pourra pas être présent pour des raisons personnelles imprévues. Il sera remplacé par Kephren Montoute, critique de cinéma. Quant à Abdel Raouf Dafri, le scénariste et réalisateur, il a immédiatement accepté de participer à une discussion autour de Snake Eyes, en se focalisant sur l’aspect scénaristique. De Palma compte parmi ses cinéastes de prédilection, voire même son favori, et il a été ravi de saisir cette opportunité.

Jean-Baptiste Thoret encourageait les cinéastes à s’essayer à la critique, et vice versa, afin de favoriser le dialogue sur le médium cinéma. Pensez-vous que les invités de cette deuxième édition, composée de deux critiques et de deux cinéastes, correspondent à cette approche ?

Je comprends parfaitement la vision de Thoret à ce sujet, mais je ne suis pas nécessairement en accord avec cette perspective. Je pense que chacun devrait être libre de choisir son propre chemin. La critique cinématographique est une vocation, une passion, une voie que certains ont choisie pour exister dans cet univers cinématographique. Pour les cinéastes, c’est une démarche inverse mais tout aussi légitime, celle de créer leurs propres images et de dialoguer avec l’audience à travers celles-ci. La critique réfléchit à partir d’œuvres déjà existantes, tandis que le cinéaste crée de nouvelles œuvres qui, à leur tour, nourrissent la réflexion critique. Ces deux approches se complètent mutuellement, mais il n’est pas nécessaire pour autant de franchir la ligne entre les deux.

Quels sont vos souhaits pour cette deuxième édition ?

Je souhaite avant tout que cette édition soit un succès, qu’elle attire un public éclectique et nombreux, capable de découvrir et d’apprécier la richesse de cette sélection de films. Un tel engouement stimulera, je l’espère, le désir d’organiser une troisième édition encore plus réussie.

Quels sont vos projets futurs ?

Je suis actuellement en phase d’écriture d’un livre et en préparation d’un documentaire.

Propos recueillis par Yoan Orszulik, billetterie pour la 2ème édition du Festival Microciné. Vous pouvez également retrouver Samir Ardjoum sur sa chaine Youtube Microciné, ainsi que sur Facebook, X, Instagram et via ses souvenirs de cinéma pour Furyosa.

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