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La Frappe – Critique

Inattendu, le premier long métrage du jeune Yoon Sung hyun aura fait l’effet d’une bombe. Un de ces films que personne n’avait vu venir et qui porte la marque des grands en devenir. La Frappe est une vraie claque.

La Corée du Sud a ceci de particulier qu’elle est un vivier assez exceptionnel pour découvrir des cinéastes qui peuvent marquer leur temps. Régulièrement, tandis que le reste du monde s’essouffle, des jeunes talents y émergent sans signes annonciateurs. La Frappe c’est un peu le même impact que The Chaser quelques années avant lui. C’est à dire la sensation d’assister à la naissance d’un futur grand doté d’une maturité peu commune dans son utilisation de la grammaire cinématographique. Pas un petit malin sur de ses effets de style, mais un vrai metteur en scène qui possède déjà quelque chose de solide dans son approche. Bien sur, comme beaucoup de premiers films, celui de Yoon Sung hyun n’est pas parfait. Mais quelque chose se passe et ses faiblesses deviennent rapidement des atouts. Au premier abord, La Frappe prend la forme d’une enquête – celle d’un père qui veut comprendre comment est mort son fils – mais sous ses airs de polar adolescent se dessine un drame d’une puissance assez inattendue, et notamment dans sa peinture d’une certaine jeunesse. Une jeunesse coréenne à l’écran bien entendu, mais le constat n’est pas nécessairement lié à une culture particulière. À la fois un modèle d’efficacité dans l’écriture et d’audace dans la mise en scène, le premier long métrage de Yoon Sung hyun, produit par la KAFA [1]Korean Academy of Film Arts, est une énorme surprise.

La Frappe c’est un récit d’une simplicité effarante mais c’est pourtant un scénario brillantissime. Ou aura vite fait de taxer Yoon Sung hyu de petit malin mais la déconstruction qu’il opère dans cette histoire est assez géniale, rejoignant presque les plus grands films puzzles. En effet, s’il n’y a rien de bien original à couper un récit dans tous les sens pour le remonter sans ordre chronologique précis, cela sert dans le cas de La Frappe la construction d’un personnage. Celui de Gi-tae, qui occupe l’espace en permanence, y compris dans les séquences se déroulant dans le présent, après son décès. Cette construction à priori chaotique relève du travail d’orfèvre afin de dresser le portrait d’un adolescent complexe, mais pas seulement. C’est en utilisant un ressort là encore classique, celui des personnages secondaires gravitant autour de lui, que se dessine ce portrait impossible à définir autrement. Ce qu’il y a d’absolument génial là-dedans est l’omniprésence du mystère et des faux-semblants. De la relation entre le père et le fils aux rapports d’amitié entre Gi-tae et sa bande de potes, tout n’est que masques d’une réalité bien plus sombre. En cela La Frappe s’avère tout à fait bouleversant quand la totalité de l’intrigue s’ajuste. On pouvait plus ou moins s’attendre à un récit noir, mais peut-être pas aussi désespéré. Le deuil, la tristesse, et une certaine nostalgie se transforment au fil des minutes, et ce deux heures durant, en un concentré d’amertume et de haine. L’impossibilité pour ces personnages à créer autre chose que des relations, qu’elles soient amoureuses ou amicales, profondément destructrices au pire des niveaux, s’immisce comme un poison dans l’oeil et l’esprit du spectateur qui ne voit jamais la moindre issue positive à ce film. Cette sombre nuit (le titre international est « Bleak Night » porte donc plutôt bien son nom tant il est rare de voir un portrait aussi désenchanté de la jeunesse que ne renierait pas le Gus Van Sant des grandes heures par exemple. Une vraie démonstration de « No future » qui laisse un goût amer lorsqu’enfin le générique de fin vient délivrer le spectateur.

Et si Yoon Sung hyun se plait à détruire les repères temporels dans la construction de son récit, il en fait de même avec les repères visuels. De la première scène qui utilise intelligemment le flou jusqu’au plan final, il assume complètement des choix de mise en scène radicaux qui éliminent intelligemment toute fluidité. Caméra à l’épaule et dans des plans généralement longs, son but est clair : secouer le spectateur. Un peu trop parfois car certaines scènes auraient mérité un peu plus de lisibilité. Mais dans l’ensemble, c’est d’une efficacité redoutable avec un découpage non pas pensé sur des cuts mais sur des mouvements de caméra très rapides. Le résultat donne une impression de pris sur le vif assez claire et qui colle parfaitement à la violence globale du propos. Et cela n’empêche pas le jeune réalisateur de soigner sa photo ou de construire des plans très habiles, jouant toujours sur la perception à travers le second plan ou des décadrages brutaux. Alors bien sur il y a parfois l’impression de se trouver face à une œuvre brouillonne, ou un peu trop maligne pour être complètement honnête. Mais la magie du cinéma naît souvent de la manipulation du spectateur par la narration et la mise en scène, et on assiste là à une démonstration assez virtuose de ce principe fondamental. Encore un jeune réalisateur dont faudra garder le nom en mémoire, car il est rempli de magnifiques promesses.

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1 Korean Academy of Film Arts
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En résumé

Inattendu, le premier long métrage du jeune Yoon Sung hyun aura fait l'effet d'une bombe. Un de ces films que personne n'avait vu venir et qui porte la marque des grands en devenir. La Frappe est une vraie claque. La Corée du Sud a ceci de particulier qu'elle est un vivier assez exceptionnel pour découvrir des cinéastes qui peuvent marquer leur temps. Régulièrement, tandis que le reste du monde s'essouffle, des jeunes talents y émergent sans signes annonciateurs. La Frappe c’est un peu le même impact que The Chaser quelques années avant lui. C'est à dire la sensation d’assister à la naissance d’un futur grand doté d’une maturité peu commune dans son utilisation de la grammaire cinématogra
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