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Énième tentative de réappropriation des codes du cinéma de genre par un cinéma français persuadé d’être intello, Grave est l’exemple typique de la baudruche de festival. Un film qui n’a rien à raconter qui n’a déjà été raconté ailleurs et en mieux. Et qui le raconte assez mal, perdu entre une mise en scène qui ne se trouve jamais, une direction d’acteurs catastrophique et une succession d’idées plus idiotes les unes que les autres.

Depuis sa présentation à la Semaine de la Critique à Cannes en 2016, Grave a écumé les festivals. Plus d’une vingtaine, du TIFF à Sundance, en passant par le NIFFF et Gérardmer. Le plébiscite fut total à chaque fois. Un film choc. Un renouveau du cinéma de genre. Encore quelques festivals et Julia Ducournau était la fille issue du trouple Stanley Kubrick, John Carpenter et David Cronenberg. Ce dernier est d’ailleurs une influence majeure revendiquée par l’apprentie réalisatrice, dont l’assurance dans les propos (« Je vois en Grave une tragédie antique moderne ») contraste avec la pauvreté de la mise en œuvre. Le problème de ce film est qu’il n’est pas le fruit d’une réaction instinctive à un questionnement philosophique ou physiologique. A l’inverse d’un Cronenberg fasciné par la science et le corps humain depuis son enfance, ou d’une Marina De Van, qui avec le troublant Dans ma peau traduisait un réel malaise psychologique et faisait sa thérapie, Julia Ducournau ne porte pas en elle quelque chose de suffisamment fort pour le traduire par des images. Elle est simplement la fille d’une gynécologue et d’un dermatologue (cf. diverses interviews de la réalisatrice qui justifie ainsi son lien intime avec le sujet de son film). Voilà la profonde origine de Grave. Du vent. Dès lors, son film ne peut avoir qu’un impact limité. C’est pourquoi elle joue la carte de la surenchère dans des séquences pensées et construites comme « choquantes ». Mais dont l’unique but est de choquer, et non de traduire nécessairement quelque chose de fondamental au sein du récit. Mais de choquer gentiment quand même, car il n’y a pas une seule scène qui ferait détourner le regard de l’amateur de cinéma horrifique à tendance cannibale. Il s’agit en somme de choquer le bourgeois, en disséminant dans un petit drame tout ce qu’il y a de plus classique dans le jeune cinéma d’auteur français, une poignée de scènes censées déranger.

Quand le cul ne fait plus recette, on rameute l’horreur. Mais on garde quand même un peu de cul, car il s’agit d’un « coming of age movie ». Un récit initiatique sur une adolescente qui devient adulte. Et devenir adulte, dans ce satané cinéma français, ça ne peut pas se passer autrement que par le sexe. Alors avec en plus la possibilité de montrer au regard pervers du spectateur le corps dénudé d’une jeune fille de moins de 20 ans… le bingo est complet. Et les louanges pleuvent. Pourtant, il convient d’y regarder de plus près. Ce récit initiatique ne propose absolument rien d’original, l’épanouissement dans la violence et le sang ayant déjà été largement traité au cinéma. De même qu’un héritage familial malsain, sauf qu’il est généralement question d’en sortir et non de s’y complaire. La réalisatrice a beau répéter l’importance du travail sur le corps de son actrice, sa façon de se tenir, son regard… on passe d’une jeune fille assez sure d’elle à un être qui baisse les yeux mais se comporte comme une bête de foire à la première goutte d’alcool. D’un personnage intelligent, brillant, on passe à un autre qui va suivre son idiote de sœur sans réfléchir, en se laissant aller à des pulsions déraisonnées. Pourquoi pas après tout. Mais quel serait le message ? Grandir c’est devenir con ? Manger de la viande c’est devenir un monstre ? La période d’intégration à l’université réveille les plus bas instincts chez les élèves les plus brillants ? Il est étonnant de voir un personnage régresser ainsi. De la même façon qu’il est étonnant de voir dans ce film très sérieux, très austère même (photographie très froide, mise en scène étriquée, bande-son dissonante qui crée trop le malaise…), nombre de séquences ridicules de bêtise. Une discussion sur un toit qui se termine avec les deux sœurs qui pissent debout. Une scène d’épilation du maillot avec la grande sœur qui vient mettre sa tête dans l’entrejambe de sa cadette, avant que le chien ne vienne à son tour renifler la culotte de la jeune Justine… (que c’est transgressif). Le fantasme de la jeune fille hétéro qui veut se taper son coloc gay, et qui y arrive. Si c’est sérieux, c’est débile. Si c’est de l’humour, ce n’est pas très drôle. On y trouve également une variation insipide de la douche de sang de Carrie, quelques plans gores sans le moindre impact, une scène incompréhensible avec des cheveux et bien évidemment le passage obligé de la scène de soirée avec plein de jeunes à moitié nus. Un classique que ces pseudo-orgies que sont les soirées étudiantes.

Grave n’a rien d’un film choc. Julia Ducournau ne représente aucun renouveau et Garance Marillier n’est pas une « révélation ». Avec sa direction d’acteurs hasardeuse et ses dialogues imbuvables, sa mise en scène qui rend pas trop mal en photo mais s’avère neurasthénique en mouvement, et la bêtise cosmique de trop nombreuses séquences, Grave passe à côté de son sujet. Il y a bien une volonté d’échapper au cloisonnement des genres et qui est tout à fait noble, mais il s’agit globalement d’un projet malhonnête. A moins que ce ne soit la communication ayant entouré sa sortie qui le soit. Quoi qu’il en soit, ce film de Julia Ducournau n’est ni plus ni moins qu’un teen movie dramatique teinté de scènes pour choquer le bourgeois. Grave ne provoque ni malaise ni dégoût. Il n’apporte rien de nouveau au sujet tant de fois traité du rite initiatique pour passer à l’âge adulte. Un film très blanc et qui sexualise les jeunes filles, et qui n’a donc rien de moderne ou de percutant dans sa forme comme dans son discours. On peut se désoler devant la pauvreté du cinéma de genre en France, c’est vrai. Mais ce n’est pas avec des films comme Grave, pensés pour draguer ceux qui n’aiment pas le cinéma de genre justement, que les choses vont bouger dans le bon sens. A titre de comparaison, toutes proportions gardées, la Suède et Tomas Alfredson nous balançaient Morse dans la gueule il y a bientôt 10 ans. Et dans le genre du drame horrifique froid comme la mort avec un discours sur les rites de passage, c’était un chef d’œuvre qui revisitait complètement le genre. Tout l’inverse de cet insipide et inoffensif Grave.

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Auteur

Gigantesque blaireau qui écrit des papiers de 50000 signes absolument illisibles de beaufitude et d'illettrisme, d'après Vincent Malausa.

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