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Star Wars : pourquoi ça fonctionne dans L’empire contre-attaque ?

La sortie en salles des Derniers Jedi de Rian Johnson est l’occasion de revenir sur la saga Star Wars imaginée par George Lucas il y a 40 ans. Au lieu d’une simple critique, l’auteur de ces lignes a préféré évoquer ce qui a permis à L’empire contre-attaque, l’opus préféré de nombreux fans, de traverser le temps.

Lorsqu’il commence à jeter les bases de L’empire contre-attaque à la fin des années 70, George Lucas ne veut pas de nouveau subir le calvaire physique et mental qui l’a connu pendant plusieurs années sur le premier Star Wars, La guerre des étoiles. S’il reste présent à l’écriture pour lancer de nombreuses idées, Lucas s’entoure d’une personne extrêmement compétente, Leigh Brackett. Cette dernière a le double avantage d’être une romancière de science fiction respectée par ses confrères comme Ray Bradbury, ainsi qu’une scénariste prestigieuse ayant collaborer avec Howard Hawks à de nombreuses reprises, notamment sur Le grand sommeil et Rio Bravo. Malheureusement le décès de cette dernière obligera Lucas à se tourner vers Lawrence Kasdan, jeune scénariste ayant vendu Continental Divide à Steven Spielberg, pour peaufiner le script.

Ce dernier met un point d’honneur à ce que ses nouveaux apports centrés sur l’action, ne dénaturent le travail de sa prédécesseur. Lucas confie de nouveau la production à son associé Gary Kurtz, tandis que Irvin Kershner, son ancien professeur à l’USC hérite de la réalisation. Artisan de la vieille école, ayant étudié l’Islam, et dont les croyances lorgnent vers le bouddhisme, Kershner trouve à travers ce prisme spirituel un point d’entente avec Kurtz, bien décidé à faire de cet aspect le point central de cette suite. Ainsi l’équipe pensante de L’empire contre-attaque poursuit la créativité collective entreprise sur Star Wars, où chacun enrichit le film d’un apport personnel. Une filiation entre le savoir faire des artisans de l’âge d’or hollywoodien et les expérimentations de leurs successeurs.

Cette approche syncrétique se retrouve dans le résultat final. Dès son introduction, L’empire contre-attaque prend le contre pied de son prédécesseur. La tonitruante poursuite du vaisseau diplomatique laisse place à un croiseur impérial naviguant sereinement dans l’espace, faisant comprendre instinctivement au spectateur que la destruction de l’étoile noire n’était qu’une petite victoire. Le climat polaire de Hoth, son visuel épuré, contraste avec la fourmillante Tatooine. Luke est capturé par un Wampa le mettant aussitôt en position de faiblesse. Lorsqu’il réapparaîtra ce sera la tête en bas et les jambes en l’air. Une position qu’il retrouvera à deux reprises dans le film, étroitement liée aux troubles qui l’assaillent face à la force. Le novice Luke Skywalker de La guerre des étoiles laisse place à un élève malmené en permanence, au point que Han Solo devra le sauver. Chaque protagoniste a évolué depuis le précédent volet. Solo commence a délaisser son narcissisme tandis que Leia est devenue général. Le film déjoue constamment les attentes du spectateur, allant jusqu’à placer sa spectaculaire bataille en conclusion du 1er acte. La suite de l’histoire comprend deux intrigues parallèles, l’apprentissage de Luke et la traque du faucon millenium. Les personnages connaitront des dilemmes moraux et psychologiques qui auront un impact sur eux et la suite de leurs aventures.

À contrario de Star Wars, l’ambiance se veut plus intimiste et sombre. Kershner et Kurtz ayant parfaitement compris que Luke est un miroir du spectateur avide d’aventures, ils vont le confronter à son matérialisme et son cartésianisme. Comme le spectateur, Luke ne s’attend pas à ce qu’un lutin facétieux se révèle être un grand maitre spirituel. L’approche relativement sobre de la mise en scène et le sérieux apporté à l’écriture de Yoda, permettent à ce dernier de gagner immédiatement le respect des spectateurs. À travers deux scènes clés, la caverne et le X-wing sortant des eaux, Luke, comme le public, est confronté à des dilemmes spirituels. La part sombre tapie en chacun de nous et le refus de croire à l’extraordinaire. Le spectateur sort d’une zone de confort narcissique pour découvrir un univers bien plus vaste et psychique s’offrant à lui, pour peu qu’il accepte la remise en question. Cette optique fait de L’empire contre-attaque est une vraie anomalie ésotérique. L’autre arc narratif centré sur l’idylle entre Leia et Solo fonctionne par extrapolation. Qu’il s’agisse de la poursuite dans le champ d’astéroïdes ou du ver géant, ces scènes accentuent la tourmente des personnages et ne peuvent que resserrer les liens entre eux. Le déplacement des vaisseaux spatiaux évoque d’avantage des ballets de danse que les combats de la seconde guerre mondiale sur lesquels prenait appui le précédent volet. Un lyrisme rendu possible par la cohérence des choix artistiques. Des décors à la musique, tout est fait pour favoriser l’immersion du spectateur. Quand à l’omniprésence de l’empire galactique, elle se caractérise par trois aspects. Le travail sur les perspectives autour du super croiseur impérial filmé en contre plongée, The Imperial March de John Williams et la silhouette de Vador se fondant aux étoiles pour montrer son omniprésence dans la galaxie. Une idée simple mais qui témoigne du soin apporté au personnage.

Le dernier acte dans la cité des nuages clôt les enjeux psychologiques des protagonistes tout en offrant un champ des possibles appelé à être développé ultérieurement. La résolution de ces arcs passent par de simples phrases. « Je sais » pour Leia et Solo, ainsi que « Je suis ton père » pour Luke Skywalker. Le combat opposant Luke à Vador fait écho à celui dans la caverne, et repose sur des contrastes visuels forts qui doivent beaucoup à l’atmosphère expressionniste : clair obscur, fumée omniprésente… du chef opérateur de Peter Suschitzky, ancien collaborateur de Ken Russell et Peter Watkins, qui éclairera par la suite les œuvres de David Cronenberg. La révélation finale est d’autant plus marquante qu’elle joue sur plusieurs degrés de lecture. La tourmente de Luke, celle du spectateur, voire celle de George Lucas. En dehors du twist, Kershner et son équipe ont créé une forme de catharsis ultime.

De la même manière que Michael Corleone devint l’ombre de lui même à la fin du Parrain 2, la fin de L’empire contre-attaque interroge longuement le spectateur. Ce dernier aurait-t’il choisi de rejoindre son passé maladif en s’alliant à Dark Vador ou bien aurait-t’il accepté d’y mettre un terme en sautant dans l’inconnu ? D’autres opus ont vu le jour mais tous les spectateurs sont restés coincés sur cette scène. Luke face à l’abime représentant le dilemme de tout à chacun. La réussite de L’empire contre-attaque repose sur une écriture exigeante qui épure progressivement son intrigue pour arriver à un duel aussi intime qu’universel. Le tout servi par une fabrication beaucoup plus soignée et un cinéaste transcendé par son sujet.

En dépit d’un amusant 1er acte incorporant une imagerie BDSM dans un spectacle familial, Le retour du Jedi peinera à retrouver la même profondeur que son prédécesseur. La prélogie que certains tentent aujourd’hui de sauver en se focalisant sur les enjeux politiques, soit le degré zéro de l’analyse cinématographique, témoigne de la tragédie autodestructrice de George Lucas. Un intellectuel ayant révolutionné le cinéma avec une création l’ayant totalement dépassé, mettant un terme à la carrière de «Jean-Luc Godard américain» à laquelle il se destinait, pour devenir à l’instar de son père, avec lequel il était en conflit, un vendeur de jouets. Une relation amour-haine vis à vis de sa création qui aboutira au rachat de sa boite de production indépendante Lucasfilm par la multinationale Disney.

Malgré l’intention fort louable de Rian Johnson de casser le moule établi par J.J. Abrams, Star Wars : Les derniers Jedi échoue sur tous les fronts. Faute d’une intrigue concise, d’enjeux traités avec sérieux et d’une thématique spirituelle digne de ce nom. Les rares bonnes idées étant systématiquement sabordées sur l’autel d’un humour méta typique de la tendance actuelle et de scènes autrefois réservées aux amateurs de déviances cinématographiques. Johnson n’étant pas le Tsui Hark de Piège à Hong Kong, à savoir un cinéaste capable d’envoyer un bras d’honneur au système en prenant un plaisir communicatif à expérimenter, sa démarche, verrouillé par Bob Iger, est condamnée à l’échec.

Il est temps de laisser Star Wars s’éteindre en paix.

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