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Informations sur l'oeuvre :

Ça – Critique

Véritable carton outre atlantique, avec plus de 218 millions de dollars de recettes en 10 jours pour un budget de 35 millions, la nouvelle adaptation du monument littéraire de Stephen King suscite l’enthousiasme auprès de la critique et du public. Ça, le nouveau long métrage d’Andrés « Andy » Muschietti s’avère être une réussite miraculeuse. Une véritable surprise d’autant plus étonnante qu’elle conclut positivement 8 ans de production chaotique.

Mars 2009, Warner Bros confie à Dan Lin, associé de Guy Ritchie, et Roy Lee, responsable de nombreux remakes de classiques de la J-Horror, la production d’une adaptation du roman Ça de Stephen King. Dans un premier temps le scénariste David Kajganich (les remakes de La piscine et Suspiria), est chargé de condenser les deux tomes en un seul film. Les frères Duffer, futurs créateurs de la série Stranger Things, et Vincenzo Natali (Cube) font savoir sans succès leur volonté d’assurer la réalisation. En 2012 Seth Grahame-Smith (Dark Shadows) rejoint la production et confie à Cary Joji Fukunaga la réalisation. Ce dernier, et son associé Chase Palmer, travailleront pendant 4 ans sur le projet. Le duo opte pour deux longs métrages, le premier centré sur l’enfance des protagonistes, le second sur l’âge adulte. Fukunaga et Palmer transposent une partie de l’intrigue à la fin des années 80 au lieu des années 50. Peu de temps après la diffusion de True Detective, dont il a réalisé la 1ère saison, Fukunaga annonce un tournage pour l’été 2015. La production avance coûte que coûte, le cinéaste ayant jeté son dévolu sur Ben Mendelsohn (Les poings contre les murs) pour interpréter le clown Grippe-Sou. Cependant un conflit entre l’agent du comédien et le studio oblige Fukunaga à trouver un nouvel interprète. Après avoir rencontré de nombreux acteurs comme Richard Armitage ou Mark Rylance, le réalisateur opte pour le jeune Will Poulter, impressionné par sa prestation lors d’une audition. Malheureusement suite à des divergences artistiques avec le studio, Fukunaga quitte le projet à 8 semaines du tournage, entrainant dans son sillage celui de Poulter. Gary Dauberman (Annabelle) est chargé des réécritures, consistant principalement à mixer les différentes versions de Fukunaga et Palmer, tout en répondant aux nouvelles attentes de la production. [1]La chaine You Tube LowRes Wunderbred revient en détail sur le projet avorté de Cary Fukunaga. https://www.youtube.com/watch?v=ePx9AFcwHtw Dans un premier temps Mike Flanagan (The Mirror) est envisagé pour reprendre la réalisation jusqu’à ce que l’argentin Andrés Muschietti, qui vient de quitter le reboot de La Momie pour Universal, ne décroche le poste. Ce dernier s’entoure de sa sœur Barbara à la production, du directeur de la photographie Chung Chung-hoon collaborateur fétiche de Park Chan-wook, du compositeur Benjamin Wallfisch (A Cure for Life), du chef décorateur Claude Paré (La planète des singes : les origines), de la costumière Janie Bryant (Mad Men) et du monteur Jason Ballantine, ancien collaborateur de George Miller. Connus pour leurs travaux sur les franchises Alien et Predator, le duo Alec Gillis et Tom Woodruff Jr. se charge des différents maquillages et animatroniques, tandis que la compagnie Rodeo FX, sous la houlette de Nicholas Brooks (Valérian et la Cité des Mille Planètes), s’occupe des effets visuels. Hugo Weaving et Bill Skarsgård sont les finalistes pour obtenir le rôle titre qui ira finalement au fils de Stellan Skarsgård. Jaeden Lieberher (Midnight Special), Jeremy Ray Taylor, Sophia Lillis, Finn Wolfhard (Stranger Things), Chosen Jacobs (Hawaii 5-0), Jack Dylan Grazer et Wyatt Oleff (Les Gardiens de la Galaxie) sont choisis pour camper les jeunes protagonistes du club des ratés. Le tournage prend place à Toronto du 27 juin au 6 septembre 2016. Suite à des contraintes budgétaires, le cinéaste doit renoncer à tourner une scène impliquant l’origine Lovecraftienne de Grippe-Sou.

À l’instar du roman dont il est issu, le second long métrage de Muschietti débute sur la disparition de Georgie Denbrough (Jackson Robert Scott) un jour de pluie, entrainé dans les égouts par Grippe-Sou. Une scène connue de toutes et de tous, en partie grâce au célèbre téléfilm de 1990, dont on redoute que cette nouvelle version ne soit qu’un remake du fait de la réorientation du projet, suite au départ de Fukunaga. Cependant, là où Tommy Lee Wallace jouait sur une suggestion cheap née des contraintes de la censure télévisuelle, Muschietti montre l’arrachage du bras de Georgie par le clown. Une scène particulièrement violente qui dévoile la note d’intention du cinéaste de Mama : renouer avec l’esprit du roman de 1986. À l’origine, le livre de Stephen King peut être vu comme la rencontre entre Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur de Harper Lee et l’univers de H.P. Lovecraft. Une osculation des horreurs de la société américaine à travers le microcosme de la bourgade de Derry, et leurs résonances à une échelle cosmogonique incarnée par la créature éponyme. Le tout via l’introspection maladive d’adultes ayant eu une enfance douloureuse. Un roman aux multiples degrés de lecture, thérapeutique diront certains, qui ne peut être réduit à une histoire de clown boogeyman. Le Ça du titre évoque toute les horreurs possibles et imaginables. De la mort d’un proche jusqu’à l’indicible terreur métaphysique, en passant par les nombreux travers de l’être humain et de la société qui l’entoure, King était parvenu à créer une icône du mal absolu. Le tout appuyé par une narration complexe faisant l’aller-retour entre passé et présent, ponctuée de nombreuses digressions contextuelles et historiques. Autant d’éléments qui font d’une adaptation sur grand écran un vrai casse tête narratif entre ce qui doit être gardé, changé ou supprimé. Le choix d’un diptyque s’avère bienvenu, permettant de mieux trier les informations et de rendre plus concis les nombreux enjeux du récit. Cependant transposer l’intrigue dans les 80’s pose un problème lié à la production cinématographique et télévisuelle contemporaine. Cette dernière étant partagée entre nostalgie mortifère (Super 8, Stranger Things) et artsploitation creuse (Lost River, It Follows), mais Muschietti n’utilise jamais l’œuvre de King comme prétexte pour pasticher cette époque. Les quelques clins d’œil à Street Fighter et aux productions Warner de l’époque restent en arrière plan comme simples éléments de décor : borne d’arcade, affiches… . Quant aux dialogues mentionnant Breakfast Club et Les dents de la mer, ils se comptent sur les doigts d’une main et sont placés aux bons moments de l’intrigue permettant de mieux apprécier l’humour qui en découle. Andy Muschietti évite soigneusement de faire du pied à son public, préférant se concentrer sur son histoire.

Le travail d’adaptation orchestré par les trois scénaristes témoigne de vrais partis pris et non d’une simple illustration. Le long métrage reste centré sur le difficile quotidien des jeunes protagonistes mais aussi sur les moments de bonheurs qui peuvent en découler. Si l’on devait rapprocher le film de Muschietti d’une autre adaptation cinématographique de Stephen King, ce serait Stand By Me, avec lequel il entretient le même regard juste et sans concession sur la fin de l’innocence. C’est d’ailleurs sur ce point précis que le réalisateur marque de nombreux points, son talent pour tirer le meilleur de ses jeunes interprètes, tous bluffants de justesse, évite à ces derniers de sombrer dans la caricature. Notamment Sophia Lillis dont la prestation à fleur de peau mérite d’être saluée. Ça est avant tout une exploration des peurs enfantines où la terreur surnaturelle, les différentes manifestations de Grippe-Sou, côtoie une horreur humaine comme la psychopathie naissante d’Henry Bowers où la pédophilie du père de Beverly. Bénéficiant du classement R-17, le film se permet d’aborder frontalement certaines thématiques glauques au point de mettre son spectateur mal à l’aise dans certaines scènes. Tous ces éléments permettent au cinéaste de Mama de toucher une certaine essence de l’œuvre de King, tout en prolongeant les thématiques de son précédent long métrage. Cependant ces choix payants trouvent également leurs limites. L’absence d’une narration en flash back prive le film de l’humanisme brisé, point central du roman. Si l’horreur banlieusarde est bien présente, elle reste cantonnée au club des ratés et à leurs proches. La face sombre des habitants de Derry n’est jamais évoquée de même que leurs répercussions à une échelle cosmogonique. Malgré l’absence de ces éléments le film refuse de jouer la carte de la «longue bande annonce » et propose une intrigue se suffisant à elle-même avec un développement narratif complet et une vraie fin. Ça est une montagne russe horrifique, Andy Muschietti parvient à revitaliser les jump scares via un traitement hyperbolique. L’inventivité constante des cadres le dispute à un montage complexe. Si deux scènes reposent sur des effets ratés à base de Body Cam et de stroboscopie, l’ensemble fonctionne à plein régime. L’écho aux angoisses humaines des jeunes protagonistes duplique l’impact des effets à de nombreux moments. L’attaque capillaire dans une salle de bains n’ayant rien à envier à Exte : Hair Extensions de Sono Sion auquel on pense fortement. La scène réussit à susciter un vrai malaise à partir d’un élément propice au ridicule.

Quant à Grippe-Sou, la prestation de Bill Skarsgård, entre humour noir et terreur, ne sombre jamais dans le cabotinage. Les différentes incarnations de Ça reposent sur un mélange harmonieux de maquillages, animatroniques et d’effets numériques au service de designs particulièrement soignés. Un soin que l’on retrouve aussi dans la photographie de Chung Chung-hoon. Le chef opérateur de Mademoiselle opte pour un traitement à contre courant de l’esthétique néon en vigueur de nos jours, privilégiant une lumière subtile pour les extérieurs et un traitement chromatique organique lors des scènes fantastiques mettant en avant les superbes décors gothiques, comme le repère de Grippe-Sou. C’est d’ailleurs lors de la confrontation finale entre le club des ratés et l’entité maléfique que le cinéaste parvient enfin à suggérer l’origine Lovecraftienne de sa créature, nouant son destin avec la perte d’innocence (l’acceptation du deuil) qui en découle. Une donnée finale qui si elle n’élève pas le film vers les sommets métaphysiques du livre, témoigne néanmoins de la sincérité de son cinéaste à livrer un film d’horreur profondément émouvant. Une qualité suffisamment rare à l’heure actuelle.

References

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1La chaine You Tube LowRes Wunderbred revient en détail sur le projet avorté de Cary Fukunaga. https://www.youtube.com/watch?v=ePx9AFcwHtw
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En résumé

Si l’on ignore ce que vaudra le deuxième chapitre, d’autant que Dauberman ne bénéficiera plus des travaux de Fukunaga et Palmer, ce premier volet de Ça s’avère être une très bonne surprise. Une œuvre qui confirme le talent du protégé de Guillermo del Toro. Les qualités du long métrage l’emportant sur ses imperfections. Un vrai film d’artisan soucieux du travail bien fait et d’une volonté de compréhension à l’égard du matériau de base. Pour citer Stephen King « je ne m’attendais pas à ce que Ça soit aussi bon ».
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