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En trois films, Jim Mickle s’est imposé comme une des figures majeures du cinéma de genre indépendant américain, en particulier grâce au formidable Stake Land. Il y a 5 ans, il passait par la Quinzaine des réalisateurs avec son premier thriller, un projet qui le hantait depuis une dizaine d’années. En adaptant Joe R. Lansdale, il signe une série B particulièrement réjouissante et imprévisible, s’appuyant autant sur un scénario malin que sur un casting exceptionnel.

Réunir à l’écran Michael C. Hall, un des acteurs de série TV parmi les plus importants depuis 15 ans (Six Feet Under et Dexter) et les légendes Sam Shepard et Don Johnson suffirait déjà à doter Cold in July d’un très fort potentiel sympathie. Mais les voir évoluer devant la caméra de l’imprévisible Jim Mickle d’après un roman de Joe R. Lansdale (l’auteur derrière le petit chef d’œuvre Bubba Ho-Tep), cela donne presque un projet de rêve, de quoi produire un film coup de poing entre l’hommage à un glorieux passé et un modernisme hardcore. Et c’est un peu ce qui se passe, Cold in July embrassant le cadre de la série B dans ce qu’elle a de plus noble, à travers de beaux personnages, une mise en scène tout en élégance et un récit qui sort des sentiers battus pour créer sa propre singularité. Âpre, violent, très noir, mais également très drôle et ponctué de séquences chocs et de choix graphiques radicaux, le dernier Jim Mickle ne déçoit pas, bien au contraire.

La grande force de Cold in July réside dans la construction de ses personnages qui échappent tous au carcan précis et étroit auquel ils semblaient prédisposés. Dans les faits, cela se traduit par un film qui change volontiers de direction, brutalement, et joue sur les ruptures dans la narration. Ainsi, tout démarre comme dans un home invasion lambda, puis vire à un sous-A History of Violence, avant de prendre une toute autre direction franchement surprenante, du buddy movie au revenge movie, sans jamais choisir un camp et pour mieux jouer sur l’effet de surprise. Et si le récit change si souvent de voie, c’est qu’il s’appuie sur des personnages loin d’être figés dans des archétypes. L’anti-héros, le bad guy old school, le détective privé à l’accent de cowboy… de ces figures imposées, Jim Mickle va tirer des personnages complexes en jouant avec la perception et l’empathie du spectateur jusqu’à ce qu’aucun ne soit ni tout blanc ni tout noir, que le plus sombre devienne le plus lumineux et vice versa. Ce jeu permanent avec des motifs classiques sert une narration extrêmement maîtrisée, qui ose volontiers l’ellipse pour mieux impliquer le public, et participe à bâtir ce qui ressemble à une tragique descente aux enfers, littéralement tant le dernier acte se réapproprie un langage et des codes couleurs qui semblent venir tout droit de chez Argento.

De quoi permettre au réalisateur de franchement se lâcher en terme de violence, grâce à une rupture totale avec la notion de réalisme. Par exemple, la première véritable gerbe de sang impactera l’image en lui imprimant un filtre rouge violent, et chaque pièce du décor final sera composée d’une couleur primaire. Au-delà de l’exercice de style que cela représente au niveau de la lumière, tout cela a du sens par rapport au récit et à la spirale dans laquelle s’embarquent des personnages ne sachant pas vraiment où cela va les mener. A l’exception peut-être du personnage de Sam Shepard, sorte de sage déguisé en vieux gangster, dont le destin semble scellé dès qu’il découvre une atroce vérité. Le film joue énormément sur la notion de famille et plus particulièrement le rapport père-fils, Cold in July étant un film majoritairement peuplé d’hommes. Cependant, loin d’être théorique, le film avance plutôt sur le fil d’un premier degré absolu et donc d’une émotion parfois très intense liée aux décisions tragiques que doivent prendre les personnages.

C’est un peu la marque de Jim Mickle quand il est au meilleur de sa forme : injecter énormément d’humain dans son récit afin de le faire s’extraire du genre pur et dur, même si en l’état, Cold in July est un merveilleux thriller jusqu’au-boutiste et osant à peu près toutes les fantaisies permises par son univers. Et ce jusque dans son final assez troublant, plein d’incertitudes concernant l’avenir de ces personnages définitivement brisés et/ou dont la nature a profondément changé. Michael C. Hall y est assez épatant, qu’il joue la béatitude de cet hommes se retrouvant au contact de criminels ou la paranoïa la plus oppressante. Et il est plutôt bien entouré avec un Sam Shepard qui sort une prestation des grands jours et incarne une figure paternelle multiple, complexe, torturée dans sa chair, et un Don Johnson resplendissant comme à la grande époque, mais également dans un rôle bien plus tordu qu’il n’y parait, se révélant complètement lors de la séquence de visionnage d’une terrible vidéo. Des personnages forts, qui donnent toute son identité à ce récit hors du temps, ponctué de saillies très 80’s jusque dans l’utilisation d’une musique électronique qui n’est pas sans rappeler celle de John Carpenter (dont New York 1997), et qui s’impose comme une vision très sombre et nihiliste des rapports familiaux, dans ce qu’ils peuvent avoir de plus terrible lorsque la progéniture d’un père a complètement échappé à tout contrôle. C’est également un brillant récit sur la manipulation et sur l’excitation de l’illégalité, mis en scène avec un talent assez fou, qui finit d’imposer Jim Mickle comme un des noms qui comptent, et n’ont pas fini de compter, sur la scène du cinéma indépendant aux USA.

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Auteur

Gigantesque blaireau qui écrit des papiers de 50000 signes absolument illisibles de beaufitude et d'illettrisme, d'après Vincent Malausa.

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