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Informations sur l'oeuvre :

Avatar n’a laissé aucune trace dans la pop culture ?

2,79 milliards de dollars. C’était il y a 13 ans. Avatar devenait le roi du box office. Pourtant, pendant plus de 10 ans, le chef d’oeuvre de James Cameron a essuyé nombre de critiques. Non pas sur les qualités intrinsèques du film, dont il est possible de discuter avec un brin de mauvaise foi, mais sur une prétendue absence d’impact socio-culturel. Alors que la première de ses suites se profile à l’horizon, il nous a paru intéressant de remettre l’église au milieu du village.

Qu’est-ce qu’une « trace dans la pop culture » ? Des enfants qui rejouent des séquences du film dans les cours de récréation ? Une vaste gamme de jouets ? Des citations claires et nettes dans la littérature, le cinéma ou la télévision ? Des spectacles ? Des parcs à thèmes ? A en croire cet article de Forbes paru il y a quelques années, Avatar n’a laissé aucune trace, aucun héritage. Il ne s’agit que d’une comète venue anéantir le box office avant de disparaitre de tous les esprits… sauf que la réalité est toute autre. Certes, les petits nenfants ne jouent pas aux na’vis dans les cours d’école. Certes la petite gamme de jouets sortie par Mattel n’a pas rencontré un énorme succès, contrairement aux figurines offertes par McDonald’s dans ses happy meals. Mais quid de tout le reste ? Si on devait juger l’impact d’un film à l’aune des produits dérivés, de nombreux chefs d’oeuvres du 7ème art pourraient être considérés comme n’ayant « laissé aucune trace ». Or, Le Cuirassé Potemkine, L’aurore, King Kong, Citizen Kane, Rashōmon, Le Septième sceau, Huit et demi, Psychose, Lawrence d’Arabie, Il était une fois dans l’Ouest… sont devenus des chefs d’oeuvres indéboulonnables du 7ème art parce que ces derniers représentaient une forme d’aboutissement et faisaient évoluer ce média d’un point de vue technologique, esthétique ou narratif. Au point que l’influence de ces oeuvres est encore vivace aujourd’hui, parfois de manière totalement imperceptible, sans que cela ne soit conscientisé par les artistes ou le public. Le fil d’ariane que représente « l’héritage des films à travers le temps » est tel qu’une réflexion sur l’interprétation des images dans une oeuvre cérébrale comme Blow-Up se retrouve dans un thriller de science fiction comme Minority Report. C’est dans cette optique qu’il faut comprendre l’influence d’Avatar. Celle d’un film qui, au delà de son succès, a vu ses différentes facettes, de la mise en scène à sa direction artistique en passant par sa structure narrative, infuser sur l’ensemble de la pop culture de manière, tantôt ostentatoire, tantôt imperceptible. Et c’est paradoxalement son succès qui semble en faire une cible de choix.

Toruk

En décembre 2015 avait lieu à Montréal la première d’un spectacle titanesque nommé « Toruk – The First Flight ». Ce spectacle conçu par le Cirque du Soleil, réputé mondialement, a tourné dans toute l’Amérique du Nord jusqu’au début 2017, avec une soixantaine de villes visitées. Il est ensuite parti en tournée en Asie, en Océanie, et a sillonné l’Europe depuis fin 2018. C’est évidemment un succès colossal partout où passe le spectacle. Un succès dû à la « marque » Avatar plus qu’à celle du Cirque du Soleil, si on s’en tient à la mise en avant des deux sur les outils de communication du show.

Pandora – The World of Avatar

On pourrait s’arrêter après ce point. Combien de films ont suffisamment marqué leur temps pour avoir droit à leur propre parc d’attraction ? Et pas le petit parc au fin fond de la Creuse. Non, un bon gros parc des familles en plein dans le Disney’s Animal Kingdom en Floride. Avatar rejoint ainsi les grandes légendes Disney ou autres qui ont droit à leur propre site : Indiana Jones, Star Wars, Harry Potter… Le parc dans le parc présente 3 attractions majeures : Avatar Flight of Passage qui permet de voler sur un banshee, Na’vi River Journey qui permet de visiter la forêt de Pandora au milieu des plantes luminescentes et de créatures, et Valley of Mo’ara où il est possible de marcher autour des montagnes flottantes du film. Une façon de recréer une sensation constante des spectateurs d’Avatar : vivre dans un monde complètement nouveau. Aucune trace ? Aucun reste ? Vraiment ?

3D et cinéma virtuel

Cela a été dit et répété. Non seulement Avatar est un film immense sur le plan artistique, mais c’est également une véritable révolution technologique qui aura permis de démocratiser plusieurs procédés. Il n’est pas question d’assimiler un procédé technologique à un ressenti culturel. Mais depuis Avatar, et bien que cela se soit un peu calmé ces toutes dernières années, tous les plus gros succès de l’industrie cinématographique et tous les blockbusters créant des expériences de cinéma les plus intenses profitent de cet héritage. Sur les 20 plus gros succès de tous les temps, hors Avatar et Titanic, tous sont sortis après Avatar et seulement 2 n’ont pas été exploités en 3D. Quand vous allez voir un blockbuster aujourd’hui, en 3D, vous recherchez quelque part l’expérience d’immersion permise par le film de James Cameron. S’il n’a pas inventé le cinéma en relief, il l’a plus que popularisé, notamment grâce à la Fusion Camera System qu’il a développé avec Vince Pace. Cette dernière fut mis en avant dans la promotion de certaines productions comme Resident Evil: Afterlife. Par ailleurs Cameron n’hésitera pas à accompagner des cinéastes afin promouvoir la stéréoscopie, notamment Martin Scorsese sur Hugo Cabret. Avec un succès moindre mais de belles cotes de popularité, des films tels que Le Livre de la jungle, La Planète des singes: les origines, l’affrontement et Suprématie, ou Gravity, bénéficient quant à eux des évolutions dans le cinéma virtuel et la performance capture permises par Avatar. Sur ce point également, Avatar est un film pionnier. Non pas que James Cameron ait inventé le cinéma virtuel et la performance capture, technologies qui doivent pour l’essentiel aux travaux de Robert Zemeckis, mais il les a poussées à un niveau jusque là jamais atteint. De sorte à marquer durablement toute une industrie, grâce évidemment à son succès populaire. Pour rappel, la performance capture, issue de ce qu’on a longtemps appelé la motion capture, permet de capturer un jeu d’acteur complet, de ses mouvements à ses expressions et donc ses émotions, afin de les reproduire à la perfection sur des modèles numériques. Dans le cas d’Avatar, cette technologie s’avère intimement liée à l’un des propos du film et n’a donc rien d’un gadget. Quant au cinéma virtuel, autre procédé fascinant, il permet tout simplement de capturer tout un set lors du tournage afin de libérer la caméra des contraintes de la physique, et de briser ainsi la frontière entre le cinéma live et le cinéma d’animation. Une évolution qui aura également fait école, et qui continue d’être améliorée, et qui sera utilisée dans un nombre incalculable de films ou même de séries TV à gros budget tant elle ouvre un champ des possibles qui semble infini. Alors oui, les enfant ne jouent pas aux Na’vis dans les cours d’écoles, mais vous aurez du mal à trouver un de leurs films préférés sortis depuis 2009 qui ne bénéficie pas des avancées technologiques d’Avatar.

Empreinte visuelle

On en vient là au gros morceau. Il y en a toujours qui ne souhaiteront voir en Avatar qu’une compilation d’inspirations diverses, de Pocahontas à Aquablue, en passant par des éléments réels venus de la nature. Soit, et bonne chance pour trouver un seul film qui ne bénéficie pas de la culture propre à son auteur. Mais en réalité, le film de James Cameron, notamment avec sa direction artistique venue d’ailleurs, a imposé de nombreux canons visuels. Si le film fut un succès si gigantesque, c’est en grande partie grâce au monde qui a été bâti de toutes pièces, et car on n’avait jamais autant ressenti cette impression de réel, de croire à cet univers dans lequel on semblait vraiment poser nos pieds tout en restant confortablement assis dans une salle de cinéma. La densité de sa végétation omniprésente, ses créatures hybrides, les éléments bioluminescents, son festival de couleurs dans un cinéma devenu si terne… autant d’éléments qui ont durablement marqué toute une industrie et au niveau mondial tant le nombre de productions proposant leur « moment Avatar » n’a cessé de croitre. Si le premier Dragons, en production depuis de longs mois à la sortie d’Avatar, ne peut pas être accusé d’avoir pompé quoi que ce soit, le très beau Dragons 3 : Le monde caché ne peut pas cacher son inspiration pour le monde caché en question. Et c’est tant mieux. De la même façon, l’excellent film Les Croods, lorsque la famille découvre tout un nouvel univers après le tremblement de terre, s’abreuve également du visuel du film de James Cameron (mais également de sa mise en scène lors de la course avec l’oeuf). Récemment, toute une séquence d’Encanto y faisait référence visuellement, tandis que cette petite merveille de Peuple loup signé Tomm Moore et Ross Stewart revisitait en quelque sorte le concept même du film, avec un message s’en rapprochant énormément. Les exemples sont nombreux, le but n’est pas d’en faire une liste exhaustive. Mais le cinéma d’animation puise énormément dans les ressources d’Avatar qui semble avoir ouvert une porte.

Il n’y a pas que le cinéma d’animation qui s’inspire allègrement de cet enchantement visuel et thématique. Côté cinéma live, le malheureusement déjà oublié Pan de Joe Wright ou le très oubliable Black Panther de Ryan Coogler contiennent leur lot de séquences directement inspirées, voire carrément pompées, d’Avatar. Valérian et la Cité des Mille Planètes, le projet mégalo de Luc Besson, était conçu comme « son Avatar ». Un décor majeur de Jack le chasseur de géants de Bryan Singer reprend le concept des terrains flottant dans les airs, Aquaman de James Wan pompe copieusement la direction artistique, tandis que Maléfique propose également des décors face auxquels il est bien difficile de ne pas voir de rappel. Mais concernant ce dernier, le fait qu’il soit réalisé par Robert Stromberg, chef décorateur sur Avatar, explique la filiation, d’autant plus que dans la foulée du film de James Cameron il a travaillé sur les décors numériques d’Alice aux pays des merveilles et Le monde fantastique d’Oz. On citera également, car les clins d’oeils entre pionniers font toujours plaisir, toute une scène nocturne de L’odyssée de Pi qui rappelle fortement le chemin emprunté par Jake et Neytiri. Bien entendu, James Cameron n’a pas « inventé » la bioluminescence par exemple. Pour toutes ces créations, il s’est inspiré du vivant. Mais il a clairement contribué à rendre ces éléments suffisamment cool pour mériter d’apparaître dans tout un tas de films majeurs. D’ailleurs, même notre cher Alain Chabat a ouvertement cité le film comme influence majeure de Sur la piste du Marsupilami.

Sans oublier le fait qu’il est impossible aujourd’hui de se rendre à une installation artistique sur la bioluminescence, sans que le public ne glisse du bout des lèvres le titre du dernier film de James Cameron, que « tout le monde a oublié ».

Mais c’est également le cas au niveau de la mise en scène qu’Avatar a redistribué quelques cartes, discrètement. Notamment à travers ses séquences de vol et des batailles aériennes, où son approche très immersive de l’action, dans son mouvement, incluait une forme de zoom donnant une impression de pris sur le vif. Une technique qui n’était pas nouvelle qui avait par exemple toute sa place dans le cinéma des années 70, et qui participait notamment à la réussite de The Blade, mais qui appliquée à ce genre de séquences aériennes apportait un vent de fraicheur et d’instinctivité. Et bien entendu, on a retrouvé ce genre de mouvement dans de nombreux blockbusters sortis depuis, en particulier les plus belles du Réveil de la force avec le Faucon Millenium, les combats spatiaux des Gardiens de la galaxie, quelques scènes d’Elysium ou les séquences de voltige de la saga Dragons. Cependant c’est Steven Spielberg qui saura le mieux apprivoiser ce type de mise en scène afin de conférer au chaos des scènes d’actions une lisibilité impossible à retranscrire dans le cinéma live. C’est justement les possibilités offertes par les équipes de Weta sur Avatar qui pousseront le cinéaste à ressortir des cartons son adaptation de Tintin, au point que ce projet va totalement chambouler son approche de la mise en scène et infuser grandement sur ses oeuvres ultérieures. Une émulation artistique qui va pousser également certains cinéastes comme Peter Jackson et Ang Lee à tenter l’aventure du Hfr, avec respectivement la trilogie du Hobbit, Un jour dans la vie de Billy Lynn et Gemini Man. Une technologie injustement décriée et pourtant fascinante à plus d’un titre, qui constitue l’un des grands défis des suites d’Avatar. Le concept même d’Avatar, sa mise en scène et une grande partie de sa direction artistique seront même les fondations du film de SF mal-aimé de M. Night Shyamalan, After Earth.

Dans le domaine du jeu vidéo, Avatar a également laissé une empreinte. Peut-être plus subtile, mais non négligeable. Ainsi, il est bien difficile de ne pas voir des échos de Pandora dans les décors d’Horizon Zero Dawn et Horizon Forbidden West, ou même dans les créatures (bien qu’il s’agisse de machines). Récemment, la première section de l’arbre sacré de Miquela dans Elden Ring , où le joueur doit se déplacer sur des branches immenses, rappelle forcément quelques scènes d’Avatar. Tout comme le niveau de l’arbre des origines dans Star Wars Jedi : Fallen Order. Et c’est bien sur sans même parler du jeu Avatar: Frontiers of Pandora qui doit sortir cette année et qui permettra donc au joueur de se balader sur la planète Pandora…

On en arrive au point le plus névralgique : le scénario. Pourtant si décrié pour son apparente simplicité. L’influence de ce dernier est considérable sur la décennie écoulée. L’une des grandes forces de Cameron est de parvenir à faire accepter à une large audience des concepts issus de courants artistiques alternatifs et marginaux. L’un des meilleurs exemples étant le T-1000 de Terminator 2 – Le jugement dernier. Un personnage provenant directement du Body Horror, popularisé notamment par David Cronenberg, que Cameron est parvenu à rendre accessible sans pour autant renier le malaise surréaliste qu’il suscite. Avatar, sous couvert d’une fresque épique, est avant tout le récit d’un personnage brisé par la vie, au sens littéral, qui va devoir passer par une introspection psychique à travers l’univers de Pandora afin de se reconnecter au monde qui l’entoure pour espérer revivre à travers un nouveau corps et ainsi effacer un douloureux trauma. Un pur récit de SF mental, déjà vu de nombreuses fois par le passé, notamment chez Philip K. Dick, mais qui chez Cameron prend des allures de récit thérapeutique pour Jake Sully et le spectateur. Avatar se rapproche d’avantage du Maître des rêves de Roger Zelazny, voire même du roman onirique Peter Ibbetson de George du Maurier adapté au cinéma par Henry Hathaway en 1935. Une structure de science fiction thérapeutique, jusqu’à présent exploitée avec brio par Hideaki Anno sur son oeuvre phare Evangelion. Comme chez Cameron, il est question d’un être brisé par la vie en conflit avec une force paternelle qui va devoir passer par une introspection psychique via un corps étranger pour espérer se reconnecter au monde. C’est justement cette idée d’introspection psychique et de reconnection au monde, notamment via un corps étranger, que Cameron va faire sienne et infuser sur le reste de la production des années 2010 : Cloud Atlas, Pacific Rim, Her, Vice-versa, Sense8, Ready Player One, Maniac, Bienvenue à Marwen, WandaVision… . Quand d’autres productions vont utiliser le fait de piloter un corps étranger comme un gimmick horrifique : Get Out, Possessor, Doctor Strange in the Multiverse of Madness… . Cependant l’idée qui a toujours animé le cinéma de Cameron : Un pied dans le passé, l’autre dans l’avenir, lui permet de faire accepter ses défis technologiques, et se retrouve dans les trois volets de La planète des singes. Dans ces derniers c’est tout un pan du cinéma d’autrefois : le péplum, le western… qui est convoqué pour faire adhérer émotionnellement le spectateur aux singes issus de la performance capture, à l’instar des na’vis d’Avatar. Côté récupération mercantile Transformers 3 et surtout les productions du MCU reprendront ad nauseam le climax d’Avatar où un vaisseau assiégé se crashe de façon spectaculaire.

Il est donc absurde, et faux, d’affirmer qu’Avatar n’a laissé aucune trace. Il fait partie de ces rares films qui ont au contraire marqué durablement. Il y a même des communautés entières qui parlent le Na’vi. Combien d’autres films ont inventé un langage ? Et pour apporter un peu d’eau à notre moulin, on apprend que le teaser d’Avatar : la voie de l’eau a été vu près de 150 millions de fois en 24 heures. Pas mal pour une franchise oubliée, non ? Mais pour les rageux qui considèrent qu’une marque dans la pop culture se limite à des produits dérivés ou autres, rassurez-vous, la franchise étant dorénavant une propriété de Disney, tout cela va considérablement changer. La société étant avant tout maître dans l’art du marketing et de la capitalisation sur ses licences. En attendant, prenons les paris : combien de blockbusters contiendront d’imposantes séquences sous-marines après décembre 2022 ?

Merci à Yoan Orszulik, Cédric Belconde et Vanessa Seva pour leur aide à la rédaction.

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