Considéré par une poignée de fans, comme LA perle des DTV d’actions des années 90, Drive, de Steve Wang, conserve plus de 25 ans après sa sortie un indéniable capital sympathie. L’occasion de revenir sur les spécificités qui on permis à cette oeuvre en apparence modeste de se distinguer de tout venant de l’époque, et de plutôt bien supporter l’épreuve du temps.
Lorsqu’il se lance dans la réalisation de Drive au milieu des années 90, Steve Wang est un technicien d’effets spéciaux réputé dans le milieu, ayant travaillé sous le patronage de Rick Baker et Stan Winston, au point que son CV inclut des titres aussi divers que Predator, Evil Dead 2, Gremlins 2 : La nouvelle génération ou encore Batman : le défi. L’affection qu’il porte pour le Tokusatsu japonais et les films d’arts martiaux hongkongais le pousse à se faire la main derrière la caméra via deux adaptations du manga Guyver de Yoshiki Takaya. Fort de ses deux expériences, les compagnies Overseas Film Group et Neo Motion Pictures lui confient la réalisation d’une suite de leur adaptation live de Hokuto no Ken aka Ken le survivant. Cependant le tournage prévu en Roumanie est reporté suite aux difficiles conditions météorologiques. C’est durant cette période que le cinéaste se tourne vers un script de Scott Phillips, Road to Ruin, que comptent également mettre en chantier ces deux compagnies avec l’aide du producteur japonais Takashige Ichise, futur pilier de la J-Horror (Ju-on, Ring), qui a récemment participé au financement du Crying Freeman de Christophe Gans. Ayant déjà eu le script six mois plus tôt, via un ami en commun, Wang accepte la commande et réécrit lui-même le scénario, rebaptisé Drive, en compagnie de Phillips. Le cinéaste retrouve plusieurs collaborateurs de son précédent long métrage. Le chef opérateur Michael G. Wojciechowski, la costumière Jennifer McManus, le chorégraphe des combats Koichi Sakamoto et le comédien David Hayter, aujourd’hui indissociable de la franchise Metal Gear Solid à laquelle il prêta sa voix pour Solid Snake, tout en poursuivant une carrière de scénariste notamment sur X-Men et Watchmen. Tandis que le monteur Ivan Ladizinsky (Denver, le dernier dinosaure) et le chef décorateur Terrence Foster (Amongst Friends) complètent l’équipe. Le tournage a lieu en Californie de Janvier à Mars 1996 pour un budget estimé entre 2 et 4,5 millions de dollars. En se basant sur son pitch : la traque d’un agent spécial Hong Kongais, Toby Wong (Mark Dacascos) pourchassé en Californie par des agents chinois et des tueurs américains à la solde d’une multinationale, Leung Corporation, qui cherche a récupérer l’implant lui donnant des facultés surhumaines, Drive semble être un best of opportuniste des thématiques à l’oeuvre dans le cinéma des 90s. Cyberpunk, cinéma Hong Kongais, simili Fugitif, et même Buddy Movie, puisque le récit se focalise sur la cavale de Toby Wong avec Malik (Kadeem Hardison) un auteur-compositeur au chômage. Si le récit ne brille guère par son inventivité et s’inscrit effectivement dans le tout venant de l’époque, c’est plutôt son traitement qui va lui permettre de tirer son épingle du jeu sur plusieurs aspects.

Plutôt que de masquer ses influences, Steve Wang va les assumer et rendre honneur à ses dernières, en jouant sur une approche sans prétention et totalement décomplexée. Plutôt que d’articuler son influence HK sur son simple décorum, comme de nombreuses productions américaines de l’époque, Wang va se concentrer sur ce qui aura permis à cette cinématographie de s’imposer dans le coeur de nombreux cinéphiles et passionnés du cinéma d’action, à savoir l’utilisation complète de la scénographie à travers les chorégraphies. Ces dernières loin de n’être qu’un prétexte à des combats spectaculaires, permettent de faire avancer le récit et les relations entre les personnages à des fins dramatiques ou comiques. Le Road Movie qui constitue la structure narrative de Drive s’articule principalement sur la scénographie de trois lieux: un chantier, un motel et un night club. Le tout jouant sur un crescendo spectaculaire. Grand admirateur de Jackie Chan, ayant fait ses armes sur la série japonaise Maskman avant de rejoindre les États-Unis où il officiera sur la série Power Rangers, le chorégraphe Koichi Sakamoto profite de Drive pour lorgner du côté de ses idoles Hong Kongaises. Reprenant le concept ayant fait le succès des Sept petites fortunes (Sammo Hung, Yuen Biao et Jackie Chan) où chaque élément du décor sert à l’action. Permettant à Sakamoto de déployer des trésors d’inventivité, notamment lors d’un combat dans une chambre, dans un garage ou lors du climax avec des motos, décuplées par l’utilisation du 2:35, élargissant le champ d’action à l’image, ainsi qu’un montage mettant un point d’honneur à rendre l’ensemble dynamique et surtout lisible, damant facilement le pion à des productions de studios comme Mortal Kombat ou L’arme Fatale 4. Un exploit également rendu possible grâce aux compétences martiales de Mark Dacascos. Si l’interprète de Crying Freeman reste un acteur limité, Wang utilise à bon escient la sympathie naturelle qu’il suscite via le duo qu’il forme avec Kadeem Hardison. Bien que les dialogues jouent par moments la carte du name dropping à connotation geek, le réalisateur parvient à tirer cette donnée vers le haut, créant une vraie complicité entre les deux interprètes, allant jusqu’à faire ouvertement un pied de nez aux stéréotypes culturels auxquels ces derniers pourraient être assignés. Le duo de Drive apparait comme l’antithèse de celui de Rush Hour qui sortira la même année sur grand écran. Le réalisateur ayant l’intelligence de placer de courtes scènes, la rencontre avec l’ex femme de Malik, la confession nocturne de Toby, qui a défaut d’être originales permettent de donner un minimum d’épaisseur aux personnages, tout en abordant l’actualité du moment, à savoir la rétrocession de Hong Kong. À ce duo vient s’ajouter la présence de la regrettée Brittany Murphy dans le rôle de Deliverance Bodine, la gérante du motel où échoue notre duo. La comédienne, qui avait à son actif Clueless, apporte une prestation décalée qui détonne avec notre duo, au point de rendre hilarant et attachant, un personnage qui aurait pu facilement être une caricature embarrassante. On comprend de facto, que cette dernière était appelée à connaitre une importante carrière l’ayant amenée à tourner sous la direction de James Mangold, Curtis Hanson ou encore George Miller. Il résulte de ces têtes d’affiches un trio particulièrement attachant qui constitue l’autre qualité majeure du long métrage. Même si le reste de la distribution ne suit pas le même traitement de faveur. James Shigeta (Piège de Cristal) est ainsi réduit à imiter à Takeshi Kitano (avec lequel il tournera Aniki, mon frère trois ans plus tard) dans Johnny Mnemonic en pdg de multinationale malfaisante, tandis que les tueurs rednecks s’avèrent bien caricaturaux. Des défauts qui impactent l’ensemble, mais largement rattrapés par les qualités précitées et le soin apporté à la mise en scène. Le cinéaste épaulé par le steadycamer Keith Jordan (Torque, la route s’enflamme) propose une facture visuelle qui vise une certaine élégance. La manière d’orchestrer les interactions dans le cadre s’appuie sur des idées ingénieuses, notamment avec un miroir de poche. Autant d’éléments qui culminent lors d’un climax spectaculaire doublé d’un affrontement avec un guerrier interprété par Masaya Katô (également présent dans Aniki, mon frère) qui font du film de Steve Wang une belle réussite.

Suite à des différents artistiques, Overseas Film Group prendra la décision de remonter le film, faisant passer le métrage d’1H57 à 1H40 et remplaçant la musique de David Williams par celle de Walter Werzowa. Une situation qui provoquera le mécontentement de l’équipe. Malgré des négociations avec plusieurs distributeurs, dont Dimensions Films, pour une sortie en salles, Drive sortira directement en vidéo sur le territoire américain à l’été 1998. Entretemps le film avait déjà acquis une certaine réputation sur le marché vidéo international, l’Angleterre eu notamment droit au director’s cut, aujourd’hui disponible en Blu-ray, preuve de la solide réputation du film encore aujourd’hui. Si Dacascos, Hardison et Wang furent partants pour une suite et qu’un traitement centré sur une armée de cyborgs pourchassant nos héros dans Los Angeles fut envisagé par Scott Phillips les problèmes liés à Overseas Film Group mirent fin au projet. Des facteurs regrettables, d’autant qu’au vu de la qualité du métrage, une diffusion en salles aurait probablement attiré l’attention de l’industrie Hollywoodienne sur le talent de son équipe, notamment Steve Wang et Koichi Sakamoto. Néanmoins ces derniers continuèrent leur chemin. Le premier en poursuivant une brillante carrière dans le domaine des effets spéciaux qui lui vaudront l’admiration de ses pairs, notamment Guillermo del Toro. Le second deviendra un pilier du Tokusatsu aussi bien aux États-Unis que dans son Japon Natal. Tous deux se retrouveront en 2009 avec Scott Phillips et Mark Dacascos pour Kamen Rider: Dragon Knight, déclinaison américaine de Kamen Rider Ryuki.